
Il y a environ 1 an, l’association « Glacière 1920-2020-2120 » naissait. Son objectif : réhabiliter la Glacière du port de pêche de Lorient. Le Peuple breton a rencontré le président, l’ingénieur du patrimoine bâti Ronan Le Roscoët, pour en parler.
Le Peuple breton : Qu’est ce que la Glacière ?
Ronan Le Roscoët : La grande glacière, ou plutôt le frigorifique à l’époque, est une pièce d’un grand plan pour moderniser la France au sortir du terrible conflit de la guerre de 14-18. Traumatisés par les pénuries alimentaires, aiguillonnés par l’avance des Anglais dans ce domaine, on veut se rattraper, doter la France d’un grand port de pêche et mettre en place une filière ultra moderne d’approvisionnement en poisson.
Le Commissariat aux Transports Maritimes et à la Marine Marchande imagine un programme ambitieux : construire deux frigorifiques, un à Saint-Pierre et Miquelon pour collecter et congeler le poisson, construire deux bateaux réfrigérés pour le transporter et une grande glacière à Lorient pour le réceptionner et le redistribuer en France.
Les deux bâtiments uniques existent toujours. Le frigorifique à l’origine est une construction monumentale, érigée sur des voûtes en pierre, construit à même la plage, entouré d’eau.
Nous avons choisi ce nom pour rappeler l’année de fin de la construction de la Glacière (1920), l’année de création de l’association (2020), et la perspective de long terme dans laquelle on souhaitait s’inscrire pour donner une nouvelle vie à ce bâtiment (2120).
Que comptez-vous faire de cette Glacière ?
L’Association Glacière 1920-2020-2120 porte l’ambition d’un Tiers Lieu Maritime regroupant sur un même endroit plusieurs usages : économiques, culturels, associatifs et des espaces collaboratifs de travail, orientés vers la valorisation du monde maritime, en offrant des fonctions et espaces accessibles à tous ; avec en particulier un agrandissement de l’espace, accessible au public, entre la glacière et l’embarcadère vers Port Louis, point de vue magnifique sur la rade de Lorient, face à l’île Saint Michel. Le dernier étage de la glacière, point de vue exceptionnel à 360° sur les environs de Lorient, serait ouvert à tous, avec un usage à définir.
Suite à l’élection de M. Loher à la mairie de Lorient, les choses sont allées très vite et la décision a été prise de détruire la Glacière. Quelles ont été vos relations avec les institutions, aussi bien la mairie de Lorient que la Région Bretagne ?
Il faut savoir que la décision de la démolition était prise avant la prise de fonction de M. Loher, puisque le permis de démolir avait été accordé par la précédente municipalité, à la veille du premier tour des élections.
Nous avons pu rencontrer à la fois la Région Bretagne (Jean Michel Le Boulanger, 1er vice-président, et Gaël Le Saout, présidente du syndicat mixte de Lorient Keroman) et le nouveau maire de Lorient et président d’agglomération, Fabrice Loher. Ces différents échanges nous ont permis de présenter notre projet ou de prendre connaissance du choix commun de l’agglomération et de la Région de poursuivre dans le chemin tracé jusque-là. Si le fond du projet ne suscite pas de débat, nous aurions aimé pouvoir mener des échanges objectifs, basés sur des arguments factuels, et non des positions de principe.
Nous n’avons jamais fermé la porte de la discussion à travers nos courriers de réponse.
Malgré cette décision de destruction, vous persistez à croire à l’utilité de votre projet ? A la possibilité qu’il puisse aller à son terme ?
Par manque de projet pour ce lieu, pour le coût que sa réhabilitation représentait, son intérêt patrimonial a été sciemment occulté (voir contenu du PLU en vigueur). Il nous paraît légitime de vouloir rétablir cette erreur, cette injustice, pour le bien commun que le bâtiment représente pour l’histoire de la ville de Lorient. D’autant plus en proposant un projet dont le fond ne présente pas de discussion. En effet, la Région Bretagne elle-même souhaite mener ce projet de Tiers Lieux, ailleurs sur le port. Elle passerait là, à côté d’une évidence.
Ce projet peut aller à son terme, premièrement si nous parvenons à convaincre les acteurs du port de pêche que notre proposition peut se concilier avec une modernisation du port. Pour le moment, notre demande de rencontre, notamment auprès du comité des Pêches est restée sans réponse. La Région Bretagne et Lorient agglomération n’ont pas non plus souhaité organiser de rencontre avec la SEM Keroman, ni nous communiquer le plan d’investissement en vigueur pour la modernisation du port. Ce document est-il top secret ? Il s’agit pourtant là d’investissement en partie public.
D’autre part, la population locale doit prendre conscience de l’intérêt patrimonial de ce bâtiment et du potentiel et des retombés que peuvent apporter une réhabilitation aussi unique et audacieuse.
Vous venez de lancer un financement participatif. Vous cherchez à récolter 10000€, une somme importante! A quoi vous servira cet argent ?
Ce projet est très ambitieux, nous avons en face un projet qui est déjà avancé, il nous faut convaincre un maximum de personnes et aussi professionnaliser la proposition. Il est regrettable qu’aujourd’hui, beaucoup de personnes n’osent pas s’exprimer publiquement sur ce sujet, alors qu’elles partagent notre vision. Omerta ? Nous devons inverser ce rapport de force et permettre la libération de parole.
Le travail de communication est un vrai métier, nous avons beaucoup de fond et de matière, il reste à les mettre en forme, et le coût des diffusions / impressions à grande échelle représentent aussi des sommes importantes.
Certaines associations sont constituées d’une majorité de personnes à la retraite, ce n’est pas notre cas. C’est à la fois un avantage mais aussi un inconvénient pour le temps que nous sommes prêt à y consacrer. Nous n’avons pas non plus de professionnels de la communication dans l’association pour avancer sur des prestations bénévoles, malgré quelques personnes volontaires lors des réunions publiques.
Pour résumer, il s’agit de se donner les moyens de nos ambitions sur un projet d’une telle ampleur, qui, porté par une collectivité ou un investisseur immobilier, disposerait de dix fois ce montant, pour construire et parler d’un tel projet.