Coronavirus. Le gouvernement britannique a-t-il privilégié l’Angleterre ?

C’est en tout cas ce qu’a publié le journal écossais The National en début de semaine. D’après les informations qu’ils ont collectées auprès de compagnies spécialisées dans le matériel de protection, elles auraient reçu comme consigne de fournir les foyers d’accueil et les agences en Angleterre, et de ne pas le faire pour l’Écosse et le pays de Galles.

L’affaire débute avec une de ces entreprises spécialisées dans le matériel de protection individuelle, Gompels HealthCare, qui fabrique des gants, des masques et des tabliers de protection. La firme a publié sur son site un message de Santé publique Angleterre pour expliquer le principe de la distribution des protections. Ces distributions sont faites au nom de Santé publique Angleterre, qui devient de fait le commanditaire, alors que l’entreprise peut évidemment fournir tout le Royaume-Uni. Et parmi les restrictions requises par Santé publique Angleterre face à la hausse de la demande, il est imposé de fournir seulement l’Angleterre. L’entreprise s’excuse pour l’Écosse et le pays de Galles et précise qu’on leur a dit qu’ils avaient d’autres moyens de s’approvisionner.

Autant dire que les réactions en Écosse et au pays de Galles ont été vigoureuses. Plusieurs médecins avaient déjà alerté dans les jours précédents face à cet état de fait, à savoir que certains matériels destinés à leur pays étaient finalement interceptés ou réquisitionnés en Angleterre. Notamment le Dr Donald Macaskill, directeur du secteur écossais de l’aide sociale indépendante (établissements pour personnes âgées, soins à domicile…), qui précisait à la BBC : « Les quatre plus grandes compagnies au Royaume-Uni ont annoncé la semaine dernière qu’elles n’envoyaient pas de matériel en Écosse et que leur priorité était de fournir la NHS en Angleterre et les services sociaux anglais. Et en seulement deux ou trois jours, nous avons vu une baisse drastique de nos ressources en Écosse avec un sérieux impact pour nos foyers d’accueil. »

Cela rappelle ce qui a pu arriver dans plusieurs autres pays du monde, avec une concurrence interne exacerbée, en France, aux États-Unis…

La réaction politique ne s’est pas fait attendre, alors que les gouvernements britannique et écossais sont critiqués parce qu’ils n’arrivent pas à fournir en matériel de protection individuelle les soignants. La ministre de la Santé écossaise Jeane Freeman a demandé une visioconférence avec Matt Hancock, secrétaire d’État à la santé et à la protection sociale britannique, pour demander des explications. Celui-ci a annulé le rendez-vous au dernier moment, mardi 14 avril. Puis a fait un communiqué précisant que le gouvernement britannique n’avait pas demandé à Santé publique Angleterre de privilégier l’Angleterre. Plusieurs entreprises ont pourtant continué de confirmer au Dr Macaskill les consignes énoncées plus haut, à savoir de fournir en priorité l’Angleterre.

Face au bad buzz qui sévit depuis plusieurs jours, le gouvernement britannique a finalement répondu à Nicola Sturgeon le 16 avril, assurant évidemment à la Première Ministre qu’il n’y avait pas de priorité pour l’Angleterre, et que l’Écosse serait fournie en matériel de protection également. À la télévision, elle a fait savoir « qu’elle acceptait cette assurance » et ne cherchait pas donc pas à polémiquer plus longtemps. Dans la foulée, l’entreprise Gompels HealthCare a fait une annonce précisant fournir d’ici peu leur gamme complète (2 000 références) à l’Écosse.

Plus d’informations en anglais.

> Maxime Touzé

Rédacteur. Professeur d'histoire-géographie en breton, responsable d'une association culturelle à Douarnenez, Maxime Touzé écrit aussi pour Le Peuple breton depuis une dizaine d'années. Il est devenu rédacteur en chef adjoint à la langue bretonne en 2016, responsable du cahier mensuel Pobl Vreizh et des articles en breton sur Lepeuplebreton.bzh. [Lire ses articles]