L’actualité politique catalane est marquée cette semaine les interventions surprenantes des autorités françaises.
Chaque année, pendant une semaine se tient en Catalogne Nord l’Université Catalane d’Été – elle célèbre sa 50ème édition – qui rassemble à Prada (au nord de la frontière, en France) quelques 1500 étudiants et enseignants de tous les Pays catalans. La manifestation, outre les cours, les ateliers, les animations, les conférences, les actes d’hommage, les journées de recherche et d’échanges dans des domaines aussi divers que la physique quantique, la littérature, la philosophie, la science politique, la langue… est l’occasion de rencontres et de contacts avec de nombreux politiques qui profitent de la tribune de l’UCE pour débattre et faire des déclarations de toutes sortes. Bien que l’Université d’été ait une longue tradition d’événements particulièrement surveillés par la police, l’intervention de la gendarmerie française directement auprès de l’organisation pour se renseigner sur la présence éventuelle du président Carles Puigdemont a créé la surprise. Il est totalement anormal que la police française s’intéresse directement au politicien catalan dans la mesure où il n’y a plus de mandat de recherche à son encontre et que les autorités françaises n’ont aucune raison légale de le poursuivre. De nombreux participants à l’UCE ont fait le parallèle avec les actions répressives de la police et de la justice espagnole à l’encontre des indépendantistes, mais il est difficile de s’expliquer que la France pratique la même politique. Sauf si, sur la base de négociations ou d’accords entre Madrid et Paris, la France a choisi de donner un coup de main aux Espagnols dans leur lutte contre l’indépendantisme.
Des banderoles pour les prisonniers retirés par les gendarmes
En même temps, toujours en Catalogne Nord, les gendarmes sont allés retirer des banderoles en faveur des prisonniers politiques catalans et des rubans jaunes sur un pont qui traverse l’autoroute A9, menaçant d’arrêter les militants du Comité de solidarité Nord Catalan s’ils résistaient. Une autre activité anormale donc ou au moins inhabituelle des forces de police françaises dans la mesure où elle semble procéder comme les partis espagnolistes (Ciudadanos, PP et extrême-droite Vox) au sud de la frontière contre une expression pacifique dans l’espace public. Ces interventions ont lieu quelques jours après une rencontre entre le préfet de Perpignan et son homologue espagnol…
En Catalogne sud, la semaine dernière, les nouvelles ont porté sur la commémoration controversée des attentats islamistes de l’été dernier, qui ont fait 17 morts. Le roi et le gouvernement espagnol qui s’étaient invités à la cérémonie célébrée à Barcelone ont été accompagnés par des militants radicaux qui ont perturbé les hommages par des cris contre le catalan, des indépendantistes molestés, des insultes et l’ostentation de symboles espagnolistes, tandis qu’une grande banderole accrochée sur les façades de la place de Catalogne proclamait en anglais « le roi d’Espagne n’est pas le bienvenu dans les pays catalans », accompagné d’un portrait à l’envers de Philippe VI. Les cérémonies ont également été perturbées par le responsable du PP catalan qui s’en est pris au président catalan. Les politiques catalans ont refusé de saluer le roi et l’épouse du ministre de l’Intérieur catalan au moment des attaques, Joaquim Forn, emprisonné depuis 10 mois, a rappelé au roi que ce n’était pas elle qui aurait dû participer à l’hommage, mais son mari emprisonné.
Ciudadanos appelle à nettoyer les rues et à désobéir à la police catalane
Les espagnolistes profitent donc de l’été pour faire monter la tension, en appelant à « nettoyer les rues de Catalogne » des rubans jaunes et à désobéir à la police catalane qualifié de police politique indépendantiste. Les Mossos d’Esquadra qui ont commencé à contrôler et à identifier les espagnolistes qui parcourent les rues ont constaté que ces groupuscules sont composés de militants du PP, de Ciudadanos, de groupes d’extrême-droite et de policiers espagnols et qu’ils planifient les opérations. Le président de la Generalitat s’en est plaint officiellement au ministre espagnol de l’Intérieur. En même temps, le juge Pablo Llarena, instructeur de la cause contre les indépendantistes a refusé de répondre à la Belgique au sujet de la plainte déposée par le président Puigdemont pour manque d’impartialité (début du procès du juge prévu à Bruxel·les le 4 septembre) et a fait appel à la protection du gouvernement espagnol. Il a également annoncé qu’il renonçait cette année à passer ses vacances en Catalogne en raison du manque de sécurité. Sa mauvaise gestion de l’affaire et les nombreuses irrégularités des procédures contre les indépendantistes l’isolent de plus en plus et suscitent des critiques même au sein des milieux judiciaires. La tension est donc bien en train de monter, même si les présidents Torra et Sànchez maintiennent leur réunion prévue à l’automne à Barcelone, preuve d’une volonté même minime de dialogue de la part du gouvernement socialiste.