
À 80 ans, Eugène Riguidel n’a rien perdu de sa fougue. Victorieux d’une bataille contre la 5G il y a quelques semaines à Landaul, toujours au première loge quand il s’agit de défendre la langue bretonne comme tout récemment avec la Redadeg, candidat sur la liste de Bretagne d’Avenir pour l’UDB, le vieux loup de mer a reçu Le Peuple breton pour un entretien paru en mai dans nos colonnes. Mais il est si passionné qu’il nous a été impossible de tout transcrire dans le papier. Voici donc un bonus pour les lecteurs de la version numérique du journal…
Tout le monde connaît Eugène Riguidel. Et ceux qui ne le connaissent pas, en réalité, le connaissent ne serait-ce que par l’intermédiaire d’une des chansons phares du chanteur Renaud (Dès que le vent soufflera) « Kersauson ou Riguidel naviguent pas sur des cageots, ni sur des poubelles ». De tous les engagements du navigateur, le plus important reste malgré tout la mer. Le marin a beau dénoncer l’agriculture productiviste, le jacobinisme d’État ou la privatisation du littoral, il n’en reste pas moins toujours les yeux rivés sur l’horizon. « La Bretagne a fait naviguer des bateaux dans le monde entier. Et la France a démissionné ! La preuve : il n’y a plus de marine marchande ». La vision centraliste et continentale est le signe pour Eugène d’une « domination », d’un « colonialisme intérieur ».
L’octogénaire n’a pas peur des mots. Ni des gros mots quand il s’agit de parler du président du Conseil départemental : « Goulard a multiplié les mouillages dans le Golfe [du Morbihan ndlr]. Nous, on ne peut plus mettre nos bateaux car ce sont des tarifs parisiens ! On défigure le littoral. Les ports utilisés par des gens qui ne sont pas marins, qui utilisent ça comme des résidences secondaires ! Ils louent des voiliers pour naviguer au moteur. Quand ils font appel aux sauveteurs car ils sont en panne, ceux-ci leur disent « c’est un voilier, naviguez à la voile ! »… sauf qu’ils ne savent pas naviguer ! Moi, je navigue toute l’année avec mon petit bateau en bois. Et ces corps-morts qui saccagent le paysage, qu’ils les retirent ! »
Eugène est toujours prêt à mettre sa célébrité au service de causes qu’il estime justes. La dernière en date est celle du combat contre la privatisation de l’île Berder, ce « bijou ». « Si on gagne notre combat à Berder, je propose de relancer l’idée d’une école de voile traditionnelle ». Il y a plus de 25 ans, il avait déjà proposé de créer une telle école pour apprendre l’aviron, la godille et la voile aux enfants. « Je n’ai eu aucun réponse favorable, sauf le maire de l’île au Moine. Il ne pouvait pas à cause de l’hébergement. Il n’avait même pas de maison pour le médecin, déjà à l’époque ».
Même si le projet n’a jamais pu voir le jour (pour le moment !), Eugène a tout de même créé les « Diwan Cup » pour soutenir le réseau immersif en langue bretonne. « J’apprenais aux enfants la godille. Je voulais ouvrir une fenêtre sur l’océan. Ils vivent à côté de la mer, mais en ont été tenus à l’écart. Le rapport à la mer est assez récent historiquement. Il y avait quelques cultivateurs-pêcheurs, mais globalement, les Bretons étaient des paysans quand même. Or, la mer a été un ascenseur social pour les Bretons. »
Eugène Riguidel est attachant, d’abord car il est resté fidèle à ses convictions, mais aussi qu’il poursuit ses rêves. « Il faut rêver Berder ! Il faut des projets ! On commencera sous tente si besoin et l’argent récolté servira à rénover le patrimoine ! Que ceux qui rêvent s’expriment ! »
À lire également : le portrait d’Eugène Riguidel dans Le Peuple breton de mai 2021