Mardi 17 novembre, sur France 5, était diffusé un documentaire intitulé « Bretagne : une terre sacrifiée » réalisé par Aude Rouaux et Marie Garreau de Labarre. En quelques minutes, il dresse un portrait à charge du « modèle agricole breton » d’après-guerre.
Mis à part d’horribles cartes à 4 départements, on ne saurait reprocher quoi que ce soit à ce documentaire ! Quand bien même cela donnerait une image négative de la Bretagne, il s’agit d’assumer les conséquences d’un système agricole de plus en plus dénoncé. Suite à ce documentaire, on attend déjà les réactions d’agriculteurs outrés (et des politiques soutenant le modèle dominant), certifiant que la population est contre eux. La réalité est bien différente et on sent au contraire une réelle compassion dans la société pour des hommes et des femmes qui n’ont eu d’autres choix que de suivre…
La question que pose ce documentaire est donc celle de se réinventer ! On ne peut refaire l’histoire, ni revenir à l’époque où on a spécialisé les territoires à outrance. Mais il serait peut-être temps de cesser les mythes du genre : « l’agriculture bretonne doit nourrir la planète ». Non seulement c’est une vision colonialiste car les poulets surgelés subventionnés débarqués dans les ports d’Afrique sont tellement bon marché qu’ils détruisent l’économie locale des pays qui les importent, mais qui plus est, chaque territoire devrait autant que possible chercher à garantir son autonomie alimentaire. Celle de la Bretagne, dépendante du soja (OGM) d’Amérique du sud, n’est en rien « autonome ».
L’honnêteté intellectuelle oblige à dire que des efforts ont été consentis par la profession, mais comme le dit Morgan Large, journaliste à RKB dans ce documentaire, « ret eo cheñch penn d’ar vazh » que l’on pourrait traduire par « il faut changer du sol au plafond » ce modèle. A force de verdir les usines capitalistes, on oublie de s’interroger sur le sens des dites usines !
Car ce modèle exploite ! Les paysans en premier lieu. Le témoignage édifiant de Christophe Thomas dont les vaches sont tombées malades après que sa coopérative lui ait livré de l’alimentation pour lapins pour son cheptel laisse sans voix. Les mensonges pour éviter de le dédommager sont encore plus cyniques ! Il aura fallu attendre cette tragédie pour que ce paysan lève la tête et cherche à s’émanciper de sa coopérative ! Aujourd’hui, le voilà qui imagine de revenir à la luzerne pour nourrir ses vaches. Faut-il attendre des scandales à répétition pour que le monde agricole accepte de briser ses propres chaînes ?
Au contraire, le modèle qui ressort de ce documentaire se veut au service des paysans et non plus des géants de l’agroalimentaire. Quand le même Christophe Thomas se demande « où est parti mon lait ? », il exprime explicitement le manque de transparence et plus encore de débouchés des paysans qui les poussent à choisir les coopératives qui n’ont plus de « coopératives » que le nom pour la plupart. De fait, ils sont « pris au piège ». Tout l’enjeu est donc de trouver des débouchés, une offre (on devrait d’ailleurs dire une demande puisque ce sont les paysans qui offrent !) aux producteurs.
Dans le documentaire, la solution est donnée par le fils de la famille Chéritel qui a innové en reprenant la suite de ses parents : « moins de travail, moins de charge, plus d’autonomie ». Voilà un jeune qui a compris que la première question à se poser dans le monde agricole, c’est : « suis-je libre ? » Quand on n’est plus qu’un rouage d’un système intégré, de quoi décide-t-on réellement ? En choisissant de faire ses propres yaourts, à une petite échelle, il dégage des marges avec un cheptel plus petit, moins de travail.
C’est donc en imaginant une autre industrie agroalimentaire, basée sur une multitude de petites unités industriels réparties sur les différents pays de Bretagne et offrant un large spectre de débouchés aux paysans que l’on permettra à l’agriculture de revenir au sol, de réimplanter des talus, de retrouver la qualité des produits et le bien-être animal, de réduire drastiquement la concentration de nitrates et de pesticides dans les rivières et de supprimer les algues vertes. Bien ou mal manger doit-il être un choix de consommateurs (individuel) ou de société (collectif) ? Gouverner, c’est choisir ! L’UDB, elle, a fait son choix : la diversité plutôt que la concentration, les TPE/PME plutôt que les multinationales. Voilà un des principaux enjeux des prochaines élections régionales…