L’Union européenne mérite mieux qu’un débat binaire !

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L’Union européenne a toujours été le cheval de bataille du Président de la République française. Dès le début de son mandat, Emmanuel Macron a fait de l’élection européenne une étape majeure de son quinquennat. Il s’est donc construit une image médiatique faisant de lui le champion européen… si bien qu’il incarne de fait une sorte de leadership politique sur la scène européenne. Pourtant, sous la belle peinture bleue, son Europe rouille.

Le 4 mars, sur le site de l’Élysée, est apparu une tribune adressée aux « citoyens d’Europe ». Intitulée modestement « Pour une renaissance européenne », cet appel du Président de la République français a été écrit dans 22 langues. Une sacrée prouesse pour un État qui n’en reconnaît qu’une seule et unique sur son sol. Toutefois, on fera remarquer au cabinet présidentiel qu’il manque deux langues officielles de l’Union européenne (le gaélique et le maltais) dans cette profession de foi !

Cette petite bourde diplomatique exceptée, un lecteur inattentif – ou simplement naïf – se dira volontiers qu’en s’exprimant dans chacune de ces langues, Emmanuel Macron a voulu illustrer la devise européenne « Unis dans la diversité ». Pourtant, sa diatribe contre le nationalisme a du mal à cacher le sien. En effet, peut-on se faire le chantre de la diversité culturelle quand on nie purement et simplement l’existence officielle des langues et cultures sur son propre sol ?

La France, depuis des siècles, n’a eu de cesse de s’attribuer des valeurs universelles (à commencer par celles de sa propre devise) pour s’en draper et faire la morale à la planète entière ! Mais que valent les appels aux votes et au civisme quand on reste muet face au procès que mène en ce moment même l’État espagnol à des personnalités catalanes dont le seul crime est d’avoir voulu faire voter leur peuple ? Que vaut la liberté quand la police française est équipée d’armes de guerre et qu’on peut être assigné à résidence sans motif autre que politique ? Et que vaut le progrès social quand on détruit le code du travail et qu’on isole les travailleurs ? Que vaut enfin la fraternité quand on laisse crever dans la Méditerranée des milliers de réfugiés ? Est-ce là l’Europe dont nous voulons ?

Emmanuel Macron se gargarise de mots qui, dans sa bouche, perdent leur sens. Il ne suffit pas de répéter « République » pour que celle-ci soit un rempart. De même, il ne suffit pas de répéter « Europe » pour que celle-ci soit un espoir. Si la République, comme l’Union européenne, sont en faillite, ce n’est pas à cause des nationalistes. Ceux-ci ne font que récupérer les pots cassés par les néo-libéraux… dont Emmanuel Macron est l’archétype. Et si notre choix se résume à « cause » ou « conséquence », on est en droit de se dire qu’en effet, l’Union européenne est dans une impasse.

En France, le Président a trouvé son opposant en la personne de Jean-Luc Mélenchon. Tout deux ont bradé l’ancien clivage de classes pour adopter un clivage populiste, c’est-à-dire une opposition entre le « peuple » et l’« élite ». Dans leur monde, il n’y a plus de « droite » ou de « gauche », il n’y a qu’un rapport vertical. Mais paradoxalement, ni M. Macron, ni M. Mélenchon ne souhaitent une France horizontale : tous deux sont les leaders incontestés de leurs « mouvements » respectifs, très verticaux. En ce qui concerne l’Union européenne, l’adversaire du Président français est Viktor Orban. Un opposant qu’Emmanuel Macron cherche à décrédibiliser en expliquant que celui-ci n’a pas de projet. Pourtant, contrairement à Marine Le Pen ou Matteo Salvini, Viktor Orban ne souhaite pas quitter l’Union européenne : il souhaite en changer les valeurs ! C’est d’ailleurs ce que souhaitent aussi – mais de façon radicalement différente – les (désormais rares) militants de gauche en Europe dont nous sommes.

Macron aime s’opposer. Son monde est binaire. Mais en réalité lui et ses opposants sont les deux faces d’une même pièce. L’un a besoin de l’autre pour exister et vice-versa. Et le monde médiatique tourne autour de ces oppositions sans chercher à voir en 3 dimensions : les projets politiques ne se résument pas à « pour » ou « contre » l’Union européenne. Ceux-ci sont multiples et méritent que l’on s’y attarde. Ils méritent surtout d’être discutés par les peuples constituant l’Union européenne ce qui n’a jamais été fait car ses institutions ne sont pas réellement démocratiques. Après tout, le référendum sur le traité de constitution européenne, en 2005, ne consistait absolument pas à savoir quelle Europe nous voulions : il servait à entériner ou non un document déjà écrit.

À l’instar de l’État français, l’Union européenne doit avant toute chose être démocratisée. Or, même si le Parlement européen a gagné du pouvoir ces dernières années, il est loin d’être l’organe le plus décisif. Et si ce Parlement ne représente bien souvent pas les peuples, mais plutôt les États, c’est pourtant la seule institution qui est élue au suffrage universel direct. Sur cela, le Président Macron ne dit absolument rien. Ni sur la nécessité de reconnaître les peuples, tous les peuples, sur un pied d’égalité. Et pour cause : Emmanuel Macron est le Président d’un État, la France, qui cherche à maintenir son pouvoir dans un monde de concurrences exacerbées. Un nationaliste comme un autre donc.

Cette Europe des États rouille. Elle vire au brun. Il est donc plus que temps d’imaginer une Europe d’après les États, un post-étatisme ! Cette Europe, c’est celle que souhaitent construire l’UDB et la fédération Régions et Peuples solidaires.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]