Le référendum d’initiative citoyenne est-il la solution miracle ?

référendum d'initiative citoyenne
Le Palais Fédéral à Berne, siège du pouvoir fédéral de la Confédération Helvétique, un État où les votations font partie de la vie politique et des habitudes citoyennes, au niveau communal, cantonal et fédéral.

Certains pensent que ce serait le fin du fin de la démocratie. Le raisonnement est un peu simpliste, surtout en France qui est un État bien mal adapté à cette procédure. Pourtant, il n’est pas inutile d’y réfléchir pour répondre à certaines situations. Mais avant d’en arriver au RIC on pourrait utiliser des recettes démocratiques bien plus classiques, même si ces dernières viennent parfois contrarier les intérêts d’un système bien huilé depuis des décennies.

Depuis quelques mois se déroule un débat sur une question qui paraît nouvelle mais qui, en réalité, est un très vieux débat à savoir celui portant sur la décision démocratique et le droit de toutes et de tous à participer à la décision.

Nous voilà donc confrontés à la question du RIC, le Référendum d’Initiative Citoyenne. En apparence c’est une merveilleuse idée. Elle permettrait aux citoyens de rectifier les erreurs faites par des gouvernants issus de la démocratie représentative.

J’observe cependant que parmi les erreurs que l’on impute à nos gouvernants il y a par exemple celle d’avoir supprimé l’impôt sur la fortune, l’ISF. Paradoxalement cette suppression faisait partie des choix assumés par celui qui a été élu président de la République. On ne peut donc pas lui reprocher de ne pas avoir annoncé cette décision.

Le RIC ne serait, sur ce sujet, qu’une proposition de rectification d’une erreur collective : celle qui a consisté à élire celui qui était le tenant de cette proposition. Il nous disait qu’il fallait supprimer cet impôt parce que, selon lui, il fait fuir les riches qui, toujours selon lui, sont des investisseurs. Il s’agissait certes d’une erreur de sa part, mais elle était dans son programme. Nous le savions toutes et tous. C’était écrit. Mais pour des raisons diverses cet élément ne nous est pas apparu comme suffisant pour ne pas l’élire.

Le RIC peut donc servir en ce cas à rectifier une erreur collective, majoritairement soutenue par un vote précédent qui en apparence était démocratique. Mais peut-être que ce vote n’avait de démocratique que l’apparence. Voter Macron était voter contre Le Pen pour beaucoup de citoyens. Était-ce vraiment une expression démocratique enthousiasmante ? Non, et la colère d’aujourd’hui est une conséquence de cette absence d’enthousiasme. Il est étonnant que du côté du candidat élu on ait pas compris cela et qu’on n’ait pas pris en compte cet aspect de l’élection.

C’est donc cette aberration démocratique qu’il faut combattre et ne pas croire qu’une solution technique, le RIC, facilité par l’émergence des technologies numériques de l’immédiateté, puisse être la solution miracle.

L’origine du malaise

À l’origine du mal il y a la centralisation du pouvoir. Le RIC dans ce contexte ne servira à rien, si ce n’est à tenter de rectifier des erreurs nées d’un système caractérisé par une excessive centralisation du pouvoir ou à remettre en cause des décisions prises par les représentants élus des citoyens. Mais après tout, me direz vous, une société a le droit de se tromper et de rectifier ses erreurs sans attendre l’échéance électorale suivante. Oui, tout le monde peut se tromper.

Cela signifie une remise en cause de ce que l’on appelle communément la démocratie représentative. Ce serait un choix fait en faveur de la capacité nouvelle qu’auraient des citoyens à remettre en cause des décisions prises dans un cadre qui, jusqu’à ce jour, apparaissait comme démocratique. En théorie toutes les citoyennes et tous les citoyens pourraient disposer de ce pouvoir dans certaines conditions qui restent à définir.

Mais supprimera-t-on l’abstention de façon durable ? Combien s’abstiendront d’aller voter après quelques mois ou années de mise en place du RIC, lorsque l’attrait pour la nouveauté se sera dissipé ? La question restera malgré tout l’intérêt pour la chose publique, la chose politique.

