
Pour l’élection présidentielle, l’UDB soutient un candidat plutôt sceptique sur la croissance économique. Le Peuple breton donne la parole au porte-parole de l’Union démocratique bretonne, Nil Caouissin, sur ce thème pour en savoir plus.
Le Peuple breton : Sur le site de campagne de Christian Troadec, on peut lire qu’« un taux de croissance ne suffit pas et ne veut plus rien dire lorsqu’il laisse des millions de personnes sans ressources. » N’y a-t-il pas là un décalage avec l’état d’esprit des électeurs, préoccupés par le chômage ? Les candidats en tête des sondages proposent tous de relancer la croissance…
Nil Caouissin : Souvenons-nous du programme économique de François Hollande en 2012 : il était fondé sur une courbe, celle de la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) de la France, qui aurait dû commencer à remonter peu après son élection et continuer à progresser jusqu’en 2017. Recettes fiscales en hausse, réduction du chômage, tout irait pour le mieux.
Bien évidemment, rien de tel ne s’est produit et le « retour de la croissance » est arrivé, timidement, en fin de mandat. François Hollande n’a pas plus maîtrisé la croissance que ne l’avait fait Nicolas Sarkozy (qui avait promis d’« aller chercher la croissance avec les dents »). De quoi nous vacciner contre les programmes basés sur une accélération de la croissance. Il y a tellement de paramètres, tellement de place pour les facteurs psychologiques, les accidents, l’inattendu, que la croissance économique est tout simplement imprévisible.
Manuel Valls justifie pourtant son programme par une « prévision de croissance » de 1,9 %/an. Pure pensée magique. Cette « prévision » est possible, mais aucune assurance n’existe. Un candidat sérieux et honnête baserait son programme économique sur une croissance 0 et proposerait différents scenarii en cas de croissance ou de récession. Mais non ! La seule possibilité envisagée est pour beaucoup le retour de la croissance : de gauche à droite, des candidats aussi différents et opposés que Macron, Fillon, Valls ou Montebourg (liste non exhaustive) font de la relance de la croissance leur priorité. Autant dire qu’ils bâtissent leurs programmes sur des sables mouvants.
Dans le fond, pourquoi y tiennent-ils autant ? Le PIB est après tout un indice fourre-tout, qui mélange des activités économiques très différentes les unes des autres. Sa croissance n’indique pas forcément un progrès social, plus de bien-être… elle peut se traduire par plus d’inégalités, des atteintes à l’environnement ou à la santé. Ce que montre un PIB en croissance, c’est en gros qu’on « produit plus » (sans préciser ni de quoi ni comment, ni encore moins pourquoi).
Produire est pourtant une nécessité…
C’est bien là le problème. Compte tenu de l’innovation technologique, qui engendre des gains de productivité, il faut globalement de moins en moins de temps travail humain pour produire des biens ou des services. Autant dire qu’avec une production stable et des gains de productivité, il y a « moins de travail ». Avec une croissance 0, un PIB stable, et des gains de productivité, l’emploi tend à reculer. D’où le besoin d’une croissance permanente. Seulement, nous savons que la croissance n’est ni permanente ni prévisible avec certitude. Nous savons aussi que « produire plus » entre souvent en contradiction avec la nécessité d’économiser de l’énergie et de la matière première (nécessité impérieuse pour la survie de l’humanité).
Des candidats réalistes choisiraient donc la seule autre solution : compte tenu de la moindre demande en travail humain, réduire non le taux d’emploi, mais le temps de travail. Ainsi les gains de productivité constitueraient un progrès pour tous les travailleurs, au lieu d’engendrer du chômage et une recherche effrénée de croissance. Les 35 heures sont la dernière grande réforme à avoir fait reculer sérieusement le chômage. Elle n’a cessé depuis 10 ans d’être détricotée. Le dernier accroc en date a été amené par la « Loi travail ».
Comment mettre en place une telle politique ?
Sans doute les 35 heures avaient-elles été mise en place avec maladresse, et trop de rigidités, notamment pour les plus petites entreprises. Mais il n’en reste pas moins que le principe était le bon. Le rétablissement des 35 heures, le passage aux 32 heures ou à la semaine de quatre jours, sont autant de pistes qui permettraient de lutter efficacement contre le chômage. Une autre piste, bien sûr, est à chercher du côté de la concurrence internationale. Tant que le marché européen restera ouvert aux quatre vents, une partie des emplois (notamment industriels) continuera à être délocalisée dans des pays pratiquant le dumping fiscal, social ou environnemental. Le protectionnisme ne doit pas être un tabou à condition qu’il se fasse à l’échelle européenne. Il doit être défini par des critères clairs, visant à rééquilibrer des distorsions de concurrence liées aux différences de niveaux de protections sociale, de règles sanitaires ou écologiques…
Les « favoris » de l’élection présidentielle préfèrent pour l’instant rêver d’un retour de la croissance, qui en promettant une relance par l’investissement public, qui en promettant des baisses de prélèvements ou un moins-disant réglementaire et social. Ces perspectives correspondent mieux à l’idéologie qu’on leur a inculquée. Mais elle ne sont pas sérieuses. En matière d’économie, les favoris des sondages jouent au loto !