Puigdemont revient en Belgique pour activer le Conseil de la République


La fin juillet est marquée par un démarrage timide du dialogue entre les gouvernements catalan et espagnol. Chacun prenant ses marques et cherchant à poser les jalons pour renforcer ses positions avant d’entrer dans les discussions.

Cette semaine (mercredi 1er août) aura lieu à Barcelone la première réunion de la commission bilatérale Generalitat-État. À l’heure de fixer l’ordre du jour, chaque partie a insisté pour inclure (ou refuser de traiter…) le maximum de points qui l’intéresse. Ainsi le gouvernement catalan a finalement obtenu qu’en dehors des questions de financement et d’investissements en Catalogne, la commission parle aussi des prisonniers politiques et des « voies pour la Catalogne de décider de son avenir ». Parallèlement le président Quim Torra a demandé à Madrid une réunion d’urgence de la commission bilatérale de sécurité du fait de la multiplication des attaques fascistes en Catalogne contre les personnes, les symboles et les locaux indépendantistes (Vic, Barcelone…). Mercredi 25 se sont également rencontrés les ministres des Affaires étrangères à Madrid, l’espagnol jacobin anti-indépendantiste Josep Borrell) et le catalan (ancien socialiste, membre d’ERC, Ernest Maragall) pour essayer de nouer le dialogue depuis depuis des positions diamétralement opposées.

Conseil de la République à Waterloo

De son côté, le président Carles Puigdemont est retourné ce samedi 28 en Belgique où, depuis la Casa de la República (Maison de la République) à Waterloo, il lancera le Conseil de la République catalane qui vise à travailler à la reconnaissance internationale de l’indépendance de Catalogne. Le mercredi 25 juillet, l’ancien président de la Generalitat a tenu une conférence de presse à Berlin où il a remercié les multiples soutiens qui se sont manifestés en sa faveur en Allemagne et où il a annoncé son transfert en Belgique. Le président en exil a demandé à Pedro Sánchez de passer des discours aux faits (en ce qui concerne les prisonniers politiques, la répression judiciaire contre l’indépendantisme et la résolution de la crise politique avec la Catalogne). Puigdemont a déclaré qu’il espérait revenir en Catalogne avant 20 ans (probablement pas en Espagne…). Il a indiqué qu’il pourrait bientôt fouler le sol catalan (en France…). Le parti catalaniste Unitat Catalana a annoncé vendredi 27 juillet qu’il avait invité Carles Puigdemont le 4 septembre à participer à un débat sur le traitement de l’information dans la presse. Les commentaires néanmoins indiquent qu’il pourrait être risqué de se rendre en territoire français. Les avocats de l’ancien président le lui ont déconseillé du fait de l’existence d’accords spécifiques franco-espagnols qui pourraient se traduire par une extradition.

Suspension de salaires polémiques au Parlement

La suspension des députés en exil et emprisonnés décrétée (sans aucune base légale puisque la loi ne le prévoit que pour des élus accusés de terrorisme) par le juge Pablo Llarena provoque toujours la polémique. En effet, une fonctionnaire du Parlement de sa propre initiative a décidé de suspendre le paiement du salaire des députés en question dès ce mois de juillet, bien que les instances compétentes pour décider sur la question (le Bureau et le Parlement lui-même) n’ont encore pris aucune décision. La porte-parole du gouvernement catalan a annoncé que l’annulation de la décision était à l’étude, mais sans accord sur la suspension des élus, le Président du Parlement Roger Torrent a annulé les sessions du Parlement catalan jusqu’au mois d’octobre.

Pression du PDeCat sur les socialistes au Congrès espagnol

Après le renouvellement de la direction du PDeCat, le parti de Carles Puigdemont a décidé d’accentuer la pression sur les socialistes espagnols au Congrès tant qu’il n’y a pas de progrès dans la résolution du conflit et de la situation des prisonniers politiques. La mesure s’est traduite par l’impossibilité du gouvernement de Pedro Sánchez d’approuver l’augmentation des dépenses au Congrès faute de majorité, les députés catalans s’étant abstenu. Le PDeCat a mis au défi les socialistes de précipiter les élections s’ils ne disposent plus de majorité.

Autres brèves de la semaine

Le nouveau chef du Partido Popular, Pablo Casado (aile la plus dure et la plus à droite) a annoncé jeudi 26 Juillet qu’il demanderait une nouvelle suspension de l’autonomie catalane (article 155) et l’intégration au code pénal de l’indépendantisme comme délit. Le même jour, le Tribunal constitutionnel a refusé la libération de Josep Rull et de Jordi Turull (en détention préventive depuis 126 jours). Les anciens membres du gouvernement de Puigdemont Rull, Turull, Romeva et Bassa ont dénoncé leur détention arbitraire à l’ONU.

Le mercredi 25 Juillet, cinq personnes qui peignaient des rubans jaunes sur la route sont traduites devant les tribunaux suite à une plainte déposée par une élue socialiste pour « un délit de coaction légère contre une personne la contraignant à recourir à la violence contre sa volonté » (sic). La justice a classé sans suite la plainte d’une victime (un coup de poing au visage par un policier) lors du référendum du 1er octobre. Mercredi le Tribunal supérieur de justice de Catalogne a interdit le drapeau catalan étoilé sur les bâtiments publics. Le même jour, la Cour européenne de justice a rendu une décision indiquant qu’un état de l’UE (l’Irlande avait fait un recours) n’est pas obligé d’accepter une demande d’extradition si le pays requérant (dans ce cas, la Pologne) ne présente pas toutes les garanties d’impartialité et de respect des droits fondamentaux.

Une centaine de maires de la Catalogne Nord se sont réunis à Prats de Molló (juste à la frontière) pour exprimer leur rejet de la répression politique en Catalogne du Sud et demander à être reçus par le Président pour traiter de la question des prisonniers politiques catalans. La Guardia civil s’est installée à la frontière pour contrôler les identités de tous les élus et membres de l’AMI (Association des municipalités pour l’indépendance) qui se sont rendu à la réunion. Le samedi 21 juillet, un groupe, Concert de musiciens pour la liberté, organise des représentations devant la prison de la région du Bages où sont certains des élus catalans. Ils annoncent qu’ils programmeront des concerts devant les prisons tous les dimanches jusqu’à leur sortie. Lundi 23 juillet dans une interview, Josep Alay, historien et accompagnateur de Puigdemont en Finlande (accusé de « complicité »), récemment nommé chef du bureau du président Puigdemont Barcelone a déclaré que « nous cherchons un soutien international sans vouloir des résultats immédiats et publics. C’est un travail à long terme. Je pense que nous sommes dans un bon moment. Le contexte est bon. Nous sommes bien plus connu qu’il y a quelque temps. Et notre combat est beaucoup mieux compris ». Celui qui parle 10 langues et a trois doctorats (physique, philologie et histoire) commente que « le dialogue doit inclure un référendum accordé avec l’État espagnol. La déclaration d’Edimbourg avec Nicola Sturgeon dit exactement ceci : que les problèmes d’autodétermination en Europe doivent être résolus par des méthodes pacifiques et démocratiques. »

> Alà Baylac Ferrer

Contributeur. Maître de conférence à l’Université de Perpignan – Via Domitia (UPVD) en Catalogne du Nord, Alà Baylac Ferrer est spécialiste des langue et culture catalanes. Il est par ailleurs directeur de l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT). [Lire ses articles]