Les écoles Diwan verront-elles un jour leur forfait scolaire ?

Jérémy Kergourlay / CC BY-SA

 

Alors que le réseau des écoles Diwan réclament aux maires le paiement du forfait scolaire par les mairies, celles-ci ne se bousculent pas pour régler leur part. Et pour cause : la loi ne les y oblige finalement en rien ! Un amendement introduit en commission mixte paritaire lors de l’étude du texte pour une école de confiance en 2019 a tout remis en question le travail engagé par les élus bretons de tous bords. Le Peuple Breton revient sur un imbroglio que personne n’avait visiblement vu venir en Bretagne… sauf peut-être le député Yannick Kerlogot !

Tout commence donc en 2018, après la décision du Gouvernement de ne pas renouveler les contrats aidés. Impossible dès lors pour le réseau Diwan de financer les postes d’accompagnement non-enseignants (voir ici).

L’appel du réseau est bien entendu par les pouvoirs publics, l’UDB et les élus locaux. Fin 2018, ce sont 28 parlementaires qui interpellent directement le Président de la République afin de l’alerter sur la situation.

Le Conseil régional de Bretagne n’est pas en reste et s’est engagé à agir sur la question du financement des emplois non-enseignants du réseau. C’est ainsi que lors de la signature, le 8 février 2019, du contrat d’action publique et du pacte d’accessibilité pour la Bretagne entre Loïg Chesnais-Girard et Edouard Philippe, la Région a obtenu un engagement de l’État (ainsi que pour le tilde, dont on attend toujours le décret) pour le financement des écoles bilingues associatives après avis favorable de la conférence territoriale d’action publique.

L’État et la Région ont pris l’engagement d’amplifier leur soutien à l’enseignement et à la transmission des langues régionales. Le Gouvernement s’engage à tenir compte de l’avis de la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP) pour proposer, en cas d’avis favorable, les modifications nécessaires au développement des écoles bilingues en français et en langue régionale de Bretagne.

Et cela tombait bien puisque le projet de loi pour une école était à l’étude en première lecture à l’Assemblée nationale la semaine suivante. L’occasion pour le député Paul Molac de déposer un amendement permettant justement d’inclure dans cette loi le financement des écoles en langue régionale après avis favorable de la CTAP. Mais on découvre alors, malheureusement sans surprise, un blocage du Ministre Blanquer sur la question.

Preuve vidéo à l’appui, il aura fallu une suspension et des discussions de couloirs pour que la position du Ministre évolue. Ce dernier demande aux députés de retirer leurs amendements et s’engage publiquement au banc à régler le problème lors de l’étude du texte au Sénat et ainsi à honorer la promesse faite par le premier ministre au Président de la région Bretagne.

C’est donc la Sénatrice Maryvonne Blondin qui s’est chargée, au Sénat, de présenter un amendement rendant le forfait scolaire obligatoire en faveur des écoles qui enseignent la langue régionale.

Avec le vote de cet amendement au Sénat, et le vote définitif de la loi à la suite de la commission mixte paritaire conclusive, le réseau Diwan pouvait dès lors voir l’avenir avec un peu plus de sérénité. D’autant que la conférence territoriale d’action publique (CTAP) de Bretagne a justement donné un avis favorable en avril (voir ici).

Pour autant, après la rentrée 2019, des problèmes semblent persister et le réseau Diwan a bien du mal à récolter cette contribution due par les communes dès lors qu’il n’y a pas d’offres chez elles. Certains maires rechignent en effet à régler ce forfait et les difficultés du réseau demeurent.

Hélas, le diable se cache parfois dans les détails. Ce que personne (ou presque) n’a vu, c’est un amendement qui remet en cause le caractère obligatoire du versement du forfait scolaire, introduit lors de la commission mixte paritaire, où Sénat et Assemblée nationale doivent s’entendre pour voter un texte dans les mêmes termes. Et à lire le compte-rendu des travaux de la commission mixte paritaire, il s’avère qu’à travers une disposition proposée par les rapporteurs du texte (Fannette Charvier et Anne-Christine Lang pour l’Assemblée nationale, Max Brisson pour le Sénat), la contribution des Maires passe soudainement d’« obligatoire » à « volontaire »…

On comprend mal l’intérêt de Fannette Charvier, pourtant rapporteure du texte, d’introduire une telle disposition. À moins qu’elle n’ait été suggérée par le Ministre Blanquer lui-même, dont on a vu son hostilité au dispositif lors de l’étude du texte à l’Assemblée nationale. On connaît par ailleurs sa farouche opposition au développement des langues régionales.

Ce nouvel amendement remet complètement en question la portée du texte : les maires n’ont plus d’obligation de payer le forfait scolaire, il ne s’agit que d’une contribution volontaire. Et il s’avère surtout que cette rédaction a subi l’approbation du député Yannick Kerlogot, pourtant réputé habituellement pour être un défenseur des langues régionales.

Alors que Paul Molac avait réussi à imposer sous l’ancienne mandature socialiste l’obligation de la prise en charge du forfait scolaire pour les écoles publiques, la majorité LREM aura tout fait pour rendre ineffectif la possibilité introduite par Maryvonne Blondin pour les écoles associatives sur le modèle de l’amendement Molac.

Le combat pour le financement du réseau Diwan est un éternel recommencement…

 

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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