14 mars 1793 – Manifeste de 21 paroisses bretonnes insurgées

Ce manifeste est un témoignage trop méconnu sur ce qu’était, au cœur de la période révolutionnaire, l’état d’esprit de nombre de communes rurales bretonnes qu’on imagine trop souvent comme manipulées par la noblesse et le clergé.

Ce document rédigé le 14 mars 1793 par les représentants de 21 communes de la région de Saint-Étienne-de-Montluc, dans la Loire-Atlantique, a été publié par l’historien Yves-Marie Bercé dans Croquants et nu-pieds en 1974 et que le Pr Roger Dupuy, historien qui a enseigné à l’Université de Rennes 2, qualifie « d’un des documents les plus incroyablement « inexistants » dans le débat historique ». La partie essentielle du texte est reproduite par l’historien allemand Wolfgang Geiger, dans « Paris accapareur – pour une déparisianisation de la Révolution française ». Je la reproduis ci-dessous :

« Vingt-et-une paroisses rassemblées dans le territoire et dans les environs de Saint-Étienne-de-Montluc, désirant entretenir paix et fraternité avec tous les habitants des autres départements, ont forcé le citoyen Gaudin-Bérillais d’être leur conciliateur et demandant conciliation avec leurs frères de Nantes aux conditions suivantes :

. que jamais et sous quelque forme que ce soit, aucun tirage de milice ne sera proposé, ni aucune espèce de corvée quelconque,

. Qu’il ne sera jamais pris de chevaux, ni autres bestiaux, ou comestibles, à qui que ce soit, que de gré à gré avec les propriétaires qui voudront bien les vendre ».

C’est tout, c’est simple. Mais cela bat sérieusement en brèche les simplifications d’inspiration jacobine qui caricaturent à l’envi les ruraux bretons révoltés comme les produits bornés d’un bocage qui le tiendrait en dehors de la modernité.

Le monde rural s’est senti méprisé et pris comme réquisitionnable à merci : fournisseur de denrées, de montures ou de service militaire ! Le passage à la trappe de la redistribution des terres grâce à une politique de vente des biens nationaux les réservant de fait aux bourgeois citadins n’a rien arrangé, et pas davantage les assignats, dont la valeur artificielle a favorisé les consommateurs urbains au détriment des producteurs.

L’incompréhension entre Nantes et son environnement rural ne relève pas d’une incapacité des ruraux à comprendre la Révolution, mais bien de la parfaite compréhension de sa confiscation au profit d’une nouvelle classe, qui sera elle-même largement évincée par la bourgeoisie à prétention nationale s’assurant le pouvoir à Paris et celui de Paris.

> Michel FRANCOIS

Michel François habite Saint-Herblain où il fut élu municipal de 2004 à 2012. Pilier de l'UDB en Loire-Atlantique, il écrit régulièrement sur son blog: http://stervlan-mf.over-blog.com/