Les passeurs de musique. Tibo Niobé, « La musique bretonne comme ouverture au monde »

Ils ont la trentaine, n’ont pas été bercés depuis leur plus jeune âge dans la langue ou la culture bretonne, pourtant, ils en sont devenus les ambassadeurs. Leurs travaux musicaux les ont menés de collectages en archives, de l’histoire à l’art, et ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Le magazine Le Peuple breton vous invite à suivre ces artistes, des passeurs de musique, des talents qui se sont découverts en faisant. Une rubrique de portraits à lire et de chansons à découvrir !

Membre du groupe O’Tridal, l’Angevin d’origine est désormais également leader de Toutã qui vient de sortir son premier album : Hybride. Pour le compositeur et guitariste, la rencontre avec la Bretagne est plus qu’un coup de foudre, c’est une histoire qui s’ancre dans le temps. Voici l’interview de Tibo Niobé.

Dans les années 2000, avec des amis, l’adolescent découvre Dan Ar Braz, Ar Re Yaouank, Carré Manchot et tant d’autres. « Je jouais déjà de la guitare depuis mes 9 ans. Je me suis mis aussi à la cornemuse et j’ai commencé à fréquenter les festoù noz en pays angevin ».

Puis, vient le temps des scènes avec son groupe. « C’est naturellement que je suis venu faire mes études à Quimper. Et je n’ai pas été déçu. Je me suis rapidement fondu dans le milieu de la musique celtique. Il y a ici une mine de talents, de gens qui ont envie de créer, d’innover ». Avec Yeltaz Guenneau et Kentin Juillard, il forme O’Tridal qui rencontre un succès certain en mêlant les influences et en croisant musique bretonne et autres inspirations. « On a senti un engouement pour nos vidéos pendant le confinement. Puis, ensuite, sur la tournée ».

« Triumvirat », le nouvel album de O’Tridal sort ce 10 mars

Son nouveau groupe, Toutã, va encore plus loin dans l’exploration. « L’album est à l’image de tout ce que j’aime : world, groove, funk, rock, jazz mais aussi des sonorités irlandaises, écossaises ». Un groupe de rêve qui réunit avant tout des amis. « On prend du plaisir à passer du temps ensemble. Chacun apporte sa patte, sa touche ». Pour le trentenaire, le groupe est essentiel. « Je n’aime pas jouer seul. Ce qui m’intéresse, c’est le partage, l’échange, les joies et les emmerdes qu’on vit ensemble ».

Musicien, Tibo est aussi compositeur. Pour ses créations, il peut s’inspirer d’une atmosphère, d’une situation. « Parfois, je pars d’un rift de guitare, d’un thème de cornemuse ». La musique bretonne est le terreau dans lequel il puise les fondations de ses morceaux. Pour lui, le respect du patrimoine est primordial. « Jouer en bagad donne une importante culture musicale. On y reçoit des formations sur les styles, les rythmes, les danses aussi, les terroirs. On ne peut revisiter que ce qu’on maîtrise bien ».

Passionné de musiques du monde, Tibo aime en découvrir les secrets et en connaître les spécificités. « Quand j’accompagne à la guitare de la musique réunionnaise, j’en respecte les rythmes et les codes. Idem quand c’est de l’écossais, de l’irlandais ou du malien. Une musique, c’est une histoire en quelques mesures. Le rôle du musicien est de la soutenir au mieux. Quand je compose, c’est autre chose ».

Ce n’est donc pas un hasard si les voyages nourrissent son travail. « Rencontrer des gens passionnants, parler musique, échanger musique, vivre musique, en immersion totale. C’est que du bonheur ». Vivre ici, au bout du monde, ne sonne pas pour lui comme une limite. « Ce n’est pas un enfermement mais un port d’attache ».

S’il ne parle pas breton, Tibo le comprend de mieux en mieux. « Quand on s’immerge dans cette culture, on ne peut pas faire abstraction de la langue : Annie Ebrel, Yann-Fañch Kemener, Marthe Vassalo… sont autant de références pour nous ». Et l’avenir, Tibo le voit en tournée : « On ne monte pas sur scène pour rien. C’est une envie, un plaisir, un besoin. Raconter et dire des émotions ».