Nous prenons aussi le risque d’entrer dans le culte de l’immédiateté et nous pouvons craindre que la décision politique en soit dévalorisée puisqu’on aurait le droit de se tromper, apparemment sans risque puisque nous aurions un droit de rectification comme on efface un disque dur ou comme on modifie un logiciel.

Qu’adviendra t-il alors de notre capacité collective—notre devoir collectif devrais-je dire— à penser l’avenir et à le préparer à long terme ? Nous savons tous qu’il y a des décisions qui engagent l’avenir et même un avenir que nous ne vivrons pas nous-mêmes. La question écologique aujourd’hui en est une belle illustration. Nous pourrions prendre aussi l’exemple du choix du nucléaire. Décidé il y a une cinquantaine d’années, sans vrai débat, nous voici condamnés aujourd’hui à gérer les déchets. Nous n’avons plus d’autre choix et malgré cela nous sommes encore incapables d’organiser un vrai débat sur la suite du programme nucléaire qui engendrera inévitablement encore plus de déchets. Je ne suis pas certain que dans les années 70 un RIC sur le nucléaire aurait changé la décision. Nous souffrions de l’absence d’une information de qualité sur le sujet, d’une information objective et sereine. Le débat était faussé par la propagande. Et cette absence d’information objective est encore une réalité aujourd’hui sur ce sujet. Souvenons-nous de l’attitude française au lendemain de Tchernobyl ou de Fukushima. C’était un vrai déni de réalité. Un RIC dans ces conditions n’aurait servi à rien.

N’y a-t-il pas un risque à faire varier les orientations de la société au gré de certaines pulsions sociétales, dont rien ne dit qu’elles seraient plus vertueuses et plus justes que des décisions prises dans des assemblées élues. Nous avons dans l’histoire bien des exemples d’erreurs commises sous le coup de l’émotion, que ce soit par des gouvernants élus ou par des foules plus ou moins spontanées.

Un RIC aurait-il permis de valider en son temps l’abolition de la peine de mort ? Je n’en suis pas certain. La même question se pose pour l’IVG et d’autres sujets de ce type.

La vraie question est l’instauration de canaux de diffusion d’une information juste et équilibrée et aussi la création de lieux de débat qui soient crédibles. On ne peut, comme c’est maintenant le cas désormais pour l’élection présidentielle, confier l’information et les clés du débat à une ou deux chaînes d’information en continu. La diffusion de l’information de façon pyramidale, et seulement du haut vers le bas, est un poison. La France médiatique est bâtie ainsi, comme la France des partis politiques, des syndicats, de l’administration, des transports etc. On a oublié le transversal.

À l’origine du mal il y a aussi le choix que nous avons fait, toutes et tous, de vouloir des gouvernants qui nous disent ce que nous avons envie d’entendre. Je veux dire par là que nous avons intégré depuis longtemps l’idée que le discours politique était à priori un mensonge puisqu’il se résume souvent à un discours électoral. Tout cela est illustré par la boutade qui nous explique que les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Amusant certes, mais dévastateur !

Nous aimons que l’on nous promette tout pour demain. Il faut travailler dans les 100 premiers jours du mandat, après ce serait trop tard. Le long terme devient une insulte à notre fringale de consommation. Il en est de la politique comme de ce que l’on consomme par internet. Il faut que ce soit du rapide, du flux tendu, de l’immédiat. Des chaussures dans les vingt-quatre heures ou des séries disponibles dès le lendemain de la diffusion aux USA !

Le discours politique est devenu en quelques années une préparation de l’opinion à des décisions qui, par des discours rassurants et parfois lénifiants, ne sont que des décisions de gestion d’un système qui ne supporte aucun changement profond et peu de débats de fond.

Nous avons accepté que l’élection d’un homme, le président de la République, soit la mère de toutes les élections au point que c’est la seule qui dépasse un seuil acceptable de participation. Nous avons accepté cela collectivement, et par là-même nous avons accepté la dévalorisation des autres élections.

