Alors que se profile à partir de jeudi prochain une nouvelle session du Conseil régional de Bretagne, un sujet de politique linguistique mis à l’ordre du jour soulève déjà le débat : le budget linguistique serait désormais rattaché à celui de la culture. L’hebdomadaire Le Poher a relayé hier les craintes des associations du réseau Rouedad ar Brezhoneg. Aujourd’hui, dans le Peuple breton, Lena Louarn pose la question : « Transfert purement technique ou premier pas d’une stratégie politique ? »
Point de vue. J’ai été alertée par des élus de la Région Bretagne et nombre d’acteurs de la langue bretonne que lors de la prochaine session du Conseil régional des 15 et 16 décembre serait proposé un vote sur un changement que je juge majeur, et même inquiétant : le glissement du programme 318 « Langues de Bretagne » de la mission Formation vers la mission Culture « Qualité de vie et rayonnement ». Leur inquiétude légitime m’a convaincue de réagir avant la présentation de ce bordereau en fin de semaine.
En premier lieu, je ne comprends pas vraiment la raison réelle d’un tel changement. Cela peut poser question à nombre d’élu·e·s de Bretagne et bien entendu à la sphère de l’ensemble du mouvement associatif breton.
À mon arrivée en 2010, élue régionale, 3ᵉ vice-présidente en charge des langues de Bretagne, j’avais sollicité une écoute forte auprès du président Jean-Yves Le Drian : la création et l’installation d’un service à part entière dédié, pour mener à bien ma mission, pour une politique linguistique digne de ce nom, et que le programme à l’enseignement soit rattaché à la mission Formation (NDLR : il avait été demandé par Naig Le Gars dès 2004) avec une augmentation du budget. Le président Le Drian avait écouté mes arguments et accédé à ces demandes.
La nomenclature stratégique par programme, comme son nom l’indique, est stratégique ! Ce qui signifie que ce n’est pas à mon sens une mesure purement technique comme on peut l’entendre, mais bien politique.
« L’objectif de la politique linguistique que j’ai menée est avant tout d’assurer la transmission de la langue. »
Classer le programme « Langues de Bretagne » dans « Rayonnement et qualité de la vie », c’est commettre une erreur d’interprétation, car l’objectif de la politique linguistique que j’ai menée est avant tout d’assurer la transmission de la langue à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent.
Certaines actions, bien sûr, relèvent de la culture comme l’audiovisuel, le théâtre, l’édition… mais cela ne suffit pas pour justifier qu’une orientation « culturelle générale » devienne la ligne directrice de la politique linguistique. Celle-ci doit rester avant tout tournée vers les usagers et usagères des services publics primordiaux que sont : l’enseignement et la formation des adultes, en particulier les demandeurs d’emploi.
« Celle-ci doit rester avant tout tournée vers les usagers et usagères des services publics primordiaux que sont : l’enseignement et la formation des adultes, en particulier les demandeurs d’emploi. »
C’est pourquoi il faut se mobiliser pour que ce programme reste rattaché à la mission Formation, puisque la mission Enseignement est devenue « vie lycéenne », titre que je trouve réducteur pour une politique linguistique digne de ce nom, qui touche les jeunes de 2 à 18 ans.
Mon sentiment premier est que nous avons affaire ici à une forme de détricotage. La première maille ?