Faut-il inviter tous les candidats sur un plateau de télévision ? Lors de chaque élection, le débat est relancé et suscite des frustrations. Cinq des neufs candidats de la circonscription de Lorient inauguraient ce dimanche sur France 3 une série de débats sur différents thèmes. Aujourd’hui, « Mon député, et l’Europe ». Mais ni les communistes, ni EELV, ni – bien évidemment – le candidat de Oui la Bretagne / UDB sur cette circonscription, Gael Briand, n’étaient invités. Ce dernier réagit.
On comprend aisément la difficulté qui consiste à inviter l’ensemble des candidats sur un plateau de télévision. L’expérience du deuxième débat présidentiel a pourtant démontré qu’un débat réunissant onze candidats était tout à fait possible et qu’il était souvent plus riche que lorsque le média les pré-sélectionnait. Qu’un organe de presse privé (comme Ouest-France ou Le Télégramme) choisisse de favoriser tel ou tel candidat peut-être compréhensible (même si c’est tout aussi frustrant), mais quand une télévision publique comme France 3 n’invite qu’une partie des candidats, on est en droit de se demander ce qui motive les choix de la rédaction ? C’est justement ce que j’ai voulu savoir auprès de Robin Durand, l’animateur de génération politique.
À l’aune de cette réponse, d’autres questions se posent : la télévision « régionale » existe-t-elle ou n’est-elle qu’un décrochage parisien ? Faut-il avoir un porte-parole à Paris pour mériter d’être invité sur un plateau-télévision ? Suivant cette logique, Christian Troadec, principal challenger du député sortant sur la circonscription de Carhaix-Chateaulin, sera-t-il invité ? Pourquoi un candidat de Oui la Bretagne, quatrième liste aux dernières régionales, n’est-il pas invité sur le plateau ? Et enfin et surtout, y-a-t-il des contributeurs de la redevance télévision qui valent plus que d’autres ?
Une telle tribune peut être perçue de deux manières : soit elle apparaît comme la réaction d’un mauvais perdant (ou considéré comme tel), soit comme l’occasion de poser de nouvelles questions politiques et d’aborder le rôle des médias dans l’élection, ou non, d’un député. C’est sous cet angle que j’aimerais attirer l’attention. Car contrairement à ce que dit M. Durand, la crédibilité se forge justement grâce aux médias. Ce sont eux, par leurs choix de pré-selection, qui déterminent qui sont les candidats en mesure de gagner ou non. Sociologiquement, on sait pertinemment qu’un candidat qui est déclaré perdant d’avance n’est pas élu, n’a aucune chance de l’être. Les électeurs veulent que leur vote soit « utile » et chercheront toujours – sauf bien sûr les convaincus – à favoriser le moins pire des bons candidats. Combien d’électeurs potentiels de Philippe Poutou ont voté Jean-Luc Mélenchon pour le voir arriver au second tour ? Combien d’électeurs potentiel de Benoit Hamon ont voté Emmanuel Macron pour le voir se qualifier ?
Le choix, en 1964, de créer Le Peuple breton partait du constat qu’il serait difficile pour l’UDB d’accéder à la presse. Visiblement, ce constat est toujours valable 53 ans plus tard. Cet épiphénomène médiatique est symptomatique de la centralisation française et de la nationalisation des débats. Bien sûr, il était question ce dimanche matin de sujets locaux et il n’est pas question ici de la pertinence ou non des réponses apportées par les candidats sur le plateau. Mais les questions ont toutes été traitées par des candidats ayant des analyses hexagonales. Le résultat, c’est qu’aucun candidat n’a défendu une Europe fédérale, aucun candidat n’a parlé de son fonctionnement étatisé, aucun n’a abordé la question de la probable future indépendance de l’Écosse qui pourrait rebattre les cartes, y compris sur le volet pêche, aucun n’a évoqué le problème très français de non-distinction de la nationalité et de la citoyenneté… En choisissant les candidats, les médias se privent donc d’analyses différentes et surtout en privent leurs téléspectateurs. J’espère simplement que mes collègues des autres circonscriptions seront mieux traités.