Le Parlement européen a ratifié le 16 février dernier le traité de libre-échange UE-Canada. Ce traité prévoit une baisse des droits de douane et une simplification des procédures administratives. Pour ses défenseurs, dont le gouvernement français, on nous promet des lendemains qui chantent grâce au développement du commerce transatlantique. Le CETA devra ensuite être ratifié par les parlements des États-nations.
Pour Matthias Fekl, Secrétaire d’État au commerce extérieur, en charge des négociations pour la France, le CETA serait un accord équilibré, à la différence du projet d’accord avec les États-Unis (le TAFTA). Matthias Fekl vient de rallier Benoit Hamon qui s’oppose au CETA et autre TAFTA., ce qui peut laisser augurer une prochaine ambiguïté de la part du candidat socialiste sur la question du CETA.
Cet accord « équilibré » promet une augmentation de 25% des échanges entre le Canada et l’Union européenne soit 12 milliards de PIB en plus… sur les 14 600 milliards actuels. L’accord porte donc sur une augmentation marginale sachant qu’une étude indépendante du Centre Canadien de Politiques Alternatives propose des conclusions se situant aux antipodes des promoteurs du CETA : perte de revenu global entre 8,5 et 46 milliards de dollars canadiens et suppressions d’emplois allant de 28 000 à 152 400 selon les modèles pour le Canada – aucun chiffre n’est cependant donné pour l’UE ou pour les territoires infra comme la Bretagne.
L’équilibre de cet accord peut donc être questionné en étant conscient qu’aucune étude n’a porté sur les variations territoriales d’éventuels bienfaits pour l’ensemble des territoires. En clair, l’hyper-concentration française pourrait peut-être bénéficier de l’augmentation des flux économiques en creusant encore davantage les inégalités territoriales françaises.
Le principal point d’inquiétude concernant cet accord est le risque de convergence des normes vers le bas par des évolution successives à attendre de jurisprudences d’un tribunal d’arbitrage privé. Ce système d’arbitrage permettra aux multinationales d’attaquer les institutions nationales et régionales si elles se sentent discriminées ou lésées du fait de législations sur – par exemple – la santé, les normes sociales ou environnementales qu’elles jugeraient contraignantes. À titre d’exemple, que se passera-t-il quand les multinationales Bayer ou Monsanto attaqueront l’Europe pour entrave à leur développement ? Un arbitrage par des cabinets d’avocats internationaux, dont le risque de conflit d’intérêt n’est pas bordé, permettra-t-il d’arriver à des jugements respectueux de l’intérêt général ? On peut d’ors et déjà en douter.
Le CETA prévoit aussi une multiplication par près de dix des quotas de viande bovine et porcine et une fragilisation des AOC qui ne seront que 143 à être protégées dans le cadre de ce traité, contre 1400 en tout existant en Europe. Pour la Bretagne dont le modèle productiviste nécessite des transformations mais aussi du temps pour s’adapter, ce nouvel accord pourrait être un accélérateur de la crise des filières avicole, porcine ou laitière. Il ne laissera pas la place à des politiques alternatives mettant en avant les filières bio, les circuits courts, adaptés à nos réseaux de villes moyennes.
L’intérêt général, les services publics, le développement de politiques ambitieuses en matière d’environnement ou de lutte contre les inégalités passe par une régulation forte du marché, et donc d’un encadrement des principes du libre-échange. La promotion d’un libre-échange « loyal » (dixit M. Ozdemir, leader des Verts allemands) ressemble à un pauvre oxymore, le libre-échange non-régulé accompagne toujours l’accroissement des inégalités, notamment territoriales. La Bretagne et les autres territoires périphériques européens seront une fois de plus hors-jeu, leurs spécificités niées et combattues et seul comptera l’intérêt des mégapoles européennes, en premier lieu la mégapole parisienne. La subsidiarité qui était un des principes forts de la construction européenne semble très loin des aspirations des parlementaires européens.