Sois ce que l’on veut que tu sois et tais-toi !

Dans l’Oise, un village a prévu de faire renaître en 2019 une fête « traditionnelle » datant du Moyen-âge, ayant pour objectif de faire l’apologie d’une certaine vision de la femme. C’est donc ainsi que la fête de la Rosière, dont l’origine daterait du Ve siècle, sera remis au goût, non pas du jour, mais de celui de la confrérie de Saint-Médard en la commune de Salency.

La dernière Rosière n’ayant pas été fêtée depuis 1987, il s’agit pour Bertrand Tribout, président de la Confrérie en question de mêler « dans une agréable harmonie le civil et le religieux » à travers l’éloge, et cerise sur le gâteau, le couronnement d’une jeune femme « parée de toutes les vertus ». Ces vertus tiennent dans le fait selon lui « de dénicher dans le village, une jeune fille vertueuse, avec des dispositions à faire le bien et fuir le mal, empreinte de valeurs de respect ». Vous ne voyez toujours pas de quoi il s’agit ? Vraiment ? Et bien cette jeune femme sera choisie selon différents critères tels que « la conduite irréprochable, la vertu, la piété, la modestie, mais aussi… la virginité » selon les dires des organisateurs.

Un manichéisme faussement bienfaiteur

Donc si l’on s’en tient à l’exposé de ces compléments d’informations, il s’agit de déterminer qui, parmi la gente féminine, est digne selon son comportement et ses faits et gestes, d’être érigée en symbole. Un symbole à suivre bien sûr, à imiter. Non pas pour la personne qu’elle est, mais pour la personne qu’on veut qu’elle soit. Et ceci selon des pseudos critères qui trahissent sans véritablement le cacher : une vision erronée, grotesque et machiste d’une idéologie arriérée. Celle du patriarcat, trop longtemps prônée par une part de la société chrétienne tel que le montre le contexte dans lequel s’inscrit cette fête », mais aussi par tout un système qui ne cesse de s’infiltrer là où on ne l’attend pas (médical, politique, économique, juridique, éducatif, social…). Ce bon vieux « père des familles » comme on le voit trop souvent en droit français, synonyme du bon comportement à adopter dans telle ou telle situation.

N’en déplaisent à ses admirateurs, cette « fête » n’est rien d’autre qu’une propagande sexiste qui a pour but de maintenir les populations dans les clous. Il s’agit d’appuyer la domination qu’exerce l’homme sur la femme, mais pire encore, de perpétrer une croyance qui tend à distinguer le bien du mauvais, le juste de l’injuste, l’acceptable du condamnable. Et par conséquent d’influencer, sans possible remise en cause, le développement de l’individu. Cette vision n’a en ce sens d’autres buts que d’induire dans les mentalités ce qui est socialement admis et désiré par un petit groupe, et par opposition la limite à ne pas franchir.

Condamnées à suivre le modèle de la gentille femme de maison, la jeune fille travailleuse et discrète… ou de passer pour la brebis galeuse que l’on jugera. Quelle belle perspective !

Financement publique de la commune

Si nous nous en arrêtons là, il y a déjà de quoi se révolter. Hélas ce n’est pas tout… Que diriez-vous si l’équipe municipale soutenait cette immondice ? La Fête de la Rosière sera, en effet, soutenue financièrement et logistiquement par la commune, comme l’a indiqué le Maire Hervé Deplanque (Sans étiquette). Le premier magistrat, concédant qu’il s’agit d’une « fête dépassée », autorise tout de même que l’argent public soit utilisé pour que cette démonstration se réalise. N’est-il pas censé savoir que l’aide publique revêt toujours soit une adhésion volontaire, et souvent idéologique, au projet soutenu, soit une obligation de moyen à la charge de l’autorité ?

Pourtant, dans les deux cas aucun des deux scénarios ne tient la route. Le premier consisterait à engager la personne publique dans la voie du sexisme, ce qui est purement inacceptable. Et nous espérons qu’il ne s’agit pas de cela pour l’équipe municipale en question.

Quant au second, cela signifierait qu’il existe, en l’espèce, une obligation pour la commune de contribuer à ce que l’expression religieuse puisse s’exercer. Notons que ce genre de situation existe bel et bien étant donné que la liberté religieuse se traduit par deux aspects : premièrement, qu’en vertu de la Loi de 1905 de séparation de l’État et de l’Église, la personne publique ne doit s’associer à aucune mouvance confessionnal ; et secondement, qu’il appartient à l’autorité de faire en sorte que puissent s’exprimer, sur un pied d’égalité, les idées religieuses. Mais n’allons pas trop vite ! Ce second point doit s’entendre eu égard aux valeurs promues par la personne publique telles que le respect et l’égalité, notamment des sexes. Or, nous ne voyons pas comment ces conditions pourraient être remplies. Par l’opération du Saint esprit peut-être ?

> Jean Roudaut

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