Gérard Bailloud, archéologue du Tchad à Carnac

Gérard Bailloud

Article paru dans la version papier du Peuple breton en avril 2012

Méconnu du grand public, mais reconnu de ses pairs, Gérard Bailloud s’est surtout fait un nom pour ses travaux sur le néolithique français. Il participa également à la connaissance du patrimoine préhistorique tchadien. Mais cet érudit était aussi passionné par la Bretagne où il mourut le 30 août 2010.

Gérard Ludovic Bailloud naît le 4 décembre 1919 à Paris dans des conditions difficiles, puisque sa mère contracte la grippe espagnole durant sa grossesse, à l’issue de la guerre. Enfant, il tombe sur une balle de tennis, ce qui déclenche un épanchement de synovie dont il ne guérira jamais complètement et qui le laissera handicapé à la jambe. Brillant élève au lycée Buffon, à Paris, il passe le baccalauréat en octobre 1937 (série A prime, philosophie).

À cette époque, il s’intéresse déjà au breton, appris en autodidacte. Il multiplie ensuite les certificats (ethnologie, histoire du Moyen Âge, histoire du monde contemporain, histoire ancienne, études littéraires classiques et géographie), obtient un DES (diplôme d’études supérieures) d’histoire-géo et une licence ès lettres.

Le préhistorien

Dès 1940, parallèlement à ses études, il collabore bénévolement aux travaux du département d’Afrique noire au musée de l’Homme. Il sera affecté à la photothèque du musée pendant quatorze ans, entrecoupé d’une année où il est réquisitionné pour le STO en Allemagne. L’année 1946 marque un tournant dans sa carrière. Accompagné de trois spéléologues ayant repéré des gravures dans la grotte du Cheval à Arcy-sur-Cure (Yonne), il explore la Grande Grotte, la grotte des Fées et pénètre dans l’étroite et discrète grotte du Cheval. Il y retourne pour faire des clichés et des relevés. La découverte des gravures de la grotte du Cheval oriente Gérard Bailloud vers la préhistoire alors qu’il était plutôt attiré auparavant par l’ethnologie africaine. C’est aussi lui qui découvre la grotte dite « du loup ».

Ses activités sur le paléolithique ou le néolithique français ne l’empêchent pas de continuer à rêver de l’Afrique. En 1956, alors qu’il est en poste au Muséum d’histoire naturelle, l’opportunité se présente à lui d’aller en mission en Afrique, au Tchad plus précisément. Il doit alors faire une demande de détachement au CNRS et est recommandé par nombre de gens ayant travaillé à ses côtés : Léon Pales, Henri Victor Vallois et Harper Kelley.

Il débarque donc au Tchad début novembre 1956 à bord d’un avion militaire après un mois de voyage. Il lui reste onze mois pour mener à bien sa mission : contribuer à une meilleure connaissance de la préhistoire de l’Ennedi. Il passe une année à relever les peintures rupestres du pays (1), y repère et cartographie quelque cinq cents sites ornés, majoritairement à peintures, et prend plus de sept cents photos. Toute sa carrière se passe entre ses deux spécialités qu’étaient le néolithique du Bassin parisien et la préhistoire de l’Ennedi, deux spécialités auxquelles il consacra une thèse.

Retraite active en Bretagne

Ce n’est qu’en 1983, à sa retraite, qu’il vient vivre en Bretagne, à Carnac, en compagnie de sa femme Mauricette Jacq-Le Rouzic – qui n’est autre que la petite-fille de Zacharie Le Rouzic, archéologue breton majeur – et de la fille de cette dernière, Gwenaelle. Celle-ci confie d’ailleurs au numéro spécial du Bulletin de la Société préhistorique française consacré à Gérard Bailloud que son père « aimait tout ce qui touchait à la culture bretonne : littérature, art mobilier, faïences de Quimper, costumes, musique celtique… il mettait autant de passion et de sérieux à cette étude qu’à son travail de préhistorien ».

« Passion » à vrai dire est le maître mot pour décrire le travail militant qu’accomplissait silencieusement Gérard Bailloud au service de la culture bretonne. D’abord pour assumer la succession au musée de Carnac, lorsque sa compagne décède. Succession qui cesse lorsque la mairie tenue par Christian Bonnet choisit de se passer de ses services. Il continue néanmoins à se pencher sur l’œuvre de Zacharie Le Rouzic.

Parlant couramment breton depuis l’âge de 18 ans, il était au fait de tout ce qui se publiait en breton. En 1999, il écrit un recensement des feuilles volantes de l’imprimerie Lédan à Morlaix (2), formidable travail bibliographique de plus de quatre cents titres.

Il décède chez lui, à Carnac, le 30 août 2010.

1. Lire à ce sujet Art rupestre en Ennedi, Gérard Bailloud, Sepia, juin 1997.
2. L’ imprimerie Lédan à Morlaix (1805-1880) et ses impressions en langue bretonne, Skol, collection La Bibliothèque bretonne, n° 8, 1999, 1 vol. 205 p.

Entre autres ouvrages, on peut consulter aussi de Gérard Bailloud Carnac, les premières architectures de pierre (en collab. avec C. Boujot, S. Cassen, C.T. Le Roux), CNRS, 2009.

 

S’abonner au Peuple breton

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]