Catalogne. Les indépendantistes sont seuls à la table de dialogue

Dans le contexte préélectoral (européennes et municipales du printemps 2019), les partis espagnolistes continuent de refuser tout dialogue aux indépendantistes catalans sur la question d’un référendum autorisé, sur l’indépendance ou sur la libération des prisonniers politiques.

Le président de Catalogne Quim Torra a réuni cette semaine (vendredi 16 novembre) une « table de dialogue » pour échanger avec les partis et arriver à des accords à la fois en interne entre alliés indépendantistes (ERC et la CUP) et avec les autres partis de Catalogne, dans le but de définir des stratégies communes en vue de la reconnaissance de la république et d’élargir le soutien à la politique de la Generalitat. En particulier, des discussions ont lieu avec les Comuns (Podemos en Catalogne) sur les budgets 2019, à la fois ceux de la Generalitat et ceux de l’État, et sur la recherche d’une solution au blocage institutionnel et judiciaire. La gauche anti-système favorable au référendum est réticente toutefois à soutenir la Generalitat tant que ERC et le PDeCat refusent de voter pour le budget des socialistes à Madrid. D’autre part, la « table de dialogue » de Torra est limitée par le refus de participer de la CUP (qui est isolée dans une position anti-capitaliste et déterminée par la seule « désobéissance ») et le rejet du PP et de Ciudadanos de toute discussion avec les indépendantistes. La même semaine, le président du PP espagnol, Casado, a appelé à l’interdiction de tous les partis indépendantistes et Ciudadanos a réclamé une loi punissant ceux qui portent des rubans jaunes.

Les socialistes menacent de lourdes peines

Quant aux socialistes catalans, ils continuent de lier les revendications indépendantistes à la répression judiciaire. Miquel Iceta, du PSC, a conseillé de renoncer à l’indépendance pour éviter des condamnations lourdes des politiques emprisonnés. Pedro Sanchez lui-même a évoqué au Congrès « le présumé peuple catalan » confirmant qu’il continue de nier toute forme de reconnaissance de la souveraineté des Catalans, qu’il ne compte rien négocier même s’il n’obtient pas le vote de son budget 2019 et doit se diriger vers une prolongation des budgets de Rajoy. La seule idée des socialistes est de proposer un nouveau statut d’autonomie amélioré, une idée immédiatement rejetée par le président Torra comme une solution périmée et déjà connue (la réforme du statut de 2006 a conduit à une impasse précisément après avoir été réduit par Madrid après qu’il ait été approuvé par référendum).

Collusion de l’extrême droite avec des policiers et des juges

Des signes de collusion entre la police espagnole, les juges et l’extrême droite apparaissent chaque jour. La police catalane a signalé la présence de policiers lors de manifestations extrémistes. En outre, la justice n’a pas considéré devoir accuser de « terrorisme » le projet d’attentat contre le président espagnol, par un militant franquiste sur-armé (arrêté par la police catalane), alors que sa photo était publiée aux côtés de commandant de la police à l’occasion d’une cérémonie de décoration par l’association Amigos de la Guardia Civil. En revanche, une action contre la maison du juge Pablo Llarena en Catalogne (par des militants d’Arran qui ont peint en jaune la porte d’entrée) a été comparée par la justice aux persécutions nazies contre les Juifs. Les juges instructeurs contre l’indépendantisme ont assimilé de leur côté le slogan de la guerre civile « No pasaran ! » utilisé par les indépendantistes à un appel à la violence parce qu’ils le considèrent comme un « appel à la détermination démontrée lors de la guerre de 1936 ».

Conversations à Waterloo

Sur le plan politique, le président en exil Carles Puigdemont, depuis la Maison de la République de Waterloo a continué ses contacts, conversations et interventions médiatiques dans le but de travailler à la projection de la question catalane et de contribuer à la cohésion de l’action du gouvernement indépendantiste, sur fonds de débats pour préparer les élections. Mercredi 14 novembre il a reçu le vice-président (ERC) du gouvernement catalan, Pere Aragonès, pour réfléchir à des stratégies pour les élections européennes et municipales de 2019. Puigdemont a évoqué une candidature commune aux trois partis indépendantistes aux européennes, idée rapidement écartée par ses alliés. Puigdemont a également indiqué qu’il attendait que le Conseil de la République compte un million d’adhérents pour le mettre en œuvre.

La répression judiciaire continue

Sur le front des procédures judiciaires, la même ligne de répression dure se poursuit. La Cour des comptes a condamné – de manière assez incompréhensible – l’ancien président catalan Artur Mas et ses ministres, Joana Ortega, Francesc Homs et Irene Rigau à payer 5 millions d’euros pour avoir organisé une consultation publique le 9 novembre 2014 sur l’indépendance, bien que le premier procès les ait relaxés de l’accusation de détournement de fonds. La précision de témoignages cités par l’accusation dans les procès qui seront ouverts prochainement montre que 80 % sont des policiers. À Barcelone, différents tribunaux interrogent des policiers pour les violences commises lors du référendum. Ceux-ci commencent à reconnaître (sans dire qui ils étaient) qu’il y avait bien un commandement et une coordination des dispositifs policiers. Certains ont affirmé que les coups portés étaient « des procédures individuelles pour prévenir la violence » et que le sang sur les électeurs « pourrait être de la peinture rouge ».

> Alà Baylac Ferrer

Contributeur. Maître de conférence à l’Université de Perpignan – Via Domitia (UPVD) en Catalogne du Nord, Alà Baylac Ferrer est spécialiste des langue et culture catalanes. Il est par ailleurs directeur de l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT). [Lire ses articles]