Session d’investiture en vue au Parlement de Catalogne

Jordi Sànchez, candidat depuis la prison ?

 

Cette semaine –jeudi 1er mars si aucune autre péripétie ne vient altérer l’ordre du jour– doit se tenir la première réunion du nouveau Parlement de Catalogne qui devrait débattre et voter en session d’investiture le prochain président de l’exécutif catalan, sur fond de tension entre partenaires indépendantistes qui devraient se mettre d’accord au dernier moment sur le ou les candidats à la présidence du nouveau gouvernement.

Les discussions achoppent toujours sur la solution pour concilier le rétablissement du président Carles Puigdemont démis par Madrid et réfugié à Bruxelles avec la désignation d’un président « effectif » qui devrait être en mesure de gouverner à Barcelone.

ERC traine les pieds

Cette fois-ci, c’est ERC –Esquerra Republicana de Catalunya– qui semble traîner les pieds pour soutenir Carles Puigdemont, alors que celui-ci a tout le soutien de Junts per Catalunya (coalition du PDeCat avec des personnalités de la société civile) et de la CUP (Candidatura d’Unitat Popular, -extrême gauche indépendantiste). L’inconnu réside toujours dans le fait que le président en exil ne peut toujours pas se rendre à Barcelone sans risquer d’être arrêté, qu’on ignore s’il sera possible de procéder à une investiture à distance, qu’on ne sait toujours pas si les députés emprisonnés pourront être présents au Parlement.

Présider la Catalogne depuis la prison ?

Tous les jours dans la presse, les partis indiquent « que les négociations vont bon train et qu’elles devraient déboucher sous peu ». Une des perspectives serait que le Parlement légitime le « Molt Honorable President de la Generalitat » (Très Honorable, titre officiel du président du gouvernement, la Generalitat et du Parlement de Catalogne) en exil et lui confie une fonction représentative ou d’exercice de l’autorité gouvernementale dirigée vers la communauté internationale, tout en désignant un vice-président pour traiter des affaires depuis la capitale catalane. Une autre possibilité avancée ces derniers jours est la candidature à la présidence du député emprisonné (et président de l’ANC –Assemblea Nacional Catalana), Jordi Sànchez. Son avocat a d’ores et déjà annoncé qu’il demande sa remise en liberté et l’autorisation d’être présent lors de la séance d’investiture. Il indique qu’en cas de refus des juges, il s’organiserait pour gouverner depuis la prison. Mais quid alors du rôle de Carles Puigdemont. L’ANC devant toutes ces inconnues et ces hésitations a décidé d’appeler les Catalans à manifester le 11 mars prochain pour presser « les forces républicaines d’arriver à un accord », quitte à déconvoquer si celui-ci arrive avant.

Une nouvelle réfugiée politique en Suisse

Quant à l’ex-députée de la CUP Anna Gabriel a ouvert un autre front international contre l’État espagnol en refusant de se rendre à la convocation du tribunal qui l’accuse de rébellion et de sédition et en se réfugiant à Genève d’où elle organise sa défense et pense demander l’asile politique. Le président du Parlement Roger Torrent de son côté fait régulièrement la tournée des prisons pour s’entretenir avec les dirigeants politiques en détention « préventive » depuis bientôt quatre mois et reçoit les critiques quotidiennes des autorités espagnoles pour arborer le ruban jaune de soutien au prisonniers politiques et pour les défendre dans tous ses discours. Quant au roi Philippe VI, en visite à Barcelone, à l’occasion du Mobile World Congress, il a dû essuyer manifestations de rues, casserolades, chansons « anti-monarchiques » et boycott des autorités catalanes (président du Parlement, mairesse de Barcelone).

3 ans et demi de prison pour une chanson insultante pour le roi

Pendant ce temps, la répression politique et les poursuites judiciaires continuent. Un rappeur de Mallorca a été condamné à 3 ans et demi de prison pour insulte à la couronne et incitation à la haine pour les paroles –en catalan– de ses chansons, une galerie d’art de Madrid a retiré les tableaux d’un artiste qui dénonçait les prisonniers politiques et Mireia Boya, l’ancienne députée aranaise de la CUP a dû se rendre devant le tribunal –comme de nombreux responsables politiques, policiers, élus locaux– pour sa participation au référendum et au vote « séditieux » du Parlement. Elle est ressortie libre en ayant défendu devant le juge que la déclaration d’indépendance et la république avaient bien été votées par le Parlement et qu’il ne s’agissait pas d’une proclamation symbolique. L’avion de l’entraîneur catalan Pep Guardiola a été fouillé plusieurs fois par la police lors de son arrivée à Barcelone, les fouilles de véhicules et les contrôles à la frontière et dans les trains, Guardia Civil et militaires en armes à l’appui se poursuivent tous les jours à la recherche de Puigdemont. Lors d’un contrôle policier une personne déguisée en Carles Puigdemont a même été arrêtée.

Une semaine « ordinaire » de politique et d’anormalité institutionnelle en Catalogne et en Espagne, comme beaucoup de Catalans aimeraient ne pas vivre encore trop longtemps.

> Alà Baylac Ferrer

Contributeur. Maître de conférence à l’Université de Perpignan – Via Domitia (UPVD) en Catalogne du Nord, Alà Baylac Ferrer est spécialiste des langue et culture catalanes. Il est par ailleurs directeur de l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT). [Lire ses articles]