Encore une zone d’activité au Mourillon !

Carte de Lorient Bretagne Sud Tourisme.

Le pays de Lorient compte l’une des pires entrées de ville de toute la Bretagne. D’Hennebont à Quéven en passant par Lanester, les zones d’activités s’étendent sur plusieurs kilomètres et offrent un paysage banalisé, comptant toutes les grandes enseignes visibles partout ailleurs. Dans le même temps, les centre-villes souffrent… mais Lorient Agglomération ne semble pas faire de corrélation entre les deux phénomènes ! Un projet d’extension de la zone de la Croix du Mourillon, entre Quéven et Lorient, est même en cours…

27 hectares. C’est la surface supplémentaire qui risque d’être artificialisée d’ici peu (l’enquête publique termine le 15 mars). Par délibération en date du 29 mars 2016, le conseil de Lorient Agglo a voté la création de la ZAC de la Croix du Mourillon ayant pour vocation d’accueillir « des industries du secteur de l’agro-alimentaire, des petites industries et des services aux entreprises ». Cette zone étant située près de l’aéroport et de la voie express, l’agglomération parie sur l’attrait de nouvelles entreprises. Lesquelles ? L’histoire ne le dit pas. Comme d’habitude, le pays de Lorient se contente de s’insérer dans la compétition entre les villes, sans imaginer une stratégie économique de territoire claire.

Plusieurs associations de protection de l’environnement se sont déjà saisies du dossier, mais également des agriculteurs de Quéven, Ploemeur et Lorient. L’autorité environnementale régionale a d’ailleurs remis le 18 janvier 2016 un désaveu clair de ce projet. Les terres concernées, affectées aujourd’hui à l’agriculture, sont riches et l’artificialisation ne permettrait bien sûr plus leur exploitation. Pour Michel Hado (association ID’actes) et Marie-France Normant (Larmor Autrement), qui ont rédigé un dossier sur ce projet, cette extension « vient en contradiction des engagements pris, à tous les niveaux, de lutte contre l’étalement urbain, d’une part et de préservation de la zone agricole péri-urbaine d’autre-part. » Ils poursuivent : « Le SCOT du Pays de Lorient (fiche 22 …), de même que la charte de l’agriculture proclament l’importance de l’agriculture périurbaine et s’engagent à sauvegarder ces espaces. En matière de compensation, alors que Lorient Agglo s’engageait à compenser, en terres, les agriculteurs expropriés, il s’avère qu’elle n’en dispose d’aucune (alors que la nouvelle vocation de ces terres a été décidée en 2010) » arguent-ils.  Une politique incohérente quand on pense que plusieurs communes de l’agglomération ont misé, justement, sur l’approvisionnement des cantines scolaires en circuits courts ce qui est extrêmement positif.

Cette nouvelle « zone » est proposée alors même que l’on constate un accroissement des friches industrielles dans les zones existantes. « Le rapport de présentation lui-même avance le chiffre de 32 ha immédiatement réutilisables dans les zones actuelles », notent Michel Hado et Marie-France Normant. Visiblement, il aurait été répondu à cet argumentaire que le coût de réutilisation du foncier déjà urbanisé serait plus important. C’est peut-être vrai à court terme, mais quid du coût de l’artificialisation croissante pour la collectivité ?

La fainéantise intellectuelle qui consiste à dire que « les zones d’activités créent de l’emploi » ne fait pas le poids face au bilan de ces dernières décennies en matière de foncier commercial dans les villes moyennes : ces zones d’activité ont en effet profondément modifié les pratiques d’achat et de déplacement en marginalisant les plus faibles, c’est-à-dire les moins mobiles. Qui plus est, les commerces de proximité dans les quartiers ont périclité à mesure que les grandes surfaces s’agrandissaient. Cela, n’importe quel lorientais peut le constater. Tant que cette fuite en avant ne sera pas stoppée, il est illusoire de vouloir redynamiser les villes moyennes et en l’occurrence les centre-villes de Lorient et Lanester.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]