Un ministre de l’écologie a démissionné. Il a dit quelques vérités avant de partir, sans pour autant aller jusqu’au bout. Quelques jours auparavant il avait fait savoir que nous avions attaqué les réserves dès le début du mois d’août. Chaque année la date avance. Nous bouffons le capital, la planète !
Un peu avant la démission du ministre en question c’était la panique ! La croissance n’était pas au rendez-vous. Il manquait 0,1% ou 0,2% aux prévisions. Alors on a entendu les économistes autoproclamés (ainsi que ceux qui croient que l’économie est une science) ressortir tous les vieux arguments qu’on nous sert depuis des lustres : relance de la consommation, dynamisation de la croissance, réduction des dépenses publiques, baisse du prix de l’énergie, etc…Bref c’était reparti avec les recettes de l’ancien temps, celui qui fait que l’on bouffe l’héritage, que l’on gaspille sans compter et que l’on se fout de ce qui peut arriver aux générations futures.
Alors que faut-il dire à nos enfants ? Tout ce qu’ils n’ont pas osé nous demander.
Dès aujourd’hui il faut leur dire que ce qu’ils ont appris de nous ne fonctionne plus. Plus de croissance pour moins de chômage ? Balivernes ! De l’énergie moins chère pour relancer l’activité ? Foutaises.
Croissance Verte ?
La croissance verte ? C’est quand on entend les cris de panique de la civilisation de l’automobile qui ne jure plus que par la « voiture verte ». Il faut sauver la bagnole à tout prix. Elle sera électrique, et pour tous ! Non, elle sera nucléaire et pas pour tous, et avec ses déchets, ses batteries et donc ses guerres du lithium et des terres rares.
Il faut continuer à bouger pour faire du transport et de l’activité. Nous ne sommes que des molécules qui s’agitent pour faire de la chaleur ! C’est ça l’économie ? Alors oui c’est simple, simpliste même.
La croissance verte serait celle qui nous protégerait d’une « écologie punitive », c’est ainsi que l’on parle de l’écologie qui dit qu’il n’est plus possible de se baffrer et qu’il faut être sobre. Mais est-ce être puni que de ne plus se baffrer ? Je vous pose la question !
Les méchants seraient ceux qui veulent vous empêcher de consommer trop et les gentils seraient ceux qui vous disent que ce sera comme avant, mais sur un fond vert ! C’est comme à la télé. De filmer sur un fond vert permet d’incruster n’importe quelle image. On vous filme sur ce fond vert et vous voilà, si vous voulez, à Venise ou au sommet de l’Everest !
Dans ce monde qui veut se « verdir » vous ne vous transportez plus, c’est dépassé, vous ne vous déplacez plus, c’est ringard ; vous êtes dans la « mobilité » et même mieux dans « les mobilités ». Et gare aux immobiles, à ceux qui ne veulent pas aller travailler à mille kilomètres de chez eux , ceux qui ne font pas marcher les TGV et les avions à bas coût ! Gare à ceux qui prétendent que la question d’aujourd’hui n’est pas de transporter moins cher mais de transporter moins, tout simplement !
Nous avons la trouille !
Gare à ceux qui vous disent que la seule solution c’est le partage de l’indécente richesse des uns pour faire taire l’indécente pauvreté des autres ! Gare aussi à ceux qui rappellent qu’il y a en ce monde d’un côté la pauvreté totale, le dénuement absolu et de l’autre la pauvreté relative. Certains pauvres, dans leur dénuement total, veulent ce que nous avons et ils se contenteraient même de ce qu’ont nos pauvres. Ils deviennent mobiles. Leur mobilité est mal venue pour nous qui ne supportons plus rien, pas même un recul de 0,1% de la croissance annoncée. Elle est mal venue leur mobilité parce que nous avons la trouille. Pourtant il y a moins à craindre de quelques dizaines de milliers de personnes prêtes à mourir noyées dans la Méditerranée que de la guerre de l’eau, de l’air, de la terre que nous préparons à nos enfants.
Mais quels arguments va t-on pouvoir trouver pour dire à ces gens qu’ils ne pourront pas devenir des goinfres comme nous ? Il n’y a pas de place pour neuf milliards de goinfres ni pour six. Et disons-le : il n’y a pas d’avenir dans la goinfrerie planétaire et aucun avenir pour les goinfres.
Nous vivons sur de vieux schémas. Par exemple, la technologie : elle permettra de trouver des solutions à nos problèmes. Oui, mais elle en créera d’autres donc pas de miracle de ce côté là. Je viens de dire une banalité qu’oublient les chroniqueurs « docteurs ès-applications » qui colonisent les médias.
Ce n’est pas la technologie qu’il faut condamner mais le fait d’en faire une religion. On nous demande d’y croire et on vénère le numérique. Tout cela devient suspect.
Mais je sens bien l’angoisse ! Que sera cette société où l’objectif ne sera pas de consommer toujours plus ? Elle sera triste et nous nous y ennuierons ? Comment soigner notre boulimie de consommation? Et si en plus de devenir partageurs il nous faut devenir intelligents c’est un double défi.
Mais s’il faut nous occuper autrement qu’en allant piller le garde-manger, c’est que nous avons un défi unique à relever. C’est LE défi qui nous permettra de savoir si nous sommes cette humanité que nous prétendons être. Nous devons cesser enfin d’entrer dans cette définition de l’homme qui, comparé aux autres animaux, est le seul à considérer que pour s’affirmer, il lui faut pisser sur la neige, jeter des cailloux dans l’eau claire et crier dans le silence.