
Gael Briand, rédacteur en chef du Peuple breton et membre du bureau politique de l’Union démocratique bretonne, a été désigné porte-parole de Régions et peuples solidaires, à l’issue du congrès de la fédération à Bayonne. Il partage cette fonction avec Roccu Garoby, militant autonomiste corse et fédéraliste européen.
Pouvez-vous rappeler rapidement ce qu’est Régions et peuples solidaires ?
Régions et Peuples solidaires est une fédération de partis politiques autonomistes et indépendantistes dont la création remonte à 1994. Elle a été fondée à Rennes à l’issue du mandat de Max Siméoni en tant que député européen. À l’époque, son attaché parlementaire était d’ailleurs un membre de l’Union démocratique bretonne : Christian Guyonvarc’h. Par la suite, un autre corse a été élu en la personne de François Alfonsi, en 2009. Là encore, l’UDB était partie prenante puisque son attaché parlementaire était Bruno Le Clainche.
Régions et Peuples solidaires part de l’idée qu’isolés, dans un contexte politique hexagonal, il existe un plafond de verre pour nos partis. Il suffit de regarder la Corse : malgré son statut spécifique et la nouvelle Collectivité de Corse, malgré la victoire de la coalition Pè a Corsica aux élections, un certain nombre des points de programme sur lesquels ont été élus les représentants de l’île dépendent du bon vouloir de Paris. Or, aujourd’hui, en France, il n’y a guère que Gilles Simeoni [le président la Collectivité de Corse] et sa majorité qui mènent un bras de fer contre l’État afin de réformer réellement les institutions. Les autres présidents de Région se contentent de gérer ou pire, comme Laurent Wauquiez ou Hervé Morin, instrumentalisent les collectivités territoriales pour leurs ambitions nationales.
Grâce à leurs députés, nos amis Corses ont désormais voix au chapitre, mais restent minoritaires. Ils peuvent pourtant compter sur leurs partenaires et sur l’ensemble des citoyens qui veulent démocratiser cette République. Ensemble, nous pouvons peser à l’échelle française pour proposer une autre République, moins autoritaire et plus démocratique, une République qui fasse confiance à ses territoires.
Quel bilan tirez-vous de ce congrès ?
Nous avions une feuille de route : « un programme, une stratégie et une candidature ». Elle a été validée par le congrès. Nous nous sommes mis d’accord collectivement sur un document d’une dizaine de pages reprenant des propositions spécifiques que nous souhaitons mettre en avant dans la future campagne européenne. Nous sommes conscients qu’il sera difficile de peser sur cette élection et de gagner des sièges si nous ne trouvons pas de partenaires. Pour l’instant, c’est avec Europe-Ecologie-Les-Verts que les discussions sont le plus avancées car nous siégeons déjà ensemble au Parlement Européen au sein du groupe Verts-Alliance libre européenne. Nous avons bon espoir de conclure à un accord mais cela ne se fera qu’à la condition qu’il soit juste pour les deux parties. Nous avons enfin décidé que notre liste sera menée par une ou un Corse, afin de bénéficier de la dynamique de Femu A Corsica. Un bon présage si on considère l’histoire de notre fédération. Le nom de ce ou cette candidat.e sera dévoilé fin octobre.
Vous êtes maintenant porte-parole de la fédération, un poste qui n’existait pas jusqu’à présent. Que signifie cette innovation ?
Il s’agit de « changer de braquet » si je peux me permettre cette expression. La fédération entend passer d’une coordination technique à une véritable organisation politique. Nous souhaitons bénéficier de la dynamique corse et du fait que, d’une certaine façon, le président de la Collectivité Corse, Gilles Siméoni Simeoni est désormais aussi un étendard pour nous. D’ailleurs, son parti, Inseme Pè A Corsica, a fait sa demande pour adhérer et a été accepté par la fédération.
Pourquoi un partage du porte-parolat ?
Bonne question ! Parce qu’à l’instar de l’UDB, nous aimons l’idée d’avancer collectivement ? Que nous refusons une trop grande personnalisation ? À titre personnel, j’ai toujours estimé que la démocratie suppose un bon partage des pouvoirs. Cela vaut pour les institutions comme pour les partis politiques. Cela permet aussi de se partager les sujets et les territoires. Qui plus est, la fédération bénéficie aussi d’autres voix, comme les parlementaires par exemple.
Quelle est la ligne que vous défendrez dans l’année à venir ?
Je crois que le premier enjeu est de rendre plus visible cette fédération de partis politiques. C’est la garantie que leurs projets soient pris en considération par les différents pouvoirs, politiques autant que médiatiques. Pris séparément, nos partis sont souvent considérés comme repliés sur eux-mêmes alors qu’en réalité, nous sommes en contact permanent avec les autres territoires de France.
J’aimerais aussi que la fédération s’ouvre sur les territoires dans lesquels on nous attend moins. Après tout, il ne s’agit pas seulement d’arracher à un État centralisé des statuts particuliers, mais aussi de démocratiser la France car aujourd’hui, les décisions sont prises depuis Paris. De ce point de vue, la France est une exception en Europe. Je crois que ce discours peut être entendu bien au-delà des régions dites « à fortes identités ». Enfin, dernier point, il s’agit pour nous de valoriser l’idée même de différence dans un État qui uniformise. Notre fédération travaille avant tout pour créer une société et cela implique de chercher des moyens de vivre ensemble, en paix, riches de nos diversités. Cela vaut pour les peuples de France comme pour les immigrés que nous devons accueillir dignement.
Comment la fédération aborde-t-elle les élections européennes ?
Positivement ! Nous avons réalisé globalement une bonne séquence législative même si nous sommes encore loin d’être satisfaits. La fédération Régions et Peuples solidaires a surtout gagné son indépendance financière car elle a réussi à accéder au financement public. Il nous reste désormais à construire notre indépendance politique. Nous avons engrangé plus de voix seuls que jamais auparavant. Qui plus est, nous sommes persuadés de pouvoir compléter le discours de nos partenaires et, ce faisant, d’être des faiseurs de rois. Cela vaut bien un ou une député… voire plus si la dynamique ainsi créée convainc les électeurs !