À Rennes 2 s’est tenue hier une conférence de trois heures sur le mouvement breton en présence de quatre intervenants. Chacun d’eux, par une approche différente, a abordé ce sujet dans le cadre de la semaine bretonne organisée par la BDE Kejadenn.
Le premier intervenant, Ronan le Coadic, sociologue de l’Université a invité à une « méditation de pleine conscience sur le mouvement breton ». Loin de vouloir faire polémique ou un quelconque prosélytisme, le chercheur a discuté autour de cette question : comment comprendre l’échec du mouvement politique breton ? À partir des comparaisons avec l’exemple écossais ou catalan et en redéfinissant les termes de nationalisme, souvent simplifiés sinon déformés, Ronan le Coadic a retracé l’histoire politique breton. Par ailleurs, le curseur a été pointé sur des mouvements qui ont réussi à s’implanter tel que le communisme dans certains lieux de Bretagne au début du 20e siècle. En témoigne l’un des premiers maires communistes de France que fut celui de Douarnenez en 1921 : Sébastien Velly. L’occasion de s’intéresser aussi à la monté du Front National depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui en France, y compris en Bretagne dans une certaine mesure. Pour expliquer en partie ce phénomène, Ronan Le Coadic explique que le FN a su « glisser ses problématiques aux problématiques des français ». L’autre tactique voulue par le fondateur du parti d’extrême droite fut « la provocation pour attirer les médias ainsi que la simplification des messages. » Enfin, le cas des nationalistes corses a lui aussi été traité. Ces derniers ont su gagner les élections depuis plusieurs années, notamment les dernières en décembre 2015. L’intervention amena aussi aux réflexions sur le plafond de verre médiatique existant qu’a subi le mouvement politique breton, encore aujourd’hui si on y réfléchit bien. Plafond de verre médiatique qui, même s’il est franchi, comme ce fut le cas lors de la révolte des bonnets rouges en 2013, doit être confronté « aux grilles de lecture politique et culturelle dominant » à savoir parisiennes. Pour continuer, furent exposées les stratégies et comportements des divers Emsav dont l’usage de la violence dans certains cas, d’une part lors de la seconde guerre mondiale puis lors des attentats du FLB-ARB après-guerre.
Le deuxième intervenant, Gwenvael Jéquel (s’exprimant en son propre nom), expliqua son expérience au sein de la mouvance indépendantiste de gauche avec Emgan puis Breizistance. L’autre combat dont il parla fut celui du mouvement culturel qui apporta bon nombre d’avancées que ce soit avec les panneaux bilingues avec Stourm ar brezhoneg ou encore Skol an Emsav dans l’apprentissage du breton.
En troisième intervenant, un ancien membre du Front de Libération de la Bretagne témoigna pour la première fois à un public de son expérience. Il fut l’un des 1ers condamnés, l’un des plus jeunes militants du FLB. Difficile de parler de cette période sinon par les témoignages puisqu’il n’y a pas encore d’accès aux archives. Pour l’intervenant, ce mouvement de lutte armée a connu différents visages et aspects organisationnels. Structuré depuis l’Irlande au départ, qui était une véritable organisation, le FLB s’acheva dans les années 70. Pour qualifier le FLB, il employa le terme de « terrorisme souriant ». En effet, le FLB « s’attaquait à des signes symboliques » : caserne de CRS à Saint-Brieuc ou de gendarmerie à Saint-Malo, des banques ou encore des bulldozers concernant la destruction des talus. Le FLB jouissait d’une relativement bonne image car il n’y avait pas de terreur derrière. En 2000, l’attentat de Quévert changea la donne avec la mort d’une personne, arrêtant définitivement la lutte armée en Bretagne.
À la suite de ce témoignage, Alan Le Cloarec, diplômé de science-politique, a conclu la conférence sur les mouvements de luttes culturelles et politiques émergeant au 21ème siècle et sur l’évolution de ces combats qui gardent une certaine violence. Le cas des mouvements de désobéissance civile comme Ai’ta ou le collectif 44=BZH ont été eux aussi évoqué.