Manifestation de policiers espagnols et de l’extrême-droite à Barcelone

L’actualité de la semaine est marquée par la manifestation de policiers espagnols et de groupes d’extrême-droite que le gouvernement catalan a laissé défiler samedi 29 septembre dans le centre de Barcelone. La manifestation qui a peu mobilisé (– environ 2 000 personnes, dont la plupart de venus de l’extérieur de Catalogne en autocar) a cependant réussi à faire réagir les Catalans (environ 6 000 personnes) qui, toute la journée, se sont rassemblés autour des espagnolistes en exprimant leur opposition et leur indignation.

Le ministre de l’Intérieur catalan, Miquel Buch, a été critiquée pour sa gestion discutable de la journée, pour le fait que la manifestation extrémiste n’ait pas été interdite ni encadrée et que la police catalane se soit opposée aux indépendantistes catalans et aux manifestants anti-fascistes causant environ 14 blessés légers et 6 arrestations. Le rassemblement était officiellement organisé pour réclamer des augmentations de salaires, mais les déclarations des organisateurs expliquaient qu’ils étaient venus « pour rendre hommage à leurs collègues qui étaient intervenus en Catalogne l’année précédente. »

La manifestation a même été critiquée par plusieurs syndicats espagnols de police, la qualifiant de « populiste et inopportune ». Organisée par Jusapol, un syndicat de guardias civiles et de policiers, avec la participation des organisations d’extrême-droite et anti-indépendantistes Vox, Société civile catalane et des élus de Ciudadanos, et même l’ex-déléguée du gouvernement espagnol à Barcelone. N’ont pas manqué les saluts fascistes avec les bras levés et les cris de « Espagnol ! Espagnol ! Espagnol ! », « Séparatistes ! Putschistes ! » L’opération d’extrême-droite a réussi à générer des images de tension et d’affrontements entre indépendantistes et policiers, immédiatement utilisés par la presse espagnole pour démentir le pacifisme du mouvement indépendantiste. ABC, le journal de droite de Madrid, a titré immédiatement : « L’indépendantisme perd le contrôle de ses meutes ». Par ailleurs, les médias catalans ont souligné l’échec des extrémistes à manifester impunément ainsi que la réponse immédiate de la société catalane à la provocation. À l’appel de l’Assembla Nacional Catalana (ANC), de la CUP, des CDR (Comités de défense de la République), de l’Observatoire de la catalanophobie et de l’organisation Pompiers pour la République, les contre manifestations ont accompagné le défilé espagnoliste avec des sifflets et des cris de « 1er octobre, ni oubli, ni pardon », « Vous ne passerez pas! », « Indépendance ! ».

La tension monte en attendant octobre

Une année après l’Octobre catalan (référendum sur l’indépendance et répression espagnole le 1er, déclaration de la République les 6 et 27, suspension de l’autonomie, et l’emprisonnement des dirigeants du gouvernement catalan, exil du président les jours qui ont suivi) et à l’approche de l’ouverture des procès politiques, la tension monte à la fois dans la société catalane et parmi les politiques espagnols. Les socialistes sans majorité aux Cortes, sont toujours pris entre les exigences de dialogue et de libération des prisonniers par les indépendantistes et la critique virulente de la droite (Ciudadanos et PP) et ne savent pas s’ils pourront arriver à la fin de la législature ou s’il faudra organiser des élections anticipées, en même temps que les municipales et les européennes également prévues en 2019. Les politiques et la société catalane de leur côté sont très déterminés à rappeler les événements d’octobre 2017 avec des manifestations, des grèves et des actions suivant le mot d’ordre : « Pas un seul pas en arrière ! »

Le Parlement manœuvre contre la suspension des députés

Junts per Catalunya et ERC, de leur côté, ont annoncé un accord pour éviter la suspension par le juge Pablo Llarena (suspension sans base juridique) des députés emprisonnés et exilés. Ils voteront au Parlement pour le rejet de la suspension (ils espèrent avoir le soutien de la CUP) et laisseront la possibilité aux députés de déléguer leurs votes. Les espagnolistes qui jugent la mesure illégale ont annoncé leur intention recourir à la justice. Les socialistes catalans pour leur part se sont encore illustrés par leurs accusations des politiques catalans objets de poursuites et se sont moqué de leur situation. Miquel Iceta a déclaré publiquement que les politiques sont eux-mêmes « responsables de leur situation parce qu’ils n’ont pas entendu les avertissements des socialistes » et leur a demandé « moins de voyages (en référence à l’exil) et plus d’intelligence ». Pendant ce temps, le président en exil Carles Puigdemont a présenté le livre La crisi catalana et a été reçu par le SPD au parlement bavarois, la même semaine que Netflix a créé le buzz avec la sortie d’un film de 2 heures, dans 42 langues et 190 pays sur les événements indépendantistes et la violence espagnole (Deux Catalogne).

La candidature espagnoliste et populiste de Valls

Sur le terrain électoral, Manuel Valls a centré l’attention des médias, avec la confirmation de son parachutage en « Espagne » en tant que candidat à la mairie de Barcelone. Avec le discours traditionnel français de supériorité universaliste, d’attaque des particularismes et de jacobinisme nationaliste, l’ancien premier ministre a voulu maquiller sa position politique marquée par l’anti-indépendantisme, le soutien des élites économiques conservatrices et des partis populistes et d’extrême droite, en se présentant comme un candidat « transversal ». La presse catalane a résumé le personnage avec la phrase : « le loup jacobin déguisé en mouton cosmopolite » et a souligné que Valls reprenait sans scrupule les mensonges des dommages causés à l’économie, et réclamait pour Barcelone qui est déjà une métropole mondiale, une « ouverture européenne »…

Sur le front judiciaire

Sur le front judiciaire, les procédures continuent d’égrainer leur lot de décisions en sens unique : maintien en prison préventive après une année d’instruction des « dangereux » politiques catalans, rejet de la récusation des juges pour partialité et politisation et accusation des indépendantistes de vouloir « nuire à l’honneur de la justice espagnole » (sic), poursuite des procedures judiciaires contre plus de 700 maires catalans (malgré la fin de la durée légale d’enquête), refus d’ouvrir une enquête sur les juges espagnols qui ont insulté les indépendantistes sur des forums publics, rejet de la demande de mise en liberté pour Jordi Cuixart, poursuite des manifestations de soutien autour des prisons catalanes. Nous avons aussi appris que les policiers mis en examen pour violence lors du 1er octobre sont maintenant au nombre de 24.

Incident diplomatique avec la Belgique

Sur le plan diplomatique, le Ministre des affaires étrangères de l’Espagne, José Borrell, a provoqué un nouvel incident avec la Belgique, en convoquant l’ambassadeur de belge à Madrid pour se plaindre d’une lettre du président du Parlement de Flandre Jan Peumans à son homologue du Parlement de la Catalogne, Carme Forcadell emprisonnée, lettre personnelle dans laquelle il dénonçait son « emprisonnement inacceptable ». Le président flamand a rapidement répondu que « personne n’avait à lui dire ce qu’il devrait faire ».

> Alà Baylac Ferrer

Contributeur. Maître de conférence à l’Université de Perpignan – Via Domitia (UPVD) en Catalogne du Nord, Alà Baylac Ferrer est spécialiste des langue et culture catalanes. Il est par ailleurs directeur de l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT). [Lire ses articles]