L’association Rezore Bretagne, créée à la suite des manifestations des bonnets rouges de l’automne 2013, est au cœur d’une polémique. Dans un article daté du 1er décembre 2016 de Ouest-France, on apprend que l’association a embauché une salariée en CDI en avril 2016. Mais cette dernière n’a jamais touché un seul centime, et a démissionné au bout de quatre mois. Le tribunal des prud’hommes a condamné, il y a un mois, l’association à verser à son ex-salariée les 4 mois de salaire, ainsi que 3 000 € de dommages-intérêts.
L’association, créée en novembre 2014, a pour objet de « regrouper le maximum de Bretonnes et de Bretons pour réfléchir, ensemble et harmonieusement, aux moyens à mettre en œuvre pour le rayonnement et le développement économique, social, artisanal, industriel et culturel de la Bretagne ». Rezore Bretagne s’est notamment donnée pour mission de créer des containers en vue de monter des dispensaires dans des déserts médicaux, de proposer des contrats de mutuelle et de bâtir des hameau de retraite (Articles et reportage sur TebeSud, Ouest-France et le Télégramme en 2015). On retrouve par ailleurs l’ensemble des missions sur leur site.
Contacté, Jean-Pierre Chariou se montre confiant quant à une résolution rapide du conflit qui l’oppose à son ex-salariée : « Il s’agit d’une erreur de jeunesse de l’ancien président, démissionnaire en avril, qui a oublié de demander le numéro SIREN nous permettant de recevoir de l’argent via des subventions promises. Nous devrions obtenir ce numéro dans une semaine pour pouvoir enregistrer des subventions. Nous allons régler ce que l’on doit à l’ex salariée lorsque nous aurons l’argent. Et si les subventions promises par les collectivités n’arrivent pas, nous disposons de toute manière trésorerie » explique-t-il, restant évasif sur la question des fonds. Alexandra, l’ex-salariée, aujourd’hui en recherche d’emploi, est très amère sur son expérience au sein de l’association : « J’ai été embauchée par M. Chariou pour un contrat en CDI à temps plein en tant qu’attachée de direction. Je devais faire une recherche pour la commercialisation de containers afin de créer des dispensaires de soin et trouver un local. Je suis étonnée qu’il déclare qu’il y a de la trésorerie. Pourquoi ne m’a-t-il pas payé dans ce cas ? Pourquoi a-t-il indiqué à plusieurs reprises que le virement bancaire était parti mais que je n’ai rien reçu ? ». Stéphane Rio, spécialiste juridique au sein de la CGT du Morbihan, qui a assisté Alexandra devant le conseil des prud’hommes est également en colère : « M. Chariou a embauché la salariée alors qu’il savait pertinemment qu’il n’avait pas d’argent pour la payer. Il n’a pas fait de déclaration à l’URSSAF et en l’absence de numéro SIREN, elle ne peut pas faire valoir ses droits auprès de Pôle Emploi. »
Des explications hasardeuses
M. Chariou revendique 600 adhérents au sein de son association, dont la cotisation est fixée à 10 €, ce qui correspond à une somme totale de près de 6 000 €. « Cela correspond à mes quatre mois de salaire » note Alexandra. M. Chariou explique que « dans notre association, tout le monde n’a pas les moyens de payer la cotisation de 10 €. Et pour ceux qui la règlent, nous avons 7 € qui sont consacrés aux frais d’envoi, d’impression et 3 € pour les remboursements de frais d’essence des bénévoles de l’association ». Il n’hésite pas, malgré tout, à vanter les mérites de son ex-salariée, allant même jusqu’à souhaiter son retour : « Alexandra a fait du très bon travail parmi nous. Nous serions heureux que cette histoire se termine bien et qu’elle puisse réintégrer notre structure ». M. Chariou rejette par ailleurs la faute sur Stéphane-Jean Niemiec, qui conserve la fonction de Président dans les statuts de l’association, qui n’ont pas été modifiés malgré sa démission en avril dernier.
Ce dernier est vent debout contre l’attitude de Jean-Pierre Chariou et a décidé de porter plainte contre lui pour diffamation, abus de confiance et abus de pouvoir contre cet homme qu’il qualifie de mythomane : « j’ai démissionné à la mi-avril de l’association. Jean-Pierre Chariou a signé un contrat de travail avec Alexandra dont j’ignorais tout. Je l’ai appris uniquement lorsqu’elle m’a contacté au mois de juin. J’ai tenté à ce moment de régler l’affaire avec Jean-Pierre Chariou, mais depuis, il ne répond plus ni à mes appels, ni à mes mails, ni à mes courriers en recommandé. Il a même intercepté le courrier de convocation à l’audience des prud’hommes et s’y est rendu à ma place, alors que je suis toujours statutairement le Président. Il a déchargé toute la responsabilité de l’affaire sur moi devant les juges du tribunal des prud’hommes, alors que c’est lui qui a signé le contrat et que les statuts de notre association ne permettent pas d’embaucher un salarié. J’ai en ma possession l’ensemble des preuves à l’encontre de Jean-Pierre Chariou que je transmettrai au procureur ».
