
Ce dimanche 10 février 2019, un front de droite (PP), populistes (Ciudadanos) et tout ce que l’Espagne compte d’organisations d’extrême droite et de groupuscules franquistes (auquel s’est joint l’inqualifiable Manuel Valls) a manifesté à Madrid pour la défense de l’Espagne et contre le gouvernement de Pedro Sanchez, qualifié depuis les dernières semaines par l’opposition de « traitre à la patrie », de « menteur » et de « négociateur de merde » (sic).
Quelques 50 000 personnes (200 000 selon les organisateurs) se sont réunies aux cris de « Viva Espana ! », « Puigdemont en prison » et en réclamant des élections anticipées. Sanchez est accusé de vouloir attenter à l’unité du pays et à la Constitution pour avoir proposé une rencontre entre partis espagnols et catalans avec présence d’un rapporteur, qualifié de « médiateur » par les anti-indépendantistes. Le président de la Catalogne est désigné comme un « golpista » (putschiste) qu’il faut emprisonner ainsi que tous les leaders et politiques indépendantistes. Le président du PP, Pablo Casado lui-même, a expliqué que « l’agenda de la Catalogne, c’est l’agenda de l’ETA ». Les groupes extrémistes présents et appelant à la manifestation étaient Vox, España 2000, Coalición ADÑ (Falange Española, Alternativa Española, Democracia Nacional), Hogar Social (grup neonazi).
Les organisateurs n’ont pas eu de mots assez durs pour critiquer le gouvernement « illégitime » et les Catalans : « humiliation insupportable de l’État et de la dignité des Espagnols », « trahison et cession au chantage des indépendentistes », « couleur jaune tolérée lors des réunions avec les Catalans », « négociation du budget contre la souveraineté nationale », « incapacité à garantir l’unité nationale et l’indivisibilité de la nation », « dérive suicidaire de Sanchez »… Les orateurs n’ont pas manqué d’apporter leur « soutien aux juges victimes de la pression des indépendantistes ».
Dans la semaine, Sanchez avait rendu publique la rupture des négociations avec les partis indépendantistes pour le vote de son budget 2019, indiquant qu’il ne discuterait jamais l’autodétermination de la Catalogne. Les partis catalans ont maintenu leur vote contre le budget des socialistes devant le refus du gouvernement de Sanchez d’un quelconque signe d’ouverture ou de dialogue, que ce soit envers les prisonniers politiques ou en faveur d’un règlement politique de la question catalane.
Tout est prêt pour un procès à charge contre les indépendantistes
Le Tribunal Suprême de son côté a fait les derniers préparatifs pour ouvrir dès cette semaine le macro-procès contre les 12 indépendantistes catalans emprisonnés depuis un an et demi. Les prisonniers ont été transférés le vendredi 1er février de Catalogne jusqu’aux prisons madrilènes, pour être à disposition de la justice espagnole. Le transport et les conditions de détention se sont déroulés dans des conditions déplorables, dénoncées par la défense, les détenus eux-mêmes, des élus ainsi que des associations de défense des droits : trajet en camion pénitentiaire, humiliations par la guardia civil, regroupement dans une prison des plus violentes d’Espagne, pas de chauffage dans les cellules, confiscation de tout vêtement ou objet jaune, accès tardif aux ordinateurs destinés à préparer la défense, refus d’observateurs internationaux dans la salle, récusation de la moitié des témoins de la défense et des preuves (pas ceux du parquet ni de l’accusation de l’extrême droite), refus des recours des inculpés contre les irrégularités… Le gouvernement espagnol de son côté lance à grands frais une campagne nationale et internationale pour défendre l’image de l’Espagne et l’impartialité de sa justice face, disent-ils, aux attaques diffamatoires des indépendantistes catalans.
Manifestations catalanes et tension en perspective
Les associations catalanes de leur côté et les élus multiplient les manifestations de soutien aux prisonniers politiques et n’ont de cesse de réclamer leur libération sans condition. Le jour de l’ouverture du procès, des manifestations sont convoqués dans plusieurs pays d’Europe, ainsi qu’à Madrid. Le 21 février, une grève générale est prévue en Catalogne. Plus de 400 maires de Catalognes réunis à la mairie de Barcelone ce dimanche 10 février exigeaient la liberté pour les Catalans. Quim Torra, le président de la Generalitat a de nouveau qualifié le procès de « farce » scandaleuse et accuse le parti socialiste d’avoir rompu unilatéralement le dialogue. Les plus hautes autorités catalanes prévoient d’être présentes lors de l’ouverture du procès à Madrid, après avoir accompagné les prisonniers jusqu’à leur transfert par la police espagnole.