La Diada nacional de Catalogne le mardi 11 septembre, avec plus d’un million de manifestants dans les rues de Barcelone pour la 7ème année consécutive, a relancé le processus de concrétisation de la république.
La mobilisation massive des Catalans et des associations civiques, l’Assemblea Nacional de Catalunya et Òmnium cultural, a réclamé aux gouvernants et aux politiques d’avancer pour respecter le mandat du peuple exprimé lors du référendum sur l’indépendance du 1er octobre 2017 et confirmé lors des élections du Parlement le 21 décembre. Après des mois d’incertitude (qui doivent faire les institutions catalanes retrouvées après six mois de suspension de l’autonomie et l’emprisonnement et l’exil de l’ancien gouvernement démis de Carles Puigdemont ?), la société et les indépendantistes semblent reprendre l’initiative face à la répression espagnole et au refus des socialistes de dialoguer. La manifestation de la Diada nacional, avec le slogan « Fem república », remet sur le devant de la scène la détermination pacifique, sereine et civique (aucun incident pendant la manifestation de la Fête nationale) du peuple catalan pour obtenir la reconnaissance de la république proclamée, en poussant les politiques à sortir de l’impasse où la Catalogne a été acculée par les autorités espagnoles. Le président de la Catalogne, Quim Torra a déclaré après la manifestation qu’il approuvait ces réclamations et que le gouvernement allait bientôt lancer le processus constitutionnel et qu’avant le 1er octobre le Conseil de la République en Belgique, dirigée par Carles Puigdemont serait en fonctionnement. Le président catalan a également lancé un appel vendredi 14 septembre un « ne pas avoir peur et à aller jusqu’au bout pour rendre effective la république de tous », « pour défendre les droits civils, sociaux et nationaux de la Catalogne » en référence aux prisonniers politiques et aux exilés catalans et aux plus de 1 000 indépendantistes catalans poursuivis par les tribunaux. Il a dénoncé à nouveau « qu’il est incompréhensible au milieu du XXIe siècle qu’il y ait des prisonniers politiques et des exilés pour le crime d’avoir donné la parole au peuple. C’est totalement inacceptable. Voter n’est pas un crime ; organiser un référendum n’est pas un crime ; vouloir vivre librement n’est pas un crime.
Les espagnolistes ridiculisés
De leur côté, les espagnolistes qui, avec Ciudadanos, avaient organisé une manifestation à Barcelone pour dénoncer la « manipulation indépendantiste » de la fête nationale, se sont ridiculisés en ne rassemblant qu’une vingtaine de manifestants sur la plaça Reial devant quelques élus. Une autre manifestation unioniste quelques jours avant avait rassemblé quelque 2000 personnes qui se sont distingués par des cris et des salutations fascistes, l’ostentation de symboles nazis et franquistes et par l’agression d’indépendantistes (6 blessés) à la fin de la manifestation. Malgré plus d’un million de manifestants dans la rue de Barcelone pour la Diada, les médias espagnols, notamment la télévision publique, se sont illustrés par leur silence sur l’événement. La droite et les socialistes espagnols tentent toujours de faire croire que le mouvement catalan provoque agressivité et fracture de la société catalane et que les indépendantistes ne sont pas majoritaires (aux élections les indépendantistes ont totalisé plus de 47 % des voix contre 37 % pour les anti-indépendantistes).
Incident diplomatique à Perpignan
Cette semaine, la politique sud-catalane à de nouveau été d’actualité en Catalogne Nord, avec un incident diplomatique inhabituel provoqué par l’ambassadeur d’Espagne en France, Fernando Carderera qui a reproché par lettre au maire de Perpignan d’avoir reçu officiellement Quim Torra, « un président inconstitutionnel » (sic). Jean-Marc Pujol a répondu qu’il était « très surpris et choqué » par une telle ingérence, le président catalan ayant été « démocratiquement élu » et a demandé « depuis quand un ambassadeur d’Espagne se permet de demander à un élu français de se justifier ». Le diplomate a continué la controverse vendredi 14 septembre en critiquant que le maire ait reçu Torra avec le symbole du ruban jaune « qui divise, qui ne représente pas la majorité des Catalans et remet en question le caractère démocratique de l’Espagne ». Les autorités espagnoles semblent accroître la pression sur la France contre les Catalans du Nord pour leur solidarité avec leurs compatriotes du Sud. Plusieurs personnes ont fait état de pressions sur des fonctionnaires, en particulier des enseignants, qui portent le symbole du ruban jaune pour exiger la libération des prisonniers politiques, et que certains qualifient de signe partisan incompatible avec l’obligation de réserve et de neutralité des fonctionnaires. De même, les milieux catalans à Perpignan commencent à s’interroger sur la coïncidence entre la solidarité exprimée avec les Catalans du Sud et le refus de l’État de créer l’Office de la langue catalane publique.
Au chapitre judiciaire, les avocats des prisonniers et exilés catalans ont dénoncé cette semaine les manœuvres du Tribunal constitutionnel espagnol, qui, contrairement à son habitude, accepte tous les recours des indépendantistes (sans les examiner) pour retarder leur possibilité de recours en dernière instance devant les tribunaux européens. De plus, la salle n° 13 du tribunal de Barcelone a demandé a Tribunal suprême d’ouvrir une procédure contre le vice-président du gouvernement catalan, Pere Aragonès pour « désobéissance » au motif qu’il n’aurait rien fait pour empêcher un référendum considéré comme illégal. Et le tribunal a entamé une procédure judiciaire contre la ville de Vic pour avoir diffusé chaque jour jusqu’au 11 septembre un message via les haut-parleurs municipaux réclamant la liberté des prisonniers politiques. Le procureur étudie s’il peut s’agir d’un délit et s’il peut être considéré comme un détournement de fonds publics (18 des 21 conseillers municipaux de Vic sont indépendantistes). De leur côté, 400 avocats catalans ont demandé la protection pour Gonzalo Boye, l’avocat de Puigdemont devant le refus du barreau espagnol d’assurer sa protection devant les menaces dont il est l’objet.
Écrire aux prisonniers pour leur 11ème mois de détention provisoire
En ce qui concerne la campagne de soutien aux prisonniers politiques, l’ANC, Assemblea nacional catalana et Òmnium Cultural lancent un appel pour écrire aux prisonniers qui totalisent ces jours-ci 11 mois de détention (les présidents respectifs des associations, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart) en organisant des ateliers d’écriture. Les courriers peuvent aussi être envoyés via le site https://catalansalmon.com/campanyes/llibertat/.