
Les gouvernements catalan et espagnol sont plus instables que jamais et il est bien possible qu’ils ne puissent pas achever la législature. Au Parlement de Catalogne, bien que ERC et Junts per Catalunya aient renouvelé leur alliance afin de garantir le respect des mécanismes visant à maintenir le gouvernement actuel au moins jusqu’à la fin des procès politiques, la CUP a annoncé qu’elle ne soutiendrait pas le budget de la Generalitat et envisage même de ne plus siéger au Parlement, ce qui pourrait mettre le gouvernement indépendantiste en minorité.
À Madrid aussi, les incertitudes sont de plus en plus grandes quant à la continuité du gouvernement de Pedro Sanchez, du fait que les socialistes refusent de négocier quoi que ce soit avec les indépendantistes et poursuivent la même politique de dure répression judiciaire. Les socialistes ont même fait savoir (comme une forme de chantage) que des élections anticipées signifieraient encore plus de prison pour les politiques indépendantistes. Bien que le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias, ait rendu visite à Oriol Junqueras dans la prison de Lledoners pour tenter d’obtenir le soutien d’ERC pour le vote du budget espagnol, les indépendantistes et le président Torra ont répété qu’ils ne négocieraient rien tant qu’il y aura des prisonniers et des exilés. Il est possible que les électeurs se voient obligés à retourner bientôt aux urnes pour des législatives catalanes et espagnoles avant la fin des mandats.
Répression judiciaire encore accrue
Cette semaine, alors que les manifestations autour des prisons et dans diverses villes catalanes (Girona, Reus, Barcelone,…) ont continué d’exiger la liberté des prisonniers, et que mardi 16 octobre cela faisait un an que les présidents des associations Òmnium Cultural et l’ANC sont emprisonnés, les tribunaux espagnols ont augmenté la pression en annonçant de nouvelles inculpations. Un ordre de détention a été émis à l’encontre de jeunes manifestants des Comités de défense de la république pour avoir manifesté devant le tribunal et la justice a confirmé le procès contre le commandant des Mossos d’Esquadra (la police catalane), l’intendant, le directeur et le secrétaire général pour les mêmes motifs que ceux retenus contre les politiques pour le référendum du 1er octobre.
Un an d’emprisonnement sans jugement grâce aux mensonges de l’accusation
Dans les rues catalanes, la pression tend aussi à se faire plus précise contre les politiques et les gouvernants critiqués par les familles, les CDR et les entités civiques pour leur « inaction » en vue de libérer les prisonniers. Amnesty International considère pour sa part que « leur maintien en détention constitue une restriction disproportionnée de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ». Les arguments de la justice espagnole pour inculper et maintenir Jordi Cuixart et Jordi Sànchez en prison sont qu’ils ont appelé la population à manifester pour s’opposer aux interventions de la police et proclamer la république, ce qui constitue « des actes de sédition puisque leur comportement les rend responsables des délits d’incitation à un soulèvement public et tumultueux afin d’empêcher par la force ou en dehors des voies légales l’application des lois ». Les juges les rendent également responsables des 2 millions de personnes qui ont voté pour l’indépendance, « créant ainsi un climat de confrontation avec la police ». Ils sont décrits par les magistrats instructeurs comme des personnes « ayant exercé leurs activités dans un groupe organisé dont l’objectif est de mener des activités continues et répétées en vue de déclarer l’indépendance de la Catalogne en dehors des voies légales contre le reste de l’Espagne et dans un mouvement toujours en cours. »
Rupture des relations diplomatique Espagne – Flandres
Au niveau diplomatique, l’Espagne a accentué la pression internationale visant à réprimer toute sympathie de pays ou d’institutions envers le mouvement pour l’indépendance. Cette semaine s’est traduite par la rupture des relations entre l’Espagne et la Flandre après que le ministre des Affaires étrangères ait suspendu unilatéralement le statut diplomatique du délégué des Flandres en Espagne afin de sanctionner les positions du parlement flamand qui a apporté son soutien à Carme Forcadell, ancienne présidente du Parlement de Catalogne, emprisonnée. Les autorités flamandes et belges ont réitéré leur soutien au président de Flandre et ont convoqué l’ambassadeur d’Espagne. Un autre consul, le grec, a également été suspendu à la demande de l’Espagne pour avoir exprimé sa sympathie pour les indépendantistes. Au même moment, le ministre des Affaires étrangères de Catalogne était en Belgique pour rencontrer le président de Flandre, critiquer durement l’Espagne et demander à José Borrell d’annuler sa décision de refuser la présence en Espagne d’un représentant diplomatique du flamand.
Dépêches du fil continu de l’anticatalanisme espagnol
Le dimanche 14 octobre, le PP a de nouveau appelé à la suspension de l’autonomie et à la suppression des compétences relatives aux prisons, à l’éducation, à la santé et à la police en Catalogne. Mardi 16 octobre, le gouvernement espagnol a confirmé qu’il ferait appel au Tribunal constitutionnel contre la motion approuvée par le Parlement de Catalogne visant rejeter la monarchie. Le même jour, plusieurs magistrats espagnols critiquent ouvertement les inculpations pour « rébellion » des politiques indépendantistes. Le mercredi 17 octobre, le gouvernement espagnol a refusé de demander la reconnaissance de l’usage du catalan au Parlement européen, malgré le soutien du président du Parlement. Le président catalan Quim Torra a rencontré à Bruxelles Carles Puigdemont et à Genève Marta Rovira, secrétaire générale d’ERC, exilée. Lors d’une conférence en Suisse, il a appelé à une médiation internationale. Jeudi 18 octobre, le président de la Cour suprême d’Espagne et du Conseil général du pouvoir judiciaire, Carlos Lesmes, refuse la participation à une réunion de la directrice générale de la Modernisation de l’administration de la justice de Catalogne, en raison du ruban jaune qu’elle porte, et coupe la visioconférence. Ester Capella, le ministre de la Justice catalane, réclame des mesures immédiates et dénonce les « actions partisanes et injurieuses, les insultes et les propos haineux tenus par des juges sur un forum de l’administration de la justice ».