
Mercredi après-midi 1er août, la première rencontre bilatérale entre les gouvernements catalan et espagnol (que le PP n’avait plus réunie depuis sept ans) avait suscité quelque espoir, en particulier de voir se produire une ouverture minimale pour résoudre la crise politique entre l’Espagne et la Catalogne. Espoir déçu.
Les porte-paroles des deux délégations, mercredi soir, Meritxell Batet, ministre de la Politique territoriale et de la fonction publique, et Ernest Maragall, ministre catalan des Affaires étrangères et des relations institutionnelles, ont tout de suite illustré que le dialogue de sourds continuait, les prisonniers politiques catalans restant en détention préventive accusés de rébellion avec des peines prévues de 30 ans de prison et « le droit à l’autodétermination n’existant pas » pour le gouvernement de Sànchez. La partie espagnole a même refusé de mettre en place un groupe de travail pour réfléchir à la question. Même les questions plus techniques – et sur lesquelles le gouvernement peut intervenir – telles que les blocages des recours catalans au Tribunal constitutionnel n’ont enregistré aucune avancée. Ernest Maragall a immédiatement que la « normalité » ait été retrouvée entre les institutions, normalité que la ministre espagnole avait tenté de décrire après la rencontre, une rencontre vécue comme « dure et difficile » pour la partie catalane. La porte-parole catalane et ministre de la présidence Elsa Artadi, qualifiait de « décevante et frustrante la une réunion qui n’avait pas été préparée par les représentants du gouvernement espagnol, qui s’est contenté d’écouter et de prendre note sans apporter aucune réponse aux demandes catalanes. »
Les agressions fascistes se multiplient dans la rue
L’autre nouvelle qui a occupé les médias sud-catalans est la prolifération d’agressions violentes de la part de militants d’extrême-droite dans les rues de Catalogne contre des personnes qui portent des rubans jaunes et des signes de défense des prisonniers politiques. Les actes d’agression se sont multipliés en particulier depuis que le parti populiste Ciudadanos a appelé à « nettoyer » les rues de Catalogne des rubans jaunes et des drapeaux indépendantistes. Jusqu’à présent, la police n’a arrêté personne (elle ne se déplace que pour faire le constat des actes commis) et le parquet est plus compréhensif pour les agresseurs que pour les victimes (demande de classement pour des accusés d’intimider des personnes portant un ruban jaune). Lundi 30 Juillet un groupe de fascistes espagnols cagoulés et armés d’un couteau avait pris molesté et menacé sept personnes d’un CDR (Comité pour la défense de la république) qui posaient un drapeau indépendantiste à Manresa. Le ministère de l’Intérieur catalan a enregistré près de 200 agressions entre mai et juillet.
Sur le front judiciaire
Au chapitre de la justice, les tribunaux espagnols poursuivent leurs procès et les verdicts contre les indépendantistes (emprisonnés et exilés), sans que l’exécutif de Sanchez ne prenne aucune mesure pour changer les lignes de conduite du parquet. Le lundi 30 juillet, le Tribunal suprême a rejeté l’appel contre la suspension des députés emprisonnés et exilés. Pendant ce temps, à Waterloo, samedi 28 Juillet, lors de la manifestation organisée par les présidents Puigdemont et Torra pour son retour d’Allemagne, ce dernier a qualifié de « farce » les procès contre les indépendantistes et le représentant de Puigdemont aux Nations Unies, l’avocat Ben Emmerson a dit qu’il n’avait « aucun doute sur l’indépendance future de la Catalogne » et que « personne ne peut espérer que les indépendantistes s’assoient à la table des négociation tant que les prisonniers sont toujours derrière les barreaux. Pour commencer à discuter, il faut qu’ils soient libérés immédiatement. Je suis un observateur, je ne parle pas au nom de qui que ce soit, seulement quelqu’un qui travaille aux Nations Unies et qui observe cette situation en tant qu’avocat international. Mais je dois dire que je n’ai aucun doute sur le fait que je suis en train d’assister à la naissance d’une nation », a-t-il ajouté. D’autre part, l’avocat Gonzalo Boye a rapporté qu’il y a des documents montrant que la justice espagnole avait déjà ouvert une procédure pour « rébellion » avant le 20 septembre alors qu’il ne s’était pas encore produit de manifestation de rue contre l’intervention policière de Madrid. Il a également demandé la récusation du juge Pablo Llarena après que le dimanche 29 juillet celui-ci a été filmé dans un restaurant de Palafrugell en train de dîner ostensiblement accompagné par des dirigeants du PP (le frère de l’ancien ministre de l’Intérieur Jorge Fernandez Diaz), le même jour qu’une manifestation du CDR local était prévue en la défense des prisonniers politiques. Le lendemain la police espagnole arrêtait une personne qui avait manifesté à la sortie du restaurant.
Quelques semaines pour changer de position
Devant l’immobilisme de Madrid, les indépendantistes ont donné au gouvernement espagnol quelques semaines de délai pour traduire en paroles le changement qui pour l’heure se limite à la musique. Puigdemont depuis la Belgique a annoncé qu’en automne « l’état de grâce » sera terminé et que le gouvernement socialiste devra passer des discours aux actes. L’ANC – Assemblée nationale catalane – et Òmnium Cultural de leur côté préparent la grande manifestation de la fête nationale (11 septembre) avec le slogan « Fem República – Faisons la Republique ». Les prévisions sur l’automne sont déterminantes : manifestations, rentrée politique, ouverture des procès. Le tout sur fonds d’élections (municipales et autonomiques en Espagne) en préparation pour 2019 et avec la majorité relative du gouvernement de Sanchez qui ne tient qu’à un fil, celui des partis indépendantistes au Congrès espagnol qui peuvent à tout moment lui retirer leur soutien.