Tresser la natte de l’équité

Quatorze mois après son avènement présidentiel, le citoyen Macron, dépouillé de ses oripeau démagogiques, assume sa vérité politique : le national-républicanisme français « libéral ». Ce qui lui permet d’exercer en France la fonction de gérant loyal de la haute finance planétaire. C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon a pu renforcer sa position de leader d’une gauche dite « radicale ».

Qu’en est-il donc au juste de cette gauche radicale ? Quel avenir nous réserve-t-elle ? On partira pour répondre à cette question de la position clairement affirmée de J-L Mélenchon sur la question de la signature de la charte des langues minoritaires de l’Europe. Interrogé une première fois sur la question dans les années 2010, J-LM avait indiqué qu’il y avait des questions plus urgentes – plus importantes – à traiter. Il avait auparavant, en 2008 au Sénat, qualifié l’École Diwan de « secte ». Poussé dans ses retranchements, il avait rejeté par la suite l’éventualité d’une telle signature en évoquant le pacte républicain sur la langue française et son universalité. C’est donc explicitement qu’il incarnait là la position jacobine classique et qu’il entraînait dans cette voie tout un pan de l’électorat de gauche et d’extrême-gauche.

Le collectif rennais de défense des sans papiers avait quelque peu perturbé l’afflux à son grand meeting électoral Rennes en lui réclamant à voix très haute des précisions sur le flou et des ambiguïtés de ses positions sur l’accueil des migrants. Les militants de France insoumise avaient promis une réponse claire sur ce sujet.

Une première constatation s’impose donc. La gauche radicale dont se réclame Mélenchon assigne au combat pour l’équité deux axes et seulement deux. Encore convient-il de constater que le combat pour l’équité générique vient après le combat social et accuse en France un retard assez considérable. Pris en marche sous l’impulsion des féministes, le combat pour l’équité générique est loin d’être gagné en France, malgré de grandes lutteuses telles que Louise Michel, puis Germaine Tillion et Simone Weil et, plus récemment Françoise Héritier. La durable inégalité salariale hommes/femmes en est le meilleur exemple.

Mais l’idée même d’un combat pour l’équité culturelle ne saurait l’effleurer. Le catéchisme jacobin continue à trancher les têtes fédéralistes même si c’est désormais symboliquement. Ce catéchisme qui reprend le credo des quatre républiques précédentes part du principe que la culture française porte en elle le principe même des droits de l’homme et du citoyen. Que c’est donc une culture universelle et que toutes les cultures présentes sur le sol de l’Hexagone : cultures latines (avec le Corse et l’Occitan), cultures germaniques (avec l’alsacien et le mosellan) culture basque, cultures celtes avec le breton, cultures arabo-berbères (issues de l’émigration) sont des cultures subalternes qui doivent s’effacer devant le français culture dominante et supposée universelle. Toutes ces cultures pour autant qu’elles émergent dans l’école publique, sont actuellement traitées par le mépris, marque suprême de l’ignorance. Il y a là un refus délibéré de tout un corps de connaissances linguistiques qui est la marque de fabrique de la l’idéologie jacobine. Ainsi cette idéologie apparaît pour ce qu’elle est, une entreprise castratrice, où ce qui est exigé des citoyens est l’abandon de leur identité culturelle première. Nombreux les pédagogues internationaux qui voient là une des origines de la faiblesse des collégiens et lycéens français. On sait avec quelle superbe les politiciens français et les haut-fonctionnaires de l’Éducation Nationale traitent ce genre d’appréciation.

Le combat pour l’équité sera le grand combat de ce siècle. Il est est comme une tresse dont aucune des trois touffes ne peut être oubliée, encore moins méprisée : équité générique, équité sociale et équité culturelle. C’est seulement à partir de la qualité de cette tresse que les personnes pourront s’épanouir dans la diversité de leurs formations et de leurs connaissances.

> Gérard Prémel

Gérard Prémel est un vieux militant et un écrivain. Pilier des rencontres islamo-chrétiennes et inter-culturelles de Vieux-Marché, il milite au collectif des personnes sans papiers de rennes ainsi qu’aux amis de l’Algérie.