L’avocat franco-palestinien Salah Hamouri en visite dans le Finistère

Salah Hamouri à la mairie de Quimper. Photo de Penhars Info.

L’avocat franco-palestinien Salah Hamouri a été libéré le 30 septembre dernier des prisons israéliennes (avec interdiction avant la fin du 1er mois de sortir du territoire et… de fêter sa libération !). Il vient en décembre de faire une tournée dans le Finistère.

Salah Hamouri est quelqu’un dont Le Peuple breton vous a déjà parlé parce qu’il avait été arrêté arbitrairement en 2017, le lendemain du jour où il avait été reçu à son diplôme d’avocat. Arbitrairement, parce qu’il avait été incarcéré dans le cadre de la détention administrative qui fait que ni la personne arrêtée ni son avocat (si elle en a un) n’ont accès au dossier et ils ne savent pourquoi elle a été arrêtée. Alors âgé de 20 ans, Salah avait déjà été arrêté en 2005 sur les soupçons de tentative de meurtre d’un rabbin, ce qu’il a toujours nié et une appartenance supposée au FPLP. Mais on lui avait laissé le choix suivant : « Ou tu plaides coupable, et tu en prends pour 7 ans, ou tu nies, et tu en prends pour 14 ans ! » Alors il avait avoué devant la perspective de ne sortir qu’à 34 ans. Libéré en 2011, il a donc été arrêté à nouveau en août 2017.

Revenons à la détention administrative en Israël : on est arrêté pour 6 mois (voire parfois moins, 3 ou 4 mois), mais indéfiniment renouvelables au bon vouloir des autorités. Salah connaît des prisonniers gardés en détention administrative depuis 12 ans sans aucun jugement ! Dans son cas, Salah en a pris pour 6 mois, suivis d’une 1ere prolongation de 4 mois, enfin une deuxième de 3 mois. Ce qui aurait pu continuer longtemps encore. En France, de nombreux groupes locaux de l’AFPS (Association France-Palestine Solidarité) se sont investis pour obtenir sa libération en tentant de faire pression auprès du gouvernement et du Président Macron. Il faut dire que Salah – sa mère étant française – a un passeport français et seulement français puisque « Palestinien de Jérusalem-Est » n’est pas une nationalité. Il est marié à une française et il a aussi un grand-père originaire de Questembert.

Lors de l’arrestation de Florence Cassez au Mexique (où la procédure de l’Arraigo est similaire à la détention administrative en Israël), l’Etat français avait remué ciel et terre pour obtenir sa libération. Lors de l’arrestation du journaliste Lou Bureau en Turquie, la France n’avait pas mis longtemps pour faire pression sur le président Erdogan et obtenir sa libération. Pour Salah, il a eu quelques molles interventions de l’Etat dans ce sens.

Du coup, Lou Burea, arrêté le 25 juillet 2017, est resté 51 jours en prison (encore trop !), Salah Hamouri, arrêté un mois après, le 23 août, y est resté 13 mois. Ce qui s’appelle deux poids deux mesures.

De nombreuses villes de gauche comme de droite ont voté des vœux pour la libération de Salah, souvent à la quasi-unanimité des conseils comme dans le Finistère (à Quimper, Brest, Carhaix, Douarnenez, Pont l’Abbé et aussi Morlaix-Communauté). Une lettre au Président de la République a été signée par de très nombreux élus, environ 3000 dans l’Hexagone, dont 157 (et 4 UDB) rien que dans le Finistère, largement au dessus de la moyenne nationale. C’est ce qui a conduit Salah à y effectuer une tournée de remerciements.

Salah a été reçu avec les honneurs dans les mairies de Carhaix, Brest puis Quimper et à chaque fois a animé une réunion publique pour parler des conditions de détention dans les prisons d’Israël. Il avait déjà fait la même chose à Morlaix fin novembre.

À Quimper en particulier, Salah nous a longuement parlé de la vie des Palestiniens dans les prisons. Il y a actuellement entre 4500 et 5000 prisonniers politiques incarcérés loin de leurs familles, 250 sont des enfants de 12 à 18 ans dont 41 ont moins de 16 ans. 1000 prisonniers sont malades. Dans un camp où il y a 1600 prisonniers, il y a 3 médecins, ce qui est largement insuffisant vu l’état de santé de nombreux prisonniers. D’ailleurs, depuis 1967, ils sont 215 à être morts de maladie en prison. Et si quelqu’un y meurt, s’il a été condamné par exemple à 15 ans de prison, Israël ne rendra le corps à la famille qu’une fois les 15 ans révolus.

Les enfants de moins de 12 ans arrêtés ne sont eux pas gardés en prison, mais un enfant de 8 ans y a quand même passé 2 jours sans aucun contact familial. Un adolescent de 17 ans, qui avait 14 ans au moment des faits qui lui sont reprochés, vient d’être condamné à une peine de 35 ans de prison. Le Peuple breton avait d’ailleurs déjà parlé de la condition des enfants dans les prisons d’Israël.

Les conditions d’incarcération sont très dures : en cas d’arrestation, y compris des enfants, les visites sont interdites les 3 premiers mois. Et ensuite, les visites des familles ont très compliquées, car elles habitent en général en territoire occupé, et les prisons sont en dehors et très éloignées. Pour s’y rendre, il faut passer par des checkpoints ce qui prend toujours beaucoup de temps.

Toujours pour les enfants, les études sont interdites en prison, ce qui est contraire à la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (article 28/1 : les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation). Israël a signé cette convention le 3 juillet 1990 et l’a même ratifiée le 3 octobre 1991. Cette convention a été signée par 197 états, et ratifiée par 196. Les seuls à ne pas l’avoir ratifiée sont les Etats-Unis.

Les prisonniers sont de temps en temps convoqués par les tribunaux et les mêmes conditions de transfert sont appliquées à tous, aussi bien aux enfants qu’à un prisonnier que connaît Salah Hamouri et qui a 85 ans. Le prisonnier doit se lever vers 4-5h du matin, ses poignets et chevilles sont alors menottés. On commence alors par le faire attendre 2 ou 3 heures avant de le faire monter dans un bus qui va le conduire au tribunal lors d’un périple qui peut durer 14 à 15 heures. Dans le bus qui parait luxueux vu de l’extérieur, tout l’intérieur a été transformé, il n’y a que des sièges métalliques sur lesquels les détenus vont voyager quel que soit leur âge et leur état de santé. Salah racontait avoir vu un prisonnier en fauteuil roulant que l’on a fait voyager menottes aux chevilles. Sans doute de peur qu’il s’échappe ?

Et tout ceci n’est qu’un aperçu de ce que Salah a raconté pendant plus d’une heure. Pour terminer sur une note positive, Salah a pu passer Noël libre auprès de son épouse et de son fils de 3 ans dont il avait été privé pendant de trop nombreux mois. Et ils comptent bien repartir ensuite en Israël. Si on les laisse entrer sur le territoire…

> Christian Pierre

Né en 1949, Christian PIERRE est membre de l'UDB depuis 1977. Très engagé pour la Bretagne, il est très investi aussi dans les Droits de l'Homme, comme à l'ACAT (ONG chrétienne de lutte pour l'abolition de la torture et contre la peine de mort) dont il est animateur du Groupe Quimper-Cornouaille. Il milite enfin pour les droits du peuple palestinien.