[note de la rédaction : ce billet n’est absolument pas la position de l’UDB. Il s’agit d’une réflexion publiée en « Point de vue » et permettant de susciter le débat.]
Après un mauvais feuilleton, le corps électoral de gauche se réveille une fois encore insatisfait de son vote « utile », mais persuadé d’avoir éviter le pire (Fillon-Le Pen)… et de fait, le meilleur aussi si tant est qu’on ait pu trouver un « bon » candidat durant cette campagne. Dans les bars, hier soir, aucun cri, aucune surprise : c’était un vote attendu, annoncé depuis longtemps.
Visiblement, ni le Brexit, ni le vote Trump n’ont servi de leçon puisqu’une partie de la France (et une grosse partie de la Bretagne) continue de croire que le libéralisme est la « normalité » et que vouloir en sortir, c’est être fou. Et pire encore : ceux qui votent pour en sortir nous ressorte le vieux nationalisme, la cocarde tricolore, comme un grigri qui nous protégerait du mal. Du libéralisme ou du nationalisme, il faut donc choisir son camp ? Voilà où mène les petites phrases et la dépolitisation de la société.
Le premier tour de l’élection présidentielle est donc passé et les lapidations ont commencé. Les grands démocrates accusent ceux qui ne pensent pas comme eux d’avoir voté ce qu’ils ont voté ou – pire – de n’avoir pas voté quand eux-mêmes l’ont fait, bien souvent, par tactique électorale. La culpabilisation bat son plein et suscite encore plus de haine chez ceux qui ne se sentent, après tout, pas plus mauvais que les autres. Qu’elle est belle notre démocratie qui blâme les électeurs de ne plus suivre ceux qui ont décidé des règles sans eux ?
Quand Emmanuel Macron se targue d’avoir changé le visage électoral de la République, l’envie me prend de lui répondre « t’emballe pas ! ». Effectivement, les Républicains et le PS sont (provisoirement) à terre. Mais en cassant (à première vue) le bipartisme, ne nous dirige-t-il pas vers un modèle « à l’américaine » ? Le show continue… mais a-t-il regardé les cartes électorales ? A-t-il compris la signification de son vote ? Et plus encore de celui de son adversaire ? C’est loin d’être sûr. On me rétorquera que je devrais sûrement m’étendre sur le cas de Marine Le Pen, mais c’est un exercice perdu d’avance : comment peut-on résorber une fracture en l’ouvrant davantage ?
Mon con à moi, c’est le national-libéral. Du coup, ça me paraît compliqué de choisir. Le titre du communiqué de l’UDB « deux menaces, une urgence » me semble poser le débat. Quand je veux éteindre un feu, quel est le plus efficace ? Mettre de l’huile dessus en espérant en répandre tellement que les flammes étouffent ou souffler sur les braises en espérant qu’un bon coup de vent l’éteigne ? En votant pour Emmanuel Macron, j’aurais l’impression de remettre une pièce dans le jukebox. Si je la mets, je dois être sûr que la chanson soit la dernière.
Je veux bien entendre les leçons des électeurs qui résument la démocratie au vote, passent dans l’isoloir lors de chaque élection ou presque (puisque visiblement, certaines élections valent plus que d’autres) comme on irait à confesse. Mais j’aimerais bien savoir où était les X millions de votants de gauche (chacun définissant ce qu’est la gauche) quand il a fallu manifester contre la loi travail ? Quand il faut soutenir les ouvriers de l’agroalimentaire en grève ? Et quand les paysans ont manifesté contre l’écotaxe, ont-ils écouté leur revendication ou, dogmatiquement, ont-ils estimé qu’ils avaient tort ? Où étaient-ils quand nous allions écouter les votants FN après les européennes ? Je n’ai pas la prétention de faire la leçon moi non plus, je l’ai suffisamment fait et je ne suis pas exemplaire. J’ose simplement espérer que cette fois, on ne se contentera pas de dire « jusqu’ici, tout va bien »… Que m’importe les chanteurs engagés qui écrivent un tube pour dire « plus jamais ça » (et bah si !) ou les bande-dessinées superbes qui dénoncent la peste brune. Je préfère l’action quotidienne de celui qui écoute l’autre, qui complexifie son discours en allant voir celui qu’il critique, que celui qui est convaincu de détenir la bonne parole.
Gilbert Collard, avec un vocabulaire grossier et une haine manifeste, n’en avait pas moins raison quand il répondait hier à France 2 que le FN se moque des ralliements. C’est que Marine Le Pen parle aux électeurs et non aux partis ! Les consignes de vote des partis ne servent qu’à se positionner et à justifier auprès des autres qu’on est bien dans le « bon » camp. Hélas, le silence s’entend et quiconque participe au jeu est sommé de se positionner. De bien se positionner. Emmanuel Macron veut des électeurs : n’est-ce pas de sa responsabilité d’aller les chercher ? S’il veut gagner cette présidentielle, il lui faut convaincre, pas stigmatiser. Pas sûr que le libéralisme soit extrêmement convaincant. À lui donc de donner des gages. S’il n’est pas stupide, il gagnera cette élection.
Et puisque nous sommes intelligents, nous n’oublierons pas qu’après la présidentielle, on vote pour les législatives ! Et qu’un vote intelligent, c’est un vote de conviction, pas un vote tactique.