Le président catalan Torra à Prada : « Cette fois, Catalunya va gagner »

Le président de la Catalogne, Quim Torra, a déclaré lors de la séance de clôture de la 50ème Université d’été catalane en Catalogne Nord que « cette fois, la Catalogne gagnera » et il s’est engagée « à rendre réelle la République ».

Les médias sud-catalans ont souligné du discours du président de la Generalitat qu’il annonçait à l’automne que l’attitude des partis indépendantistes serait « d’accuser l’Espagne » pour la répression généralisée dont ils sont victime. Les déclarations du dirigeant catalan s’inscrivent dans une pré-rentrée politique qui annonce une augmentation de la tension dans les semaines qui viennent entre les gouvernements catalan et espagnol. À l’ordre du jour de l’actualité politique à venir : l’organisation de la manifestation de la Diada du 11 Septembre (Fête nationale catalane, qui mobilise des millions de personnes chaque année dans les rues de Barcelone), la commémoration le 1er octobre du référendum sur l’indépendance de 2017 qui avait été violemment réprimée par la police espagnole, l’ouverture en Belgique du procès contre les irrégularités du juge Pablo Llarena et l’ouverture prochaine du procès contre les indépendantistes emprisonnés. En outre, les partis indépendantistes devraient commencer à remettre en question la continuité de leur soutien parlementaire au gouvernement de Pedro Sanchez, si des mesures effectives de changement de politique concernant la crise institutionnelle ne sont pas mises en œuvre dans les prochaines semaines. Les socialistes espagnols avec seulement 84 députés ne disposent pas – sans les indépendantistes – de majorité aux Cortes et les Catalans demandent toujours l’instauration d’un dialogue bilatéral avec le gouvernement de l’État, le classement de tous les procès, la libération de 9 prisonniers politiques et le retour des 7 exilés. Reste à voir, par exemple, si les indépendantistes voteront avec les socialistes espagnols pour l’exhumation du dictateur du mausolée du Valle de los caiodos, au cas où, comme ils l’ont demandé, les socialistes n’annulent pas les procès de la période de la dictature franquiste. L’Espagne s’est toujours opposée à l’annulation du procès du président de la Generalitat Lluís Companys, détenu en France pendant son exil et fusillé par les franquistes.

Puigdemont reprend sa campagne internationale

Le dimanche 26 aout, l’ancien président catalan Carles Puigdemont a repris son activité en faveur de la République catalane, en participant à une conférence sur la Catalogne et l’Europe en Écosse, invité par le Forum international Beyond Borders. Ce lundi, il rencontre à Waterloo le président de Catalogne, Quim Torra, à la Casa de la República. C’est son premier voyage depuis son retour en Belgique après que la justice allemande a refusé son extradition pour « rébellion » et que la justice espagnole a retiré son mandat de recherche. En tant que citoyen libre, il peut se déplacer dans toute l’Europe, sauf en Espagne où il est toujours poursuivi, et en France, où ses avocats lui déconseillent de se rendre du fait de l’existence de l’accord d’extradition automatique entre les deux pays. Carles Puigdemont d’autre part a annoncé qu’il allait porter plainte contre Rajoy, le gouvernement du PP et le Tribunal constitutionnel, pour avoir empêché illégalement son investiture à la présidence de la Catalogne.

Agressivité des espagnolistes

Dans les rues de Catalogne, les partis espagnolistes – PP, Ciudadanos et l’extrême droite de Vox – tentent de provoquer des incidents pour discréditer l’indépendantisme dans les médias. Après avoir perdu la « bataille du jaune » – les rues catalanes sont remplies de rubans jaunes et des banderoles exigeant la libération des prisonniers politiques – ils tentent de focaliser les médias sur une confrontation présumée au sein de la société catalane pour des manifestations et l’occupation qu’ils qualifient de « partisanes » de l’espace public. Sur cette question, le président Torra a demandé au ministre espagnol de l’Intérieur d’intervenir contre les groupes violents organisés, notamment parce que des policiers y sont impliqués. L’agressivité de la droite espagnoliste se manifeste également par la réclamation du PP et de Ciudadanos de suspendre à nouveau l’autonomie catalane avec l’article 155, ainsi que par leur opposition à l’exhumation du dictateur franquiste.

Multiplication des manifestations devant les prisons

Au chapitre judiciaire et carcéral, on assiste à une multiplication des manifestations de solidarité en faveur des prisonniers politiques catalans : concerts et des dîners hebdomadaires devant les prisons (3000 personnes devant la prison de Figueres), les visites des membres du gouvernement catalan (Torra est allé voir la présidente du Parlement, discours du vice-président Pere Aragonès, de la ministre de l’Agriculture Teresa Jordà), concentration de tracteurs… Et pour la première fois, la ministre des Affaires sociales Dolors Bassa en détention depuis 156 jours, a été autorisée par le Tribunal suprême à sortir seulement 2 heures pour rendre visite à sa mère hospitalisée. Les prisonniers communiquent régulièrement leur reconnaissance pour le soutien de la société catalane.

Autres brèves à remarquer

Poursuite dans les médias espagnols de la controverse sur qui doit payer la défense de Pablo Llarena devant les tribunaux belges, l’État, la justice ou lui-même. Le Tribunal suprême refuse d’autoriser les avocats exilés à avoir accès à tous les dossiers de procédures contre les partis indépendantistes. Le gouvernement espagnol a saisi les tribunaux contre le rétablissement des délégations du gouvernement catalan au Royaume-Uni, en Irlande, en France, en Allemagne, aux États-Unis, en Suisse et en Italie ; le ministre catalan des Affaires étrangères a répondu qu’ils continueraient et que leur déploiement se poursuivrait. L’avocat de Puigdemont, Gonzalo Boye, a dénoncé des « procédures injustes » et en prévision que les accusés soient condamnés, prépare les recours devant la justice européenne des droits de l’homme. Les premiers jours du lancement de la campagne pour la manifestation du 11 septembre convoqués par Òmnium Cultural et l’Assemblea Nacional Catalana (« Fem República – Faisons la République ») 70 000 personnes se sont inscrites en ligne et environ 500 bus sont déjà pleins. Le ministre catalan de l’Économie a révélé que la suspension de l’autonomie de la Catalogne avait paralysé le versement de 800 millions d’euros de subventions aux associations et organismes de protection sociale ; il a refusé cette semaine de se joindre aux conseillers régionaux de politique fiscale et exige des réunions bilatérales entre la Generalitat et l’État. La justice belge a refusé l’extradition sans procès du chanteur rappeur Valtònyc (condamné par l’Espagne à deux ans et demi de prison pour insulte à la couronne et incitation à la violence) ; les tribunaux examineront son cas en septembre.

> Alà Baylac Ferrer

Contributeur. Maître de conférence à l’Université de Perpignan – Via Domitia (UPVD) en Catalogne du Nord, Alà Baylac Ferrer est spécialiste des langue et culture catalanes. Il est par ailleurs directeur de l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT). [Lire ses articles]