Alors que les eaux des États européens sont mises en commun et gérées par l’Union européenne depuis les années 1970, les pêcheries bretonnes sont menacées par le Brexit si tant est que le Royaume-Uni décide de renationaliser ses eaux.
L’Europe bleue est née durant les années d’après-guerre, lorsque la mise en commun des eaux communautaires a eu lieu. Les flottes de pêche françaises, mais également espagnoles, flottes essentiellement industrielles, ont mis en coupe réglée les stocks de poissons au large des côtes écossaises, irlandaises, galloises, cornouaillaises. La crise pétrolière n’a fait que renforcer ce processus puisque les armements lorientais par exemple, pour se rapprocher des zones de pêche et économiser du carburant, ont mis en place les bases avancées en Écosse (Lochinver), au Pays de Galles (Milfordhaven) avec rapatriement des pêches par caboteurs mais surtout par camions frigorifiques.
Les pêcheurs écossais au moment de l’arrivée des grands chalutiers industriels ont barré leurs ports pour empêcher leur accostage et le débarquement du poisson. Ils ne voulaient pas que les stocks de poissons au large de leurs côtes soient bradés sans que cela ne rapporte quoi que ce soit à l’Écosse. Les armements bretons, de leur côté, parlent de droits historiques du fait que les zones de pêche ont été découvertes et exploitées par les marins bretons. Les Irlandais, Écossais ou Gallois ont toujours péché, mais plus dans la bande des 6 milles que dans celle des 6 à 12 miles.
Résultat, aujourd’hui, les navires bretons comptent environ 50 % de leur activité dans les eaux du Royaume Uni et un tiers de la valeur débarquée provient de ces eaux pour les ports du Guivinec, de Roscoff, d’Erquy, de Lorient et de St Guénolé.
Préparer et anticiper l’avenir
Déjà dans les années 70, en Irlande, les pêcheurs bretons, mais également les mareyeurs, n’hésitaient pas à franchir la mer celtique pour aller développer les pêcheries irlandaises : envoi de matériel (engins de pêche, création d’ateliers de marée, formation aux métiers du filetage). De nos jours, il suffit de se promener sur les quais de Penzance en Cornouaille pour reconnaître bon nombre de bateaux bretons vendus aux marins locaux et qui continuent à pêcher sur les mêmes zones. Certains armements bretons n’hésiteront pas à créer des « joints ventures » avec leurs collègues d’outre-Manche pour poursuivre leur activité, forts de leur savoir-faire.
La Bretagne est le principal client pour les pêches irlandaises, galloises, écossaises, cornouaillaises. C’est même une tête de pont pour tout le marché européen des produits de la mer du Royaume-Uni. Il faut donc que de véritables partenariats économiques et sociaux se créent pour éviter de se retrouver avec des bateaux à quai en Bretagne si le Royaume-Uni décidait de renationaliser ses eaux maritimes.
La Bretagne a donc un rôle important à jouer au niveau européen pour maintenir l’existence même de l’Europe Bleue. La Belgique, les Pays Bas ou le Danemark sont confrontés au même problème en Mer du Nord.