Gaston Sébilleau, un « Seiz Breur » dans la Résistance

Gaston Sébilleau
Article paru dans la version papier du Peuple breton en mai 2012

Pour qui se limiterait à Internet, le groupe de créateurs bretons des Seiz Breur, qui tenta de lier tradition et modernisme, aurait été un nid de collaborateurs. Que l’on songe à la polémique qui suivit la magnifique exposition du musée de Bretagne, à Rennes en 2001, et l’ouvrage collectif remarquable qui l’accompagna. Outre Batillat et Creston, déjà évoqués dans ces colonnes, et plusieurs autres, Gaston Sébilleau est une figure marquante de la Résistance comme de l’ébénisterie d’art, dans un mouvement qui connut les mêmes différences de comportement individuel que la société tout entière.

À Redon, beaucoup connaissent l’avenue Gaston-Sébilleau, dont la plaque porte l’inscription « Gaston Sébilleau, résistant, 1894-1957 ». On ignore souvent que c’est aussi l’un des membres éminents de l’association des Seiz Breur, dont il était l’un des fondateurs.

Né à Saint-Brieuc en 1894, dans une famille de quincailliers, il réussit le concours de l’École supérieure des beaux-arts de Paris. Il s’engage dans l’armée en 1913. Avec son unité, il participe comme agent de liaison à de nombreux combats, dont la bataille du Chemin des Dames, où il est gravement blessé. Il doit être amputé de la jambe droite.

Créateur

Rentré en Bretagne, il gère avec ses frères l’entreprise familiale, en particulier une scierie à Redon et une fabrique d’ustensiles en bois, à laquelle il ajoute un atelier d’ébéniste ensemblier. Il fait la connaissance de René-Yves Creston, avec lequel il noue une amitié durable et féconde. Après le pardon du Folgoët de 1923, un groupe de jeunes créateurs fonde les Seiz Breur, à l’initiative de Jeanne Malivel. Ils obtiennent une médaille d’or collective pour le pavillon breton de l’Exposition des Arts décoratifs (1925). Les Seiz Breur jouent notamment le rôle d’« ensembliers » attachés à une conception d’ensemble de meubles d’usage, le design y jouant déjà un rôle important. Pour des fauteuils ou des bahuts aux angles vifs, Sébilleau conçoit des découpes hardies, au point de créer des meubles-objets indépendants qui pourront se répartir entre plusieurs pièces et non plus en une pièce unique. Sébilleau ouvre un magasin de meubles de création à La Baule. Il participera aussi à l’Exposition universelle de 1937.

Résistant

Malgré son handicap, il entre dans la Résistance dès le début de l’Occupation et intègre les réseaux F2 et Var, relais indispensables pour les forces alliées. Il accueille et emploie des clandestins dans la scierie, héberge un poste émetteur à son domicile et facilite l’évasion d’aviateurs en zone libre. Un ancien militant breton résistant, futur membre du groupe Liberté et du Bataillon de la Poche dans la région de Saint-Nazaire, témoigne avoir été mis en contact avec Sébilleau dans un café de Saint-Nicolas-de-Redon par Creston au cours de l’été 1942 pour des questions de renseignement*.

Gaston Sébilleau organise le sauvetage de nombreux aviateurs, comme ceux qui descendirent en parachute en septembre 1943 sur Sainte-Anne-sur-Vilaine et Caden, aux confins de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Dans une première phase, il en confie l’hébergement aux sœurs augustines de Malestroit, avant de les faire acheminer vers l’Espagne. Il recueille aussi deux enfants juifs, dont le père a été arrêté sur dénonciation à Saint-Nicolas-de-Redon, et réussit à les sauver, avec l’aide d’un prêtre et des mêmes religieuses.

Victimes in extremis d’une dénonciation, Gaston Sébilleau et ses camarades sont arrêtés le 9 juin 1944. Transféré à la prison Jacques-Cartier de Rennes le 12 juin, il fait partie des prisonniers du dernier train de déportation, le convoi dit « de Langeais », qui quitte Rennes début août. Il se trouve dans le même train que le jeune Jean Chauvel, l’un des Nazairiens du groupe Liberté, qui devait périr en déportation.

Lors du mitraillage du convoi par l’aviation alliée à Langeais le 6 août, il est gravement blessé, atteint de deux balles de mitrailleuse, une dans le bras droit, et l’autre dans le bassin. Le soir même, un major allemand lui coupe le bras à Tours, et, dès le lendemain, il est dirigé vers Saint-Pierre-des-Corps, où il retrouve ses compagnons de misère. Son état critique le sauve des camps de la mort. Soigné dans un hôpital à Belfort, et avec l’aide d’infirmières françaises, il réussit à passer en Suisse.

À son retour à Redon, nullement accablé, il apprend à écrire de la main gauche et se fait fabriquer une mentonnière pour pouvoir continuer à déplacer son équerre sur la planche à dessin. Il peut continuer à créer. Il est également élu conseiller municipal.

* Voir notamment Résistance et conscience bretonne, Yoran embanner, 2007, Par les nuits les plus longues (Roger Huguen), Coop Breizh, 1993, et Ar Seiz Breur (collectif), réédition Palantines, 2007.

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> Jean-Jacques Monnier

Historien, Jean-Jacques Monnier est élu UDB à Lannion.