Le paradis helvétique

Il est de bon ton de prendre l’exemple de la Suisse lorsque l’on parle du RIC. Je devrais parler de la « Confédération helvétique » afin de bien souligner la nature de ce pays. On oublie en effet que dans cet État la majeure partie des décisions se prend à un niveau communal et cantonal. Ce n’est pas le cas chez nous. Le nombre de votations au niveau communal et cantonal en Suisse est très important, beaucoup plus qu’au niveau fédéral. Cela signifie que les décisions prises lors de ces consultations se font à un niveau territorial qui est quasiment étranger à notre culture politique. Mis à part les élections municipales à quel moment pouvons nous nous prononcer sur tel ou tel projet ? Et encore, une fois qu’on a élu un conseil municipal il est bien difficile d’intervenir sur la politique voulue par le maire !

En Suisse, la commune a une valeur aux yeux des citoyens helvétiques qui n’est pas celle que nous en avons chez nous. Je ne parle même pas du canton qui n’a rien à voir avec une de nos collectivités. La citoyenneté en Suisse est liée à l’appartenance cantonale. C’est un des trois niveaux de la citoyenneté helvétique et le plus important, puisque les cantons constituent les États qui composent la confédération.

Vouloir instituer le RIC en France pour remettre en cause des décisions prises par un État central omniprésent c’est mettre la charrue avant les bœufs. C’est oublier de faire fonctionner la démocratie de base. C’est prendre le problème à l’envers. C’est aussi intégrer l’idée que le niveau local n’a pas de valeur et pas d’efficacité. Ce n’est en tous les cas pas selon moi le chemin qu’il faut suivre pour renforcer la démocratie.

Donnons-nous les moyens d’organiser le débat politique et public sur les territoires où nous vivons en premier lieu et décentralisons vraiment les décisions du quotidien. Puis mettons en place des niveaux de pouvoir intermédiaires comme les régions, avec de vraies compétences et de vrais moyens budgétaires.

Il serait illusoire de croire que des RIC ou des votations pourraient satisfaire le besoin de participation aux décisions, exprimé depuis quelques semaines, si l’on ne met pas comme préalable la capacité des citoyens à intervenir sur leur territoire pour des questions locales ou régionales. Et ne voyez pas sous ces deux adjectifs une quelconque dévalorisation. Les grandes questions planétaires nécessitent souvent des décisions locales. Dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique, par exemple, c’est au niveau local et régional que se prennent les décisions efficaces et innovantes. C’est à ce niveau surtout que se prennent les décisions vraiment partagées par la population et élaborées avec elle. Ceci est une réalité qui nous est parfois cachée par l’information donnée sur les grandes discussions concernant le climat auxquelles participent (ou pas) des États. Mais ces derniers ne font dans ces situations que des déclarations de principe. Les réalisations concrètes se font au niveau des régions, des grandes agglomérations, des territoires comme les communautés de communes ou les communes.

Le fait de laisser croire que les RIC sur de grands sujets sont la solution pour régler le problème né du dévoiement du discours politique est à mon sens une erreur.

Le RIC, présenté ainsi, ne semble une bonne solution que dans la mesure où il donne l’illusion de l’immédiateté, l’illusion de la capacité à rectifier des injustices. Mais le problème se trouve en amont. Comment faire pour que le débat politique soit de qualité et permette à chacun de comprendre ce pour quoi il va voter ? C’est un peu comme si, sur une route qui accumule les accidents, on se contentait d’améliorer le système d’appel des secours plutôt que de mettre en place des mesures de sécurité préventives. On transportera plus vite les blessés à l’hôpital mais on n’en aura pas moins qu’avant.

