Alors qu’au Moyen Âge leur apparition annonçait la crainte et l’épouvante des populations chrétiennes, aujourd’hui ce qu’on appelle abusivement « drakar », tout comme ceux qui les pilotaient autrefois fascinent les contemporains. En Bretagne et plus précisément à Pont-Scorff, les Vikings ont le vent en poupe depuis qu’une équipe de passionnés ambitionne de construire l’une de ces embarcations. Rencontre avec l’association Porzh ar Vran.
Le Peuple breton : Comment vous est venue l’idée de ce projet ?
Porzh ar Vran : L’idée nous est venue en découvrant les IXe et Xe siècles bretons, que les Vikings étaient venus en Bretagne, avaient remonté toutes ses rivières, et pas seulement pour faire des raids, puisqu’ils s’y sont même installés pendant une trentaine d’années au Xe siècle.
L’interaction que les Vikings ont eu avec la Bretagne est importante : quelques fois alliés, très souvent ennemis, ils ont été des acteurs dans ce royaume de Bretagne naissant puis en pleine expansion (le Royaume sous Salomon sera à son apogée, allant du sud de Nantes au nord du Cotentin, en passant par les actuelles îles anglo-normandes et presque jusqu’à Angers) ; mais ils ont aussi contribué à la chute de ce même royaume. En effet, à la mort d’Alain le Grand en 907 – celui-là même qui les avaient chassé de Bretagne lors le la Bataille de Questembert, en 890 – les Vikings reviennent piller la Bretagne. Face à l’absence d’une autorité royale et la fuite de la noblesse et des religieux à l’approche des pirates scandinaves, ces derniers s’installent en Bretagne. Il faut attendre 936 et le retour d’exil d’Alain Barbetorte « al Louarn », petit-fils d’Alain le Grand, pour que ce dernier rallie les Bretons et repoussent les Vikings. Il faut attendre 939 et la bataille de Trans, pour que les deniers Vikings soient chassés définitivement. Bien que vainqueur, Alain Barbetorte ne relèvera pas le titre de « Roi des Bretons », la Bretagne devient progressivement le duché de Bretagne.
Pour construire ce navire, comment allez-vous procéder ?
On va faire de l’expérimentation, mais également de l’archéologie expérimentale. Pour l’expérimentation, on va utiliser les techniques d’époque. Ainsi, nous allons construire ce bateau, comme l’auraient fait les Vikings au Xe siècle. Pour la partie archéologie expérimentale, nous allons mettre en place un conseil scientifique, afin de nous appuyer sur des experts, et pourquoi pas faire avancer les connaissances, tant sur les techniques de construction que sur l’histoire des Vikings en Bretagne, qui sait !
Quelles sources et quelles techniques utiliserez-vous pour bâtir ce navire ?
Pour construire ce bateau, on ne va pas le faire avec des techniques modernes, on va utiliser les techniques et les outils d’époque, afin d’être le plus proche de ce qu’auraient pu faire les Vikings. On va donc faire venir des troncs, débiter les planches à la hache, faire notre propre goudron. On a déjà acheté les plans de notre navire auprès du musée du bateau viking de Roskilde (Danemark). Le bateau sera un skudelev 5, un bateau de guerre de 17,30 de long, 2,50m de large, comportant 26 rames, il pourra accueillir 30 personnes à bord.
Au-delà de cette construction, comptez-vous valoriser l’histoire viking en Bretagne ? Et si oui, comment ?
Autour de la construction du bateau, nous allons mettre en place des expositions, conférences, visites commentés du chantier, mais également une fête tous les ans, sur le site du domaine de Saint-Urchaud, à Pont-Scorff, tout cela afin de valoriser cette histoire méconnue des Vikings et du Royaume de Bretagne. Le but n’étant pas faire ce projet dans l’entre soi, mais qu’il soit ouvert au grand public. L’inauguration du chantier devrait se faire en septembre prochain et la première fête viking en mai 2022.
Comment vous aider pour faire aboutir ce projet ?
Nous avons déjà les plans du bateau, un terrain pour la construction et du bois pour faire la structure, maintenant nous avons besoin d’outils et de bois pour commencer l’aventure. Pour les outils, on ne les trouve pas en magasin de bricolage, nous avons donc besoin de faire forger chez un forgeron spécialisé ces outils vikings du Xe siècle (doloire, herminettes, haches de travail, etc…). Pour financer ces outils et le bois, nous avons donc lancé un financement participatif jusqu’au 19 juin prochain. On invite les personnes désireuses de nous aider à y participer, même pour quelques euros. Il y a des contreparties sympathiques, allant jusqu’à des week-ends découverte « Week’ing ».