Dans une interview au quotidien Le Télégramme du 5 octobre, le président du conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, a déclaré que ce qui lui faisait peur avec l’« autonomie », « c’est le rejet de la République ». L’occasion pour Le Peuple breton de faire de la pédagogie sur les termes.
À la question du journaliste du Télégramme Philippe Créhange « la voie de l’autonomie est préférable à l’indépendance ? », le successeur de Jean-Yves Le Drian a déclaré qu’il se méfiait des mots. « Je préfère parler de responsabilité, de partenariat, de contrat. Et le premier des contrats entre un territoire et la Nation, c’est la Constitution ». Or, justement, l’utilisation erronée des mots entraînent des maux… particulièrement pour les militants se réclamant de l’autonomie comme ceux de l’Union démocratique bretonne, souvent vus comme des « factionnistes ». Or, pour leur porte-parole, Nil Caouissin, « l’autonomie n’est absolument pas le rejet de la République, mais bien le rejet de la République « Une et indivisible », du centralisme. L’autonomie consiste, au sein de la République, à faire confiance aux territoires plutôt que de dépendre des décisions de l’État ».
La croyance d’un « État-papa »
On aurait donc apprécié, en tant qu’autonomistes, mais surtout en tant que démocrates, que le président du conseil régional s’empare du sujet catalan pour réclamer une Assemblée de Bretagne en lieu et place d’un conseil régional dont tout le monde sait qu’il n’a pas de pouvoir. L’enjeu était ici et non dans un triste asservissement qui consiste à penser que l’État, c’est papa !
Car l’autonomie est justement un contrat. Un contrat qui s’effectue entre l’État d’une part et les territoires de l’autre. Le premier problème réside donc dans la décentralisation actuelle qui fait des « régions » de simples outils de gestion et non de véritables entités politiques. Une conséquence logique du découpage autoritaire et non-démocratique des régions. Pourquoi l’État refuse obstinément de réunifier la Bretagne ? Parce qu’en le faisant, il reconnaîtrait implicitement l’existence d’un « peuple breton » et donc de son droit à l’autodétermination c’est à dire de décider de son avenir (être dépendant, autonome ou indépendant) par lui-même. Le fantasme sans cesse répété d’un « séparatisme » plane dans les esprits. Pourtant qui dit « peuple » ne dit pas nécessairement « État ».
Ce contrat de confiance entre l’État central et les territoires a été passé en Espagne après le franquisme sous forme d’autonomies afin de « récompenser » les peuples, notamment basques et catalans, ayant combattu la dictature. Au Royaume-Uni, État centralisé également, il a été passé en 1998 avec l’instauration de la dévolution, d’abord en Irlande du Nord et en Écosse puis au pays de Galles. La France reste, elle, arc-boutée sur une vision jacobine, c’est-à-dire extrêmement centralisée et niant toute forme d’alterité sur son sol. Une quasi-exception en Europe. Mais le pire, c’est que la société semble l’accepter.
L’argument constitutionnel ne tient pas
L’Écosse a été « autorisée » à mener un référendum d’autodétermination en 2014 dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas de Constitution et que l’État reconnaît les nations qui le compose. À l’inverse, le roi d’Espagne se drape derrière la Constitution pour refuser le dialogue avec les Catalans sans comprendre que celui-ci a été rompu il y a plusieurs années, quand l’Espagne a rejeté toutes les demandes de fédéralisation de l’État faites par l’exécutif catalan. Mais la Constitution n’est pas un contrat. C’est une règle du jeu élaborée à une période donnée par des groupes d’intérêts particuliers. Mais qui en a définit les règles ? Sauf erreur, le peuple français n’a pas été invitée à rédigé cette Vème Constitution française et c’est bien la raison pour laquelle certaines formations en appellent à une nouvelle constituante. La démocratie, ce n’est pas la loi.
Loïg Chesnais-Girard ne peut donc invoquer la Constitution comme argument politique pour garantir les droits. Pour garantir le Droit oui, mais ce Droit est-il juste ? Après tout, la Justice n’est juste que si les lois le sont. Prenons un seul exemple : depuis 1992, l’article 2 est ainsi rédigé que seule la langue française est la langue de la République. Elle est donc la seule langue officielle. Ce qui prouve deux choses : que la langue française prime sur toutes les autres ce qui inclut donc une hiérarchisation entre les cultures propre au colonialisme et que la nation française s’est construite à force d’assimilation autour de cette langue. Toute autre langue sur le territoire est dès lors perçue comme une « menace » à la République. Elles peuvent vivre, mais cachées dans la sphère privée, pas dans la sphère publique. Si la diversité est une menace, c’est uniquement à cette République « une et indivisible ».
Aujourd’hui, être démocrate suppose de considérer le(s) peuple(s) comme « majeur(s) ». Il ne faut en effet pas être grand clerc pour comprendre que la montée du séparatisme est la résultante d’une crise démocratique en Europe. Quand on prône une Europe des États, quoi de plus logique que chaque peuple revendique le sien ? Ne serait-ce que pour faire entendre sa propre voix. L’Union démocratique bretonne pense encore (naïvement peut-être) que l’État français peut se fédéraliser donc se démocratiser. Pour cela, il ne faut plus « avoir peur », mais bien « faire confiance ».