La technologie nous sauvera

Cette idée de RIC nous est parfois « vendue » avec son paquet d’arguments « technolâtres ». On nous vante les miracles de la technologie et sa capacité à nous rendre tous égaux parce que nous pourrions donner notre avis en un clic. C’est un peu comme quand on vous vante la livraison en 24h de tout bien de consommation qui est devenu l’objet de vôtre désir. L’argument qui vient souvent à la bouche des promoteurs du RIC c’est internet, le vote électronique qui permettrait la participation de toutes et de tous de façon plus rapide.

Mais si la question du vote était une question technique, technologique même, ça se saurait. Ce n’est pas le chemin à parcourir qui empêche les électeurs d’aller voter dans leurs bureaux de vote, mais c’est le peu d’intérêt pour l’enjeu et le peu d’intérêt qu’ils portent au débat politique. C’est donc là qu’il faut intervenir parce que sinon, au bout de trois ou quatre votations ou RIC par internet, vous verrez s’installer le même désintérêt pour la participation qu’aujourd’hui. Sans compter que la mise en place d’une technique apporte aussi son lot de nouveaux problèmes qui peuvent très bien nuire à la démocratie. Utiliser de nouvelles technologies pour le vote, tout comme les employer pour faire circuler l’information nécessaire à un débat ne met pas à l’abri des manipulations et ne garantit pas la qualité de l’information. Elle ne peut améliorer que la rapidité. Les exemples récents et les polémiques aux États-Unis par exemple, montrent qu’en ce domaine le numérique n’a rien à envier au système classique. Les forces qui font que la démocratie représentative ne fonctionne plus bien sauront aussi bien intervenir pour neutraliser l’intérêt de la nouveauté du RIC.

Et je ne parle pas des effets négatifs qu’engendre systématiquement toute nouveauté technologique à côté de ses effets positifs. Mais là je vous renvoie à la lecture de nombreux auteurs sur la question de la technique et des technologies.

N’avons-nous pas un président de la République qui pour ses derniers vœux a évoqué « l’intelligence artificielle » qui doit, dit-il, améliorer nos vies comme s’il s’agissait d’une solution à tous nos maux. Il y a toujours une technologie nouvelle qui va nous sortir d’un mauvais pas… Ce type d’argument ne tient pas la route mais sert uniquement à ne pas évoquer le fond ; et le fond c’est l’exercice de la démocratie, pas la façon dont on l’habille.

Alors il ne s’agit pas de condamner les innovations technologiques mais il n’est pas question d’accepter naïvement d’en faire un culte. Que l’on arrête de nous prendre pour des enfants en voulant nous faire croire que la mise en place d’une technologie nouvelle résout tous les problèmes !

Pour me résumer je dirais que la colère qui s’exprime aujourd’hui nous donne l’impression que l’on cherche surtout à savoir comment annuler une décision qui apparaît comme mauvaise ou comment récuser un élu qui ne jouerait pas bien son rôle. L’urgence est plutôt de savoir comment on peut prendre une bonne décision, argumentée, avec les informations nécessaires. Il est urgent de ne pas se jeter sur les solutions qui privilégient la rapidité au détriment de la qualité. Il faut apprendre à se préparer à décider dans de bonnes conditions démocratiques. Et cela signifie que le maximum de personnes puissent disposer des éléments à la prise de décision et du temps pour débattre. Un RIC, nécessite cet apprentissage.

Des idées simples d’abord

Nous nous plaignons que la démocratie représentative ne fonctionne pas bien et nous laissons à l’abandon des idées simples qui pourraient l’aider à mieux fonctionner ! En premier lieu la proportionnelle intégrale pour toutes les élections. Puis la répartition du pouvoir de façon beaucoup plus décentralisée. Le pouvoir communal est laminé depuis quelques années ainsi que le budget des communes. Qui connaît les pouvoirs et les membres de sa communauté de commune ?

Les conseils départementaux ont été réformés avec les binômes, un homme une femme par canton ; qui peut citer les deux élus de son canton ?

Les régions ont été tripatouillées pour en faire des coquilles vides sans pouvoir. Et les collectivités ont vu leur capacité fiscale diminuer et même quasiment réduite à néant pour certaines, notamment les régions. La réforme fiscale aura t-elle lieu un jour avec au préalable une vraie réflexion sur la répartition de la capacité à récolter l’impôt entre l’État et les collectivités ?

