
Les Kurdes d’Irak étaient appelés aux urnes lundi 25 septembre pour voter sur leur avenir. Réunissant près de 80 % des électeurs, le résultat du scrutin n’est pas encore connu, mais il ne fait aucun doute. Depuis près d’un siècle, les Kurdes militent pour exister par eux-mêmes. Un droit qui leur est refusé par la communauté internationale.
Depuis la chute de Saddam Hussein, le Kurdistan irakien a acquis un statut d’autonomie. Le pays est dirigé depuis plusieurs années par Massoud Barzani (photo), un libéral, chef du parti démocratique du Kurdistan (PDK). Schématiquement, le Kurdistan est non seulement coupé en quatre, mais il est aussi politiquement divisé entre d’une part les partisans de Barzani et d’autre part les partisans d’Abdullah Ocalan, le révolutionnaire enfermé sur l’île-prison d’Imrali depuis 1999. Cette division n’est pas seulement théorique, elle est aussi politique puisque Barzani n’apprécie pas beaucoup la présence des YPG, les forces d’autodéfense kurdes de Turquie et de Syrie, sur « son » territoire. Barzani est favorable à une indépendance du Kurdistan du sud (en Irak), Ocalan développe lui une idée plus fédéraliste qui ferait fi des États.
En organisant un référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien, Massoud Barzani joue une carte individuelle, profitant sans doute de la notoriété internationale des « Peshmergas » dont la presse a vanté les prouesses contre l’État islamique. Hélas, les États-Unis n’ont que faire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et ont très vite réagi négativement à cette initiative organisée, il faut l’avouer, rapidement et sans concertation (ces derniers craignent une déstabilisation de l’Irak ce qui prête à sourire quand on sait qui a déclenché le dernier conflit). France 24 ajoute que « les pays de la région justement – Turquie, la Syrie et l’Iran, trois pays comptant des minorités kurdes – rejettent vigoureusement le scrutin. Pour Ankara, Damas ou Téhéran, le risque est clair : que ce scrutin fasse tâche d’huile et que la carte de la région, dessinée après la Première guerre mondiale sur les dépouilles de l’Empire ottoman, ne soit redessinée. »
Les États frontaliers en place, bien sûr, refusent ce scrutin de peur de se voir eux-mêmes amputer à terme une partie de « leur » territoire où vivent majoritairement des Kurdes. Et pourtant, il est indéniable que ces frontières dessinées après la Première guerre mondiale sont l’un des enjeux majeurs au Moyen Orient. Héritées des puissances impériales française et anglaise, les frontières de l’Irak et de la Syrie ont été gravées dans le marbre alors qu’elles n’ont aucune pertinence. Elles ne reposent sur aucun « territoire vécu », mais sur un marchandage entre deux ex-grandes puissances. Les dirigeants arabes qui ont hérité de ces États les ont dirigé sans égard pour les « minorités » qui y vivaient. Or, au total, les Kurdes sont tout de même 45 millions…
Quoi qu’il en soit, Massoud Barzani a affirmé qu’il ne déclarerait pas l’indépendance dès l’issue du référendum. Il envisage plutôt le résultat comme un mandat donné pour négocier avec le gouvernement irakien.