Les prud’homies ou l’autogestion des pêcheurs en Méditerranée

Prud'homie

Le festival Pêcheurs du monde se poursuit et les films défilent. Ce matin, il était notamment question d’un film intitulé « Prud’homie des pêcheurs » et qui a été réalisé par Valérie Cibot et Michel Coqblin à Gruissan et Palavas. Un modèle d’organisation très ancien et qui perdure.

Le système de prud’homie n’est pas considéré comme un syndicat, ni comme une association. C’est une « communauté de pêcheurs », héritage du Moyen Age en Provence. Basées sur la confiance et le respect, ces prud’homies sont un système d’autogestion, mais aussi d’auto-contrôle, permettant aux pêcheurs eux-mêmes de gérer la ressource et de se partager le produit de la pêche sans passer par l’autorité étatique (préfet maritime en l’occurrence). Les difficultés sont légions, mais les pêcheurs, responsables, ont l’habitude de se mettre autour d’une table pour discuter et trouver des solutions. Évidemment, ce système ne repose que sur la confiance et suppose que tout le monde joue le jeu. En conséquence, ces prud’homies reprochent parfois à l’État de ne pas lutter contre le braconnage, d’anguilles notamment. Cependant, le rôle des prud’homies comprend aussi un aspect juridictionnel et il leur est permis de prononcer des sanctions. Reste qu’il est parfois difficile d’exercer son métier et de jouer la police ! Pour Elisabeth Tempier, spécialiste de la question des prud’homies de pêche présente dans la salle, « Gruissan est le modèle par excellence. Ils vont même jusqu’à lancer un barrage communautaire [ndlr : pêcher ensemble]. Pour Palavas, c’est plus complexe : il y a beaucoup d’étangs dispersés. »

Ce film « Prud’homie des pêcheurs » est intéressant à plusieurs titres : d’abord, il explique le fonctionnement au quotidien de ces communautés de pêcheurs, mais il prouve également qu’en faisant confiance aux acteurs locaux, les solutions sont là ! En témoigne le projet de ces pêcheurs d’anguilles de monter une coopérative leur permettant de valoriser leurs produits. Plus important encore, selon Elisabeth Tempier, « il n’y a pas de logique de compétitivité. La prud’homie partage entre les pêcheurs avec pour objectif de faire vivre la communauté dans le temps ».

Un film utile donc pour la cause autonomiste. Elle prouve, une fois de plus, que l’État n’est pas l’alpha et l’oméga d’une politique efficace. Et que des professionnels auto-organisés peuvent parfois régler leur problème en dehors des circuits administratifs pesants et chronophages.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]