Parmi les éléments qui polluent notre démocratie il y a cette idée qu’il n’y a plus qu’une seule élection qui compte ; c’est la présidentielle. Cela veut dire que nous avons accepté que l’on donne le droit à un homme de faire ce qu’il veut après une campagne où il dit ce que nous avons envie d’entendre, ou alors après une campagne où nous sommes obligés de choisir non pas pour quelqu’un mais contre son adversaire.

Dans un pays vraiment décentralisé les choses ne déroulent pas de façon aussi dramatiques— au sens théâtral du mot— que chez nous. Quand le pouvoir central bascule il ne bascule pas dans les régions, les länder ou les cantons, pour évoquer l’Allemagne et la Suisse. Quand Trump est élu, tous les États-Unis ne basculent pas dans son camp ! Les États gardent leur autonomie et continuent à faire leurs choix. Chez nous c’est tout à la fois ! On élit des députés pour obéir à l’exécutif dès le lendemain de la présidentielle ! Et on s’apprête bientôt à voter pour des députés européens en ne parlant pas d’Europe mais en parlant de notre classe politique. On veut régler des comptes français sur le dos de l’Europe. Tout cela en laissant brailler ceux qui veulent cacher leurs erreurs présentes et passées en disant que tout est la faute de Bruxelles. Que l’Europe et sa politique libérale soit à réformer en profondeur, nul doute ! Mais faut-il sortir de l’Europe et pour cela et sacrifier l’idée d’Europe ? Après plusieurs présidents de la République décevants je n’entends pas les mêmes dire qu’il faut supprimer la République. Ce serait la proposition à faire si on suivait leur logique concernant l’Europe ! Mais ce serait effectivement stupide.

Et les contre-pouvoirs ?

Notre démocratie est malade de ne pas connaître des niveaux d’exercice différents. Je parle d’une chose banale en démocratie : les contre-pouvoirs. C’est le pouvoir central qui décide quasiment de tout et nous l’y encourageons. Une entreprise menace de fermer : les collectivités qui lui ont donné de l’argent public n’ont aucun pouvoir pour récupérer cet argent. Et c’est l’État qui intervient, en vain d’ailleurs. Et je ne parle pas de tous les petits problèmes que chacun veut faire remonter au sommet comme s’il s’agissait d’une solution miracle, tout cela parce que le souverain jettera peut-être son coup d’œil divin sur le dossier que l’humble citoyen (presque sujet) lui aura envoyé.

Et quand je parle de contre-pouvoirs je ne peux m’empêcher d’évoquer les médias. Nous sommes dans un pays où la centralisation les a quasiment rendus uniformes. En connaissez-vous beaucoup qui ne soient pas à quelques encablures seulement du pouvoir central ?

Certes il en existe quelques uns un peu rebelles, mais si peu. Il est d’ailleurs presque risible d’entendre le système médiatique parisien reprendre à son compte les plaintes de ceux qui dénoncent l’abandon des territoires, alors qu’eux-mêmes n’ont fait de ces derniers que des « provinces ». Vous pourrez faire toutes les élections que vous voulez et tous les RIC que vous souhaitez, tant que l’information ne sera produite que par une unique machine, vous aurez peu de chance de créer du débat contradictoire.

Grand débat ?

Un grand débat doit se dérouler, à l’initiative du centre. Certains s’en réjouissent d’autres s’en méfient parce que c’est E.Macron. Mais vous pouvez remplacer E. Macron par un autre ce sera pareil. Je ne dis pas que je soutiens le locataire de l’Élysée ; je redis ce que j’ai déjà dit plusieurs fois : c’est l’élection au suffrage universel d’un homme qui a trop de pouvoir que je considère comme une aberration démocratique.

