Dans l’insolite situation actuelle provoquée par le Covid-19, et immergé par le flot de commentaires plus « trumpiens » les uns que les autres, j’essaie de garder la tête hors de l’eau, une eau de plus en plus trouble. Certaines personnes m’y aident, comme le sociologue, Edgar Morin ou l’éditorialiste de Libération, Laurent Joffrin, mais plus généralement, je commence vraiment à être lassé des commentateurs et à étouffer intellectuellement. Raison pour laquelle j’ai voulu écrire ces quelques réflexions pour ordonner mes pensées. J’écris pour y voir plus clair.
Alors, que faire et que penser face à cette situation insensée et impensée ? Je vois bien quelques lueurs au bout du tunnel, mais aussi de gros nuages s’amonceler à l’horizon. C’est dire mes inquiétudes sur le monde d’après. Je ne peux me résoudre à ce qu’Amazon, Facebook et Netflix et autres GAFA soient les grands gagnants de cette crise virale, ce qui fait qu’entre l’avant et l’après nous risquons tous de graves déconvenues.
Rappelons ce que certains d’entre nous pensions avant ce premier cataclysme mondial (car d’autres suivront), sur les niveaux de contamination et de pollution de la planète, sur le réchauffement ou dérèglement climatique, sur la disparition des espèces animales, celle des oiseaux et des abeilles et l’aggravation des catastrophes naturelles. Certains en déduisaient des théories de l’effondrement ou, du moins, de la décroissance.
Or, la décroissance est là, elle est arrivée sans que nous y prenions garde, et quelle décroissance ! Une décroissance mondiale. Car le virus s’est attaqué à toutes les personnes, sans distinction et non seulement à tous les systèmes de santé, mais aussi à l’économie mondiale, aux fameux marchés et à leur symbole suprême : Wall Street. Jamais auparavant un virus n’avait atteint ces centres névralgiques de l’économie mondialisée.
Je ne rêve pas, ce que beaucoup de théoriciens utopistes, de nombreux militants alter ou post-mondialistes et les écologistes décroissants espéraient, est arrivé tout à coup et à leur insu, à l’insu de nous tous. Divine surprise, n’est-ce pas ? Que s’est-il donc passé d’inattendu et de si extraordinaire, que nous ne pouvions imaginer et qui pourtant est bien arrivé et a bouleversé de fond en comble nos sociétés et nos vies ?
C’est le point de départ de mes interrogations et de mes réflexions. Il faudra, sans doute, les étayer davantage, ce ne sont que des thèmes et des lignes de recherche que nous devrons continuer à approfondir afin de comprendre, en partie du moins, ce qui nous est arrivé et qui continuera sans doute à se passer à l’avenir, si nous n’y prenons garde.
Et d’ailleurs, même si nous y prenons garde. Car ce sont des phénomènes qui nous dépassent de loin, qui relèvent des lois de la nature et donc des lois de la physique. Une nature que nous avons de plus en plus exploitée et malmenée, au nom de la culture de l’Homme, au nom du progrès et de ses bénéfices qu’il génère. Bien sûr, il s’agit d’une certaine culture de domination de la nature, et de certains dirigeants, qui ont joué aux apprentis sorciers, en abusant de la nature. La culture a bien évidemment d’autres buts et d’autres conceptions.
Où se trouve le point de jonction entre nature et culture ? Sans doute entre les espaces naturels que sont les forêts tropicales et la déforestation de l’homme, entre les espèces animales, dites sauvages, chassées de leur habitat naturel par l’homme et l’empiétement et l’occupation des terres et des espaces naturels conquis abusivement par l’homme. L’Homme comme représentant d’une culture opposée à la nature, comme prédateur, qui croit pouvoir maîtriser la nature et ne fait que l’exploiter à son seul bénéfice et en toute impunité. Et bien ceci semble se terminer. Devra bien se terminer un jour.
De plus, la pollution et la contamination de l’atmosphère des zones industrielles et des grandes métropoles mondialisées ne font qu’aggraver et réduire les capacités de défense immunologique des populations les plus pauvres, face à la diffusion des virus provenant des animaux « sauvages » porteurs de dangers viraux méconnus des hommes et de la science.
En conclusion, si nous tenons compte des prévisions du GIEC, de l’irréversibilité des phénomènes climatiques naturels en cours, partout dans la planète, et surtout de l’imprévisibilité des catastrophes naturelles à venir, qui vont accompagner ces changements profonds, alors nous pouvons affirmer que le pire est devant nous et, ce que nous sommes en train de vivre et de découvrir, c’est notre propre inconscience et notre fragilité.
Cette première crise virale du XXIe siècle n’est qu’une première alarme de qui nous attend. C’est le premier stade d’un phénomène plus profond qui menace l’humanité. C’est la première étape d’une crise systémique de nos sociétés. Le choix n’est plus entre catastrophisme ou lucidité, mais entre retour au passé et résignation ou courage et résilience face au futur.
Courage et persévérance pour commencer à vivre autrement, avec frugalité et simplicité, en nous dépouillant de ce qui est superflu (si cette crise a pu au moins servir à cela, tout n’est pas perdu). Je mise sur un retour humble et nécessaire à la terre, une terre que nous avons malmenée, mais une terre qui nous nourrit, une terre que nous n’aurions jamais dû abandonner.