Cachez cette Bretagne que je ne saurais voir 

Bretagne

L’image de la Bretagne attire le touriste et certaines villes de Loire-Atlantique entendent bien en profiter mais sans pour autant relancer la question de la réunification. Numéro d’équilibriste.

« Cachez cette Bretagne que je ne saurais voir ». C’est la phrase qui vient à l’esprit quand on regarde de près ce beau projet de coopération culturelle qu’est la « Traversée moderne d’un vieux pays ». Tout y est pourtant. Une affiche avec une jeune femme à la coiffe bretonne, un site appelé « Voyage en Bretagne ». Mais dans la bouche des édiles, ô combien il est difficile de reconnaître que cet événement culturel, traversant la Haute-Bretagne est breton.

La preuve en image avec Johanna Rolland, maire de Nantes, qui répond ainsi à un journaliste du Télégramme l’interrogeant sur le caractère breton de l’événement : « Notre choix est de casser la logique institutionnelle pour une logique de projet. On n’est pas dans un slogan marketing unique, on veut faire résolument autre chose ». Ces deux phrases ont beau être tout à fait françaises, elles ne veulent clairement rien dire pour toute personne n’ayant pas une licence en novlangue.

Toujours dans le même article, Nathalie Appéré, maire de Rennes « tentera bien de venir à la rescousse de sa collègue et amie Johanna » ajoute le journaliste avant de citer sa réponse : « La Bretagne est importante dans la proposition mais ça ne résume pas [l’offre touristique] ». Merci à nos lectrices et lecteurs de regarder une nouvelle fois l’affiche et de relire cette phrase. Inutile d’en dire plus, vous avez compris.

D’où vient la gêne alors ? Les premières lignes décrivant l’événement l’expliquent, malgré elles : « Quatre villes de l’Ouest se jouent des frontières régionales ». En tentant de déminer la sulfureuse question du découpage territorial, dès l’arrivée du visiteur sur le site, les organisateurs montrent, pour celui qui connaît un tant soit peu la question, qu’il existe un malaise : comment profiter de l’image bretonne de la Loire-Atlantique à des fins touristiques, sans montrer, de fait, que le découpage régional est incohérent car laissant un bout de Bretagne dans une autre région ?

Les organisateurs tentent donc maladroitement la formule « Ouest », de plus en plus utilisé dans la novlangue du marketing territorial. Or, au-delà du mépris qui consiste à désigner un territoire par un point cardinal défini par rapport à Paris, c’est bien un objectif politique qui guide cette stratégie d’évitement du débat sur la réunification de la Bretagne.

Notons que trois des quatre villes organisatrices de cet événement sont dirigées par des maires qui avaient signé une pétition pour le Grand Ouest et contre la Bretagne à cinq départements. Il n’est en effet pas tout dans l’intérêt des métropoles que naisse une région forte qui leur imposerait d’être solidaires du reste du territoire et non de se comporter en petits Paris en région. Si l’intérêt touristique de la Bretagne les intéressent, il n’est donc pas question de relancer le débat sur la réunification.

L’ennui, c’est que le grand écart est de plus en plus visible, et qu’il devient aussi difficile de se cacher derrière son petit doigt que derrière le mot « Ouest ».

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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