À une semaine du scrutin, les nationalistes corses rassemblent !


Tous les sondages les donnent gagnants : la liste Pè a Corsica n’en finit plus d’agréger des soutiens en vue de l’élection territoriale du 3 décembre. Certains logiques, d’autres plus inattendus.

Après quelques hésitations stratégiques, les listes autonomistes et indépendantistes corses se sont finalement entendues pour partir ensembles au premier tour sur un accord de gouvernement autonomiste. Rien de vraiment étonnant étant entendu que la cohabitation durant les deux années au pouvoir à la Collectivité Territoriale s’est bien passée et que le duo Simeoni-Talamoni a bien fonctionné.

Roccu Garoby, président de l’ALE Jeunes et par ailleurs rédacteur occasionnel dans Le Peuple breton constate que « cette année, il n’y a « que » 7 listes (…). En effet après Europe Écologie, c’est la gauche progressiste, autonomiste et socialistes qui apporte son soutien à la liste Pè a Corsica. Que cela se fasse avant le premier tour n’est pas anodin ! C’est une marque de confiance et un signe fort. » Dans un communiqué commun, cette frange de la gauche (comprenant la fédération du PS de Haute-Corse) a apporté son soutien afin de « poursuivre la politique de transformation en profondeur de la Corse engagée il y a à peine deux ans ». Ils se prononcent « sans états d’âme » et « dès le premier tour pour la liste conduite par Gilles Simeoni ». « Faudrait-il foncer tête baissée sur le chiffon rouge d’une soi-disant dérive indépendantiste, agitée par les conservateurs de la droite qui s’assume, comme de celle qui avance masquée, avec comme seule ambition de mettre fin prématurément à une mandature prometteuse ? Faudrait-il que les Progressistes, qui ont, depuis des années, soutenu les réformes des gouvernements de gauche, s’engagent dans les chemins de traverse que leur proposent ceux qui, se réclamant abusivement de la gauche, affichent sans aucune pudeur leur ambition de faire liste commune avec une droite qui a combattu férocement toutes les réformes progressistes depuis plus de 40 ans ? Sûrement pas ! », écrivent-ils encore. En cause la volonté d’une partie de la gauche insulaire de faire, si besoin était, au second tour, barrage aux nationalistes, les reléguant au même rang que le Front national !

Visiblement, la fin des clans semble porter ses fruits politiquement et la base électorale s’élargit pour Gilles Simeoni, le fils d’un des pionniers du nationalisme corse, pionnier qui rappelle régulièrement, lors des journées d’été de Régions et Peuples solidaires, qu’il a « commencé sa carrière politique en engrangeant deux voix » ! Sans préjuger des résultats de dimanche prochain, que de chemin parcouru depuis…

Ce ralliement est aussi une grosse claque pour la liste des communistes et insoumis de Corse qui persiste à croire que le jacobinisme peut triompher sur l’île. D’autant plus quand Jean-Luc Mélenchon lui-même « condamne cette tambouille » et refuse que le nom d’« Insoumis » soit associé à cette liste. Sur son blog, le leader de la France Insoumise en étonnera plus d’un (et nous les premiers tant le grand écart est flagrant) en écrivant : « la diversité institutionnelle de la République est devenue la règle : gouvernement local à Tahiti, collectivité unique en Martinique, collectivité territoriale à Mayotte, congrès du territoire en Nouvelle-Calédonie, le foisonnement marche de pair avec l’insularité. Est-ce si étonnant ? La République est-elle moins unie pour autant ? La République doit rester une et indivisible mais de quelle façon si la façon actuelle ne convient plus à tous ceux qui ont à s’unir ? Le caractère abstrait de la discussion sur ce point butte dorénavant sur une volonté populaire clairement et fortement exprimée par les électeurs de l’île. C’est de cela dont il faut partir si l’on veut prendre les devants et ne pas se préparer une impasse catalane. » Et de poursuivre : « je rencontrerai bientôt les députés autonomistes Corse pour échanger avec eux et comprendre leur démarche. Le sérieux de la situation Corse mérite de ne ménager aucun effort pour comprendre et avancer dans le but de continuer la vie commune. Car ce doit être là la seule obsession. »

Avec un soutien d’une partie de la gauche, voire même – qui sait ! – d’une des figures les plus jacobines de France, on se dit qu’il se passe vraiment quelque chose en Corse !

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]