À la suite des débats qui ont eu lieu à l’occasion des votes des vœux aux conseils municipaux de Nantes et de Rennes, il a paru utile à Jef Monnier, adjoint à la ville de Rennes, d’apporter quelques précisions.
Tout d’abord, il est important de rappeler que tant que l’avis des citoyennes et des citoyens, en premier lieu de Loire-Atlantique, ne sera pas pris en compte et respecté, ce débat ne sera pas clos et continuera à émailler la vie politique bretonne comme française.
On nous dit que cette question de la réunification administrative de la Bretagne n’est pas importante, qu’elle n’est pas prioritaire. Et en effet, comme toutes les questions institutionnelles, celle-ci n’est pas importante. Ce qui est important c’est la santé, l’environnement, l’emploi, la sécurité… Non, ces questions ne sont pas importantes, elles sont fondamentales car ce sont elles qui déterminent tout le reste. Face à la crise écologique comme face à la crise sanitaire, l’expérience et l’actualité nous enseignent que c’est dans les territoires que l’essentiel se jouera. Or pour mener des politiques efficaces nous avons besoin de territoires forts, cohérents, légitimes. Nous ne pouvons pas nous contenter de structures dessinées sur un coin de table et qui n’ont, à aucun moment, reçu l’aval du corps électoral.
L’accusation a été lancée : réunifier la Bretagne provoquerait un risque identitaire. C’est faire là injure à la Bretagne qui, elle l’a démontré à maintes reprises, est une terre d’ouverture.
L’appartenance à la Bretagne, même si elle peut s’appuyer sur une histoire et des valeurs culturelles fortes, est avant tout une affaire de conscience. Il n’y a pas besoin d’avoir de papiers pour se sentir breton. L’appartenance à la Bretagne n’est en rien exclusive. Elle se marie avec bonheur avec d’autres appartenances pour former des identités riches et diverses. Aujourd’hui déjà il n’est en rien obligé de se considérer comme breton.ne pour habiter la région Bretagne et s’y sentir bien. Il en sera toujours ainsi.
Réunifier la Bretagne ne signifie en rien rétablir des frontières. Les liens entre la Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire ainsi que la Vendée continuerons toujours d’exister, de la même façon qu’aujourd’hui existent des liens entre la l’Ille-et-Vilaine et la Mayenne. Une Bretagne réunifiée travaillera toujours avec les territoires voisins dans un même esprit de coopération et de solidarité. Réunifier la Bretagne signifie uniquement mieux organiser les territoires.
Si aujourd’hui personne n’ose s’opposer à la demande démocratique de consulter les citoyen.ne.s, l’objection qui est faite est celle du périmètre de cette consultation. Certains disent que ce sont les électeurs et électrices de tous les territoires concernés (donc Bretagne administrative et Pays de la Loire, mais aussi, pourquoi-pas, Centre Val de Loire et Nouvelle Aquitaine) qui devraient être consultés. D’autres affirment que doivent être consultés les habitants de la Bretagne (dans son ensemble, évidemment).
En tant que démocrate, je pense en effet que l’ensemble des citoyen.ne.s concernés devront, à un moment donné avoir la possibilité de donner leur avis sur l’organisation administrative du territoire sur lequel il et elles vivent. Mais je pense que pour le respect de toutes et tous, cela doit se faire dans le bon ordre. Les habitant.e.s de la Loire-Atlantique ont le droit de dire dans quelle région administrative ils et elles souhaitent se trouver, indépendamment de ce que ce qui se pense dans les départements voisins. Une personne qui divorce n’a pas à demander l’avis des membres de sa famille, même si ça les impacte tous.
Dans un second temps, en effet, en cas de victoire du oui en Loire-Atlantique il s’agira de dire si l’avis de l’avis de citoyen.ne.s de ce département doit être respecté ou pas. Il s’agira aussi de dire si la région des Pays de la Loire a ou non un avenir (même si on a du mal à imaginer qu’elle puisse en avoir un dans un tel contexte). L’avenir des autres départements des Pays de la Loire ne doit évidemment pas être oubliée. Des propositions ont été faites comme la formation d’une région Val de Loire. Comme de juste, ce sera aux habitants de ces départements de se prononcer.
En Bretagne, les électeurs et électrices devront aussi être consultés mais nous pouvons espérer que ce sera aussi l’occasion de valider des évolutions institutionnelles (assemblée de Bretagne, autonomie…)
La question est posée très régulièrement : « En cas de réunification, quelle serait la capitale de la Bretagne ? Rennes ou Nantes ? » A cela nous répondons par une autre question : Pourquoi la Bretagne ne devrait avoir qu’une seule capitale ? En effet, Édimbourg et Glasgow, Berlin et Francfort, Sidney et Canberra nous prouvent tous les jours que modèle de la capitale unique n’est pas une fatalité.
Cette question de la capitale est encore plus prégnante à Rennes. Et d’ailleurs, que veulent-ils ces Rennais ? Veulent-ils que Rennes soit le chef-lieu d’une région administrative tellement quelconque que l’État français peut en déterminer les contours sans demander l’avis à personne ou veulent-ils que Rennes soit l’une des capitales d’un territoire unique et original, bien plus qu’une simple région administrative ?
Je voudrais enfin réagir face à un débat qui s’est installé au sein du mouvement pour la réunification entre ceux qui disent qu’il faut que l’État organise un référendum et ceux qui disent qu’il faut que le Conseil départemental de Loire-Atlantique organise une consultation. Cela n’est pour moi que des arguties juridiques qui n’ont que peu de sens au niveau politique.
Il ne faut pas simplement interpeler l’État ni simplement interpeler le conseil départemental de Loire-Atlantique, il faut interpeler les deux. Mais si le conseil municipal de Nantes aurait pu le faire, cela n’avait pas beaucoup de sens que le conseil municipal de Rennes interpelle le conseil départemental de Loire-Atlantique.
Qu’on le veuille ou non, nous savons tous très bien que sans un accord au plus haut sommet de l’État, la réunification administrative de la Bretagne ne sera pas possible. Si les clés sont dans nos territoires, et notamment en Bretagne, le verrou quant à lui reste à Paris. Penser le contraire serait faire preuve de naïveté. Alors oui, il existe bien un dispositif pour modifier un découpage administratif, mais je rappelle qu’il a été spécifiquement conçu pour être inapplicable, donc le mieux c’est de l’oublier.
Nous savons aussi, et François Hollande l’a très bien prouvé, qu’il est très facile de modifier le découpage des régions. Un simple loi (ou plus exactement une loi ordinaire) suffit pour le faire. Quelques décrets d’application et il n’y a besoin de rien d’autre. Permettre les citoyen.ne.s de s’exprimer est uniquement une exigence démocratique, ce n’est une exigence ni juridique, ni constitutionnelle. Donc, permettez-moi de vous le dire : consultation ou référendum, on s’en fiche un peu.