Avant de traiter des transports, il faut repenser l’urbanisme

étalement urbain, urbanisme, transports

Que les villes soient grandes ou moyennes, tôt ou tard, la question des transports devient un vrai casse-tête pour les collectivités. L’accélération des rythmes de vie, l’individualisation croissante et la complexification des modes de vie font que la question du transport public et de la voirie sont au cœur des préoccupations des élu(e)s. Pourtant, même si à première vue l’enjeu est de trouver le meilleur moyen de répondre aux exigences individuelles en matière de déplacement, c’est bien la question de l’urbanisme qui devrait les préoccuper.

Quand on évoque la « politique des transports » apparaît dans notre esprit, selon notre lieu de vie, tantôt le métro, le train, le tramway ou le bus. Aujourd’hui, toutes les communes et principalement les plus grosses essayent de limiter l’usage de la voiture. Assez vainement à vrai dire. Et pour cause, peu d’entre les élu(e)s utilisent quotidiennement les transports en commun, en particulier le bus ! Sociologiquement, les transports en commun sont en effet utilisés majoritairement par les personnes les plus fragiles, c’est-à-dire (dans un monde en mouvement) les moins mobiles. Les jeunes, les personnes âgées ou en situation de handicap, les immigrés (sans permis) ou les plus pauvres sont très certainement les plus gros utilisateurs du bus. À l’inverse, une personne qui a le permis et qui possède une voiture l’utilisera quand elle le peut. La voiture reste pratique pour quiconque doit emmener ses enfants à la crèche, aller au travail d’un point A à un point B et faire les courses dans un laps de temps réduit. Ainsi donc, tant qu’il est possible de circuler, il est illusoire de croire que les automobilistes lâcheront le volant pour s’engouffrer dans des transports aux horaires rigides.

C’est justement ce qui pousse les plus grandes métropoles à faire en sorte de rendre im-possible la circulation en mettant des freins à l’utilisation de la voiture en ville : réduction des voies, bus en sites propres ou tramways, circulations à sens unique… tout est fait pour favoriser l’« intermodalité » autrement dit le passage d’un moyen de transport à un autre : parkings-relais, vélos en libre-service ou autorisés dans les wagons de train, voire trottinettes en libre-service… À cela s’ajoute la piétonisation des centres. De (très) bonnes intentions si elles n’étaient en contradiction totale avec la politique urbanistique des communes ! Durant 20 ans, on a éloigné les services publics et les commerces de proximité et il suffirait d’empêcher l’utilisation de la voiture pour que, comme par magie, les usagers cessent de se déplacer ?

Offres et demandes

À force de laisser s’étendre nos villes, on a rendu dépendant les résidents des véhicules à moteur. Leur demander de rester piétons relève donc du vœu pieu ! L’exemple de la zone commerciale géante de Pacé (qui semble devoir être fort heureusement abandonnée) était justement un exemple flagrant d’ineptie urbanistique. À l’heure où les élu(e)s prônent l’écologie et les modes de déplacements doux, il était question de créer une nouvelle offre commerciale de périphérie alors qu’il y en a déjà des dizaines ? Pragmatiquement, si ces zones commerciales n’existaient pas, les gens ne s’y rendraient pas ! Et qui autorisent ces zones commerciales si ce ne sont les élu(e)s ?

Régler le problème des transports suppose donc de (re)parler de proximité. Il y a encore une décennie, les quartiers comptaient chacun des commerces de proximité. Ceux-ci ont dû mettre la clef sous la porte, en partie du fait de la concurrence des « drive » ou des zones commerciales situés sur la route du retour du travail. Le résultat, c’est que pour acheter une plaquette de beurre, l’épicerie n’est plus là et on est condamné à aller dans la grande surface la plus proche. Pour une personne valide, ce n’est pas quelque chose de compliqué, mais celles et ceux qui ont des difficultés à marcher, à se déplacer, sont condamnés à multiplier des déplacements qu’ils ne faisaient pas auparavant.

C’est peut-être là que se nichent les solutions pour une mobilité plus soutenable ? Au même titre que pour l’énergie, ne devrait-on pas commencer par chercher à réduire les mobilités plutôt que de les accélérer toujours plus ? Après tout, il y a un paradoxe incroyable à constater qu’après avoir lutté contre le nomadisme, les sédentaires passent de plus en plus de temps sur la route ! Les déplacements étant symptomatiques de nos dépendances, ne peut-on pas penser l’autonomie des lieux de vie, quelques soient les échelles ?

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]