L’épreuve de mathématiques du baccalauréat en breton : et pourquoi pas eux ?

@ Milio Latimier / Bremañ.

Il y avait du monde, beaucoup de monde, au club de la presse de Rennes ce vendredi, pour soutenir les 15 bacheliers du réseau Diwan qui ont osé braver l’interdit en passant leur épreuve de bac de mathématiques en breton, mais aussi les collégiens (une soixantaine en tout) qui ont passé leur épreuve de sciences et technologie en breton.

Keltia a voulu « commencer par mettre les points sur les i » : « nous n’avons pas été instrumentalisés. Nous avons pris cette initiative nous-mêmes. » Une affirmation confirmée par les trois collégiens à la tribune : « C’était notre choix. Nous avions pensé le faire avant, mais quand nous avons vu le combat des lycéens, cela a confirmé notre souhait. » La seconde affirmation démentie par Keltia était celle du manque de correcteurs. « C’est faux ! Il n’y avait que 15 copies ! Il était tout à fait possible de trouver des correcteurs en mathématiques ». Dernière idée battue en brèche par la jeune lycéenne : « Contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, la langue bretonne ne met pas en danger la langue française. Celle-ci, de notre point de vue, ne fait de mal à personne. C’est d’ailleurs aussi le point de vue du président de la République qui a déclaré à Quimper qu’il ne croyait pas « nous soyons encore au temps où la langue française était menacée par les langues régionales ». Pour Keltia, il ne faut pas inverser les rôles : « le breton n’est pas une langue qui menace, mais plutôt une langue menacée ».

À sa suite, Thomas a expliqué toutes les démarches entreprises depuis le début de la revendication des lycéens. « Malgré nos demandes, le Rectorat refuse de nous entendre », a-t-il déploré. Et de remercier les nombreux soutiens politiques, culturels ou artistiques (Nolwenn Korbell, Alan Stivell, Denez…) qu’ils ont reçu. « Notre pétition a recueilli en une semaine plus de 14000 signatures ! Nous avons également adressé une lettre au défenseur des Droits, Jacques Toubon et Loig Chesnais Girard [président du Conseil régional de Bretagne] en a adressé une à Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale. ».

Ismael enfin a expliqué (d’abord en breton puis en français) comment les lycéens envisageaient de continuer le combat, pour eux, mais aussi pour ceux qui les suivront. « Il y a de plus en plus d’élèves inscrits en breton. Il serait donc normal de voir plus d’examens dans cette langue ». Après tout, comme le rappelait un acteur important de la langue bretonne, « on peut se demander pourquoi maintenir une langue qu’on n’a pas le droit d’écrire (ñ) et qui ne peut être utilisée pour quelque chose de sérieux (examens) ? Mais bon sang tout simplement pour qu’on ait droit de l’écrire et qu’on puisse l’utiliser pour les choses sérieuses ! » Une affirmation que reprend à son compte Ismael : « faire passer des examens en langues dites « régionales » leur donne plus de poids ».

Les résultats ayant eu lieu ce matin, les 15 bacheliers ont pu expliquer que leurs copies ont été corrigées, mais qu’ils ne savent pas réellement dans quelles conditions. « Nous allons demander nos copies pour voir si elles ont bénéficié du même traitement ». Les notes s’échelonnent en effet de 4 à 17. Et si la plupart ont obtenu leur bac malgré des notes faibles en mathématiques, quelques uns sont au rattrapage à cause de cet engagement, d’autres ratent des mentions. Un seulement n’a pas obtenu son bac. « Nous allons continuer, explique Ismael. Nous attendons avec impatience la réponse du Défenseur des Droits et espérons un rendez-vous avec Mme la Rectrice. Des liens ont aussi été pris avec les bacheliers basques des Ikastola pour mener une lutte commune. Enfin, un rendez-vous a été pris avec un avocat de Skoazell Vreizh pour étudier la possibilité de porter l’affaire en justice ». Paul Molac, député de Ploërmel et principal défenseur de la question linguistique à l’Assemblée Nationale, estime que l’action en justice, même si elle a peu de chance d’aboutir est intéressante : « d’abord parce que les lycéens basques peuvent passer leur épreuve de mathématiques en basque, ensuite parce qu’il existe des cas dans d’autres langues, avec l’Abitur par exemple qui permet de passer 50 % des matières en allemand ».

Les collégiens, de leur côté, auront leurs résultats ce soir, mais on sait d’ors et déjà que des inspecteurs sont passés dans les collèges pour vérifier que leurs copies ne soient pas corrigées. Au maximum, ils devraient donc obtenir un 6/50 à leur épreuve du fait que certaines réponses sont compréhensibles.

Une chose est certaine : une nouvelle génération de militants est apparue cette année et cela fait un bien fou ! À noter que demain, samedi, aura lieu une manifestation à Quimper et une à Carhaix.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]