Comment le centre, avec son système bien huilé pourrait-il sérieusement mettre en place un débat qui remettrait en cause ses méthodes, sa survie. On ne peut pas répondre à la dite « fracture territoriale » par la volonté d’un centre qui en est le responsable et même le bénéficiaire. C’est comme si on renonçait à la négociation et aux syndicats dans une entreprise parce que l’on aurait un patron aux méthodes un peu paternalistes qui semblerait bienveillant. C’est comme si on se contentait de l’idée qu’il donnera bien quelque chose, quelques miettes et qu’il serait donc malvenu de le contrarier un tant soit peu.

Je ne crois pas que ce débat donnera de grands résultats. J’y participerai quand même d’une façon ou d’une autre parce que l’on ne doit jamais refuser un débat et jamais décliner une invitation à amener des idées. Cependant la clé est pour moi dans le changement de répartition du pouvoir.

Quant au RIC, je n’y vois pas une solution miracle mais un outil qui peut être utile dans certains cas, notamment sur le plan local. Il fonctionne dans ce cadre dans certains pays et donc on peut envisager de s’en servir aussi chez nous.

Des sujets inscrits dans le marbre ?

Je voudrais pour terminer relever quelques risques à poser des questions par référendum. Premièrement il y a le fait que la tentation peut-être grande de revenir sur des décisions qui sont des progrès de civilisation. Je mets aux rangs de celles-ci l’abolition de la peine de mort, par exemple, mais il y en a d’autres. On ne peut exclure que l’opinion, soumise à des émotions fortes dues à des événements particuliers, puisse avoir un jour la tentation du retour en arrière. C’est un scénario qui pourrait être évité en définissant très strictement les conditions d’organisation d’un RIC (nombre de signataires demandeurs, thématiques, possibilité d’annulation d’une loi votée par une assemblée souveraine ou pas, récusation d’un élu etc,). Mais reste à savoir qui décidera de ces conditions ?

Cela signifie bien qu’il y a des sujets dont on sent qu’ils doivent être inscrits dans le marbre. C’est une vraie question que je laisse à l’appréciation de chacun parce que justement chacun fera sa liste des sujets intouchables. Et les RIC risquent bien de rallonger cette liste de sujets « sacrés ».

En effet toute décision prise par votation populaire pourrait être considérée comme intouchable et non modifiable. Il deviendrait alors fort difficile de revenir dessus. Je prends pour exemple le référendum sur le Brexit. Le vote a eu lieu dans les conditions que l’on connaît et aujourd’hui la question se pose de savoir s’il faut revoter. Certains pensent qu’ils n’ont pas été bien informés et que la question n’a pas été posée en donnant aux électeurs toutes les informations indispensables.

C’est un débat sans fin parce que d’autres considèrent que revoter serait une façon de dévaloriser définitivement la décision du peuple.

Nous devons aussi être assez lucides sur le fait que le RIC risque fort bien de ne pas changer fondamentalement les grandes orientations de la société.

Il suffit de se replonger dans les débats qui ont eu lieu dans les démocraties lorsqu’elles ont heureusement décidé d’instaurer le droit de vote pour les femmes. Certains pensaient que cela aller modifier profondément les choix du corps électoral alors uniquement masculin. Il n’en fut rien.

Les RIC pourraient ne rien changer lorsqu’il s’agit de questions larges, générales, déjà traitées et débattues lors d’élections. En revanche il ne fait aucun doute que les RIC apporteraient de la nouveauté dans des décisions locales notamment pour remplacer les fameuses enquêtes publiques dont on connaît les limites et les insuffisances.

Le RIC a enfin dans l’opinion une valeur symbolique que l’on ne peut négliger. C’est sans doute la raison pour laquelle il est si présent dans le débat actuel. Il ne faut jamais négliger les symboles mais il ne faut pas non plus leur donner un pouvoir miraculeux.

A lire également à ce sujet, Le Peuple breton de mars 2019

> David Grosclaude

David Grosclaude est ancien conseiller régional en Occitanie. Il s'est illustré notamment comme un élément clef pour l'ouverture de l'Office public de la langue occitane (OPLO) en menant une grève de la faim.