La mairie de Nantes hisse enfin le Gwenn-ha-Du !

Selbymay, CC BY-SA 3.0

C’est une excellente nouvelle pour nombre de Nantais : jeudi 17 décembre à 11h, le drapeau breton sera hissé – en public – dans la cour d’honneur de l’hôtel de ville de Nantes. Résultat d’un long processus de pression populaire et de négociation politique, cette ancienne revendication trouve enfin son aboutissement alors que le nouveau contexte politique local se montre plus ouvert à la question de la réunification.

Elle tient promesse. La maire de Nantes, Johanna Rolland, hissera elle-même le drapeau breton sur sa mairie, rompant ainsi nettement avec son prédécesseur, Jean-Marc Ayrault, plus prompt à résister aux revendications bretonnes qu’à les écouter. Pourtant, Johanna Rolland part de loin : son accord pour pavoiser breton date de sa campagne électorale de 2014. Une fois élue maire, les multiples relances associatives et politiques n’y feront rien ; il lui faudra 6 années pour tenir son engagement. Mais Johanna Rolland évolue. Elle a certes exprimé clairement sa position – elle préférait la fusion en un Grand Ouest lors du débat sur le redécoupage des régions en 2014 – mais elle ne peut plus ignorer le rapport de force associatif et politique de 2020, bien plus favorable à la réunification et ses questions annexes, comme la présence du Gwenn-ha-Du, le « blanc et noir », sur l’hôtel de ville.


Un nouveau rapport de force associatif et politique

Côté associatif, Bretagne réunie n’a jamais cessé de mobiliser ses comités locaux pour faire de sa pétition un succès. En obtenant 105 000 signatures d’électeurs de Loire-Atlantique pour demander un référendum sur la réunification, l’association s’est doté d’un moyen de pression inédit pour placer la réunification au centre de l’actualité, particulièrement pendant la campagne électorale. L’Agence culturelle bretonne de Loire-Atlantique a de son côté réalisé un travail de fond, moins médiatisé mais tout aussi important, pour favoriser les contacts entre la mairie et les associations bretonnes de Nantes.

Côté politique, Sonia Méziane et Pierre-Emmanuel Marais (UDB), conseillers municipaux de Nantes dans le premier mandat de Johanna Rolland, ont permis une montée en connaissance des élus nantais et de leur cabinet vis-à-vis des questions bretonnes. Cela a notamment préparé les débats pour les négociations électorales en 2019 qui ont amené les militants UDB à voter pour une alliance au premier tour avec Johanna Rolland (PS) plutôt qu’avec Julie Laernoes (EELV). La liste de cette dernière n’est pourtant pas en reste, Florian Le Teuff ayant lui aussi fait bouger les lignes internes et obtenu l’engagement de hisser le drapeau. La fusion des deux listes au second tour a entériné ce qui était déjà acquis avec l’UDB : le programme de Johanna Rolland comprend l’engagement n°288 de faire flotter le Gwenn-ha-Du sur la mairie.

Mais chien échaudé craint l’eau froide, dit le proverbe. Après la réticence d’Ayrault, la promesse oubliée de Johanna Rolland en 2014, l’étonnante inertie de l’institution sur certains dossiers, voilà en 2020 la Covid et ses règles sanitaires pouvant remettre aux calendes grecques tout projet si bien ficelé soit-il. Le doute n’était pas encore levé ; le drapeau breton flottera-t-il un jour ? Avec Bretagne réunie, la toute nouvelle association À la bretonne, créée en juillet 2020 pour placer le débat de la réunification sous l’angle civique, a été le coup de pouce opportun pour aider l’exécutif à passer de la parole aux actes. Le 17 décembre 2020, le Gwenn-ha-Du flottera. Que d’efforts pour une pièce de tissu !

Le Gwenn-ha-Du, un drapeau populaire

Considérer uniquement le tissu, c’est oublier qu’un drapeau touche à l’identité, à l’intime, aux appartenances de chacun. Le Gwenn-ha-Du a été dessiné en 1923 et a mis des décennies avant de s’imposer comme un étendard de la société bretonne, très populaire aujourd’hui. « Les citoyens ont besoin de symbole, celui-ci est fédérateur et enthousiasmant, a expliqué Bretagne réunie auprès d’Ouest-France. Le Gwenn-ha-Du porte des valeurs aujourd’hui essentielles : la convivialité, l’échange, la solidarité, l’ancrage local, l’ouverture sur le monde ». À chacun le droit de se l’approprier ou pas.

Au-delà de ce qu’il peut évoquer, que représente précisément ce drapeau en termes vexillologiques ? Il est composé de l’ancien drapeau d’hermines du duché de Bretagne, auquel ont été ajoutées neuf bandes noires et blanches pour figurer les provinces historiques de la Bretagne, dont le pays nantais. Il ne s’agit donc pas d’un logo représentant un territoire administratif, comme la Région Pays de la Loire ou la Région Bretagne à quatre départements, mais d’une représentation d’un territoire vécu, la Bretagne entière, c’est-à-dire avec la Loire-Atlantique.

Pour en savoir plus sur le Gwenn-ha-Du, son histoire et sa symbolique, l’association À la bretonne organise une webconférence animée par Mikael Bodlore-Penlaez, cartographe et auteur du livre Gwenn-ha-Du, le drapeau breton (Coop Breizh, 2016) mercredi 16 décembre à 20h30 :

En 2020, selon Bretagne réunie, plus de 35 mairies de Loire-Atlantique arborent le Gwenn-ha-Du à leurs frontons, parmi lesquelles Châteaubriant, La Baule, Guérande, Saint-Joachim, Pornic ou Rouans. Sans compter les nombreux drapeaux installés sur l’espace public par les municipalités, par exemple devant la gare de Saint-Nazaire ou dans le Vignoble nantais. L’hôtel du département de Loire-Atlantique, quant à lui, fait flotter le drapeau depuis 2004.

Dans la métropole nantaise, on compte Couëron, Indre, Saint-Herblain, Saint-Jean-de-Boiseau et Saint-Sébastien-sur-Loire, où le Gwenn-ha-Du est perçu comme « une affirmation tranquille de l’attachement à l’identité bretonne », selon le journaliste et chercheur universitaire Erwan Chartier, cité par Le Monde. À Nantes, après avoir hissé le Gwenn-ha-Du sur le cours des 50-Otages il y a plusieurs années, la mairie le hisse désormais dans sa cour d’honneur. Une question demeure : flottera-t-il aussi sur sa façade principale de la rue de Strasbourg ? Et sur les frontons de ses 11 mairies de quartiers ? Car à Doulon, Nantes-Sud ou Chantenay, on aimerait bien le voir aussi notre Gwenn-ha-Du.

 

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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