
Deux journées de mobilisation ont eu lieu en décembre : le 4, pour l’ensemble des hôpitaux, et le 11 à Guingamp, où l’hôpital est menacé de perdre son service de chirurgie et sa maternité. Un peu partout en Bretagne, l’hôpital public est en grande tension.
« Ça craque de partout, l’hôpital public est en train de s’effondrer. J’ai été hospitalisée quelques jours début décembre, on voyait bien que les personnels étaient en tension absolue et peinaient à faire le travail. Il y avait des postes vacants dans tous les services » : Émilie, 41 ans, espère ne pas avoir besoin de retourner à l’hôpital de sitôt… Ce qui ne l’a pas empêché, bien au contraire, de manifester pour la défense des services de santé.
Le constat est largement partagé. Les hôpitaux, sous-financés pendant des années, sous tension notamment à cause de la mise en place de la tarification à l’acte (il est plus « rentable » de multiplier les actes ponctuels que de faire du soin au long cours…), en première ligne face à la crise de la covid, perdent des personnels.
Cercle vicieux encouragé par l’ARS
Pas de quoi dédouaner le gouvernement de ses responsabilités. Une sage-femme mobilisée expliquait à la foule guingampaise le 11 décembre que tout est fait pour décourager le recrutement dans les hôpitaux des petites villes : « Nous avions trouvé un anesthésiste, il était prêt à s’installer à Guingamp, mais quand on lui a dit qu’il n’aurait qu’un contrat de six mois parce que le service allait fermer, il est allé voir ailleurs… »
C’est pourtant le manque de personnels spécialisés qui justifie les fermetures de service ! Un cercle vicieux, encouragé par l’agence régionale de santé, service d’État (malgré son nom, l’ARS n’est pas sous la responsabilité du conseil régional).
En amont de la manifestation, les personnels de l’hôpital, et en particulier de la maternité, ont écrit aux élus régionaux pour leur demander un soutien officiel en raison des menaces qui pèsent sur les services de maternité et de chirurgie : « Des entretiens individuels, proposés en cette fin d’année au personnel médical de la maternité par la directrice du CH de Saint-Brieuc en vue d’évoquer leur “avenir professionnel”, n’ont fait qu’augmenter nos craintes », expliquent-ils.
Pourtant, la maternité de Guingamp a vu le nombre de ses naissances augmenter de façon très importante en 2021 : +18 %, soit près de 80 naissances supplémentaires. Des chiffres qui, selon les personnels, « témoignent de la confiance et de l’attachement à notre service » dont fait preuve la population.
Le courrier précise également que « dans les Côtes-d’Armor, la densité de médecins généralistes se situe entre 10 et 25 % sous la moyenne nationale, et qu’elle est entre 25 et 50 % au-dessous pour les médecins spécialistes », ce qui génère une « sous-consommation de soins de l’ordre de 25 % ». Il ajoute que la population est plus âgée, ce qui justifie « une prise en charge en proximité ».
Autant d’arguments qui devraient peser dans la balance dans un pays où « le taux d’accès à une offre de médecine est parmi les plus faibles de Bretagne à 2,9 (moyenne française : 3,5), tout comme la densité d’accès à la médecine, 33 % inférieure à la moyenne nationale ». Le sauvetage des plateaux techniques, de la chirurgie accessible H24, de la maternité, et de la présence de spécialistes est donc essentiel.
Après cette interpellation, le groupe d’élus d’opposition de gauche « Breizh a-gleiz – autonomie, écologie, territoires » (constitué des élus de l’UDB et d’Ensemble sur nos territoires) a porté une proposition de vœu lors de la session des 16 et 17 décembre du conseil régional de Bretagne. Ils ont immédiatement été soutenus par le groupe Les Écologistes de Bretagne, puis par l’ensemble des groupes de la majorité : socialistes, communistes, régionalistes, grâce à l’investissement et au dialogue assumé par la vice-présidente chargée de la santé et de la biodiversité, Delphine Alexandre, élue communiste lorientaise.
Dans ce vœu, le conseil régional réaffirme son attachement à un maillage équilibré et qualitatif du territoire breton en matière de services de santé, physique et mentale. Il demande le maintien des services existants dans les hôpitaux publics par le recrutement de praticiens.
« Affirmer la solidarité territoriale »
Pour démocratiser le système de santé, il réclame « le passage de l’agence régionale de santé sous responsabilité partagée de l’État et de la Région, associant plus fortement les collectivités locales et les usagers », une demande largement formulée par l’UDB depuis des années.
Le vœu poursuit par la volonté d’une élaboration conjointe du prochain projet régional de santé entre l’ARS et le conseil régional, ceci « afin qu’une attention particulière soit portée à la réduction des inégalités territoriales, dans un esprit d’équité et d’équilibre entre les territoires de Bretagne ».
Par ailleurs, il demande un renforcement du financement public du secteur de la santé, qui inclut notamment la réforme du financement des hôpitaux, tournant la page de la course aux actes et de la surcharge de travail bureaucratique et misant sur les bonnes conditions de travail pour les soignants.
Enfin, il sollicite une loi, « dès le début de la prochaine mandature » de l’Assemblée nationale, visant à étendre la sécurité sociale afin de prendre en charge des dépenses aujourd’hui couvertes par les mutuelles privées.
Pour Nil Caouissin, rapporteur du vœu, « l’enjeu premier de ce texte est d’affirmer la solidarité territoriale. Les promoteurs du démantèlement des services de santé ont beau jeu de dresser les hôpitaux et les élus les uns contre les autres. Mais on sait par exemple que si la maternité de Guingamp tombe, c’est celle de Saint-Brieuc qui sera saturée. Nous sommes tous dans le même bateau. […] Le deuxième objectif, c’est de rappeler notre souhait de renforcer la responsabilité de la Région et des élus locaux. Les gens qui prennent des décisions graves sur l’avenir des services de santé devraient être les élus, qui assument leurs décisions devant leurs électeurs ».
Plusieurs élus ont ensuite pris la parole pour évoquer les difficultés à Vitré, Fougères, Auray, Redon, Pontivy, et expliqué leur soutien au vœu proposé, sur les bancs des groupes de gauche de la majorité et de l’opposition, mais aussi dans l’opposition de droite.
En revanche, les centristes, qui comptent dans leur groupe un membre de LREM, ont préféré faire la promotion de l’action du gouvernement et ont justifié leur abstention en critiquant un texte « qui ressemble à une plate-forme programmatique de la gauche »… tout en soulignant n’avoir aucun désaccord sur les demandes ! Allez comprendre !
Paul Molac leur a alors rappelé malicieusement que la demande d’une extension de la sécurité sociale était aussi portée par des membres du gouvernement, peu soupçonnables de se rallier à « une plate-forme programmatique de gauche ». De leur côté, les élus du RN se sont réfugiés dans l’abstention.