Du côté de la CPAM du Morbihan, on est un peu gêné vis-à-vis de l’association. Une convention a été signée le 16 septembre 2015 par le biais de Jean-Pierre Chariou afin de travailler sur la création de dispensaires dans des déserts médicaux. Mais celle-ci a très rapidement été dénoncée et n’est jamais entrée en application : « nous avons eu des informations sur des gros problèmes de fonctionnement au sein de l’association, et nous avons immédiatement dénoncé la convention » indique une source interne.
Pourtant, l’association s’est fait connaître durant l’année 2015 pour des projets sociaux à destination des plus nécessiteux. Interrogé sur la faisabilité de ces projets et le montage financier, M. Chariou botte en touche : « notre rôle est de faciliter les choses pour que les dossiers aboutissent. Nous sommes une association de loi 1901 et ne touchons absolument rien. C’est aux collectivités d’effectuer le montage financier pour ces beaux projets qui doivent profiter aux plus nécessiteux. Nous, on a des contacts à la Commission Européenne, à l’État, à la Région Bretagne, au sein des départements et dans les communes intéressées » explique-t-il. Sans donner plus de détails encore une fois sur l’avancée des dossiers et leur faisabilité.
Un premier projet de chantier solidaire avait vu le jour pour une femme de Concarneau vivant dans un logement insalubre et qu’il fallait absolument rénover. Mais la réalisation du projet aurait également montré quelques failles. M. Chariou aurait ainsi laissé à la charge de l’occupante près de 6 000 € de factures correspondant à du matériel commandé au sein d’une enseigne de bâtiment. L’employée de l’entreprise aurait également été inquiétée dans l’affaire par sa direction car, leurrée par l’intention louable de M. Chariou, il aurait émis la facture au nom de l’occupante alors qu’elle en ignorait tout…
Une implication dans l’affaire des faux-billets du Bahreïn ?
Au sein du comité local des bonnets rouges du Pays d’Auray, on ne garde pas un bon souvenir de son passage en 2014. Selon une militante du collectif, il aurait tenté, en vain, de donner un statut associatif au collectif pour y proposer la vente de ses contrats de mutuelle : « Il voulait absolument vendre ses contrats de mutuelle mais ce n’était pas crédible, on s’y est opposé. Il agissait un peu dans le collectif comme un despote éclairé, et a fait preuve de beaucoup de dénigrement à notre égard quand il est parti. Pourtant, il s’est quand même approprié le nom « Rezore » pour son association alors que c’était un slogan des bonnets rouges. »
D’autant que le nom de Jean-Pierre Chariou apparaît dans l’affaire dite des faux-billets du Bahreïn. Révélée en 1998, cette affaire a donné lieu à la condamnation de sept personnes par un jugement du tribunal correctionnel de Paris le 17 février 2010. Fabriqués en Argentine, ces faux billets du Bahreïn ont traversé le Tchad et le Niger pour être blanchis au Moyen-Orient et en Europe. Dans un article du site Jeune Afrique la journaliste Marianne Meunier nous relate l’intervention de l’individu lors du procès : « Impeccable dans son costume cravate, cet ingénieur civil affirme avoir soumis au principe Fayçal en personne, en Arabie Saoudite, un projet immobilier « très prestigieux », à Saint-Tropez. Lui cherchait un investisseur, et banco ! Son Altesse Royale souhaitait investir. D’abord en rials, la monnaie saoudienne, puis en dinars de Bahreïn. « Quand vous trouvez un investisseur, se défend-t-il, vous ne le lâchez plus ! »
M. Chariou affirme qu’il s’agit là d’un homonyme. Pourtant, plusieurs éléments sont manifestement concordants, il s’agit à chaque fois d’un ingénieur du bâtiment ayant eu des liens de proximité avec l’Afrique et l’Asie. Plusieurs personnes contactées dans le cadre de cette enquête confirment les activités professionnelles de cet ingénieur en Afrique et au Moyen-Orient. Dans cette affaire, le journal Le Point établit que quatre des sept personnes condamnées (dont le dénommé Jean-Pierre Chariou) l’ont été pour des peines allant de 18 mois à 3 ans de prison ferme. Le blog d’information alternative-info évoque une somme de 4,5 millions d’euros que les condamnés doivent verser à la banque centrale du Bahreïn ! Selon le même article du Point, 54 millions d’euros issus de cette fraude seraient toujours dans la nature en 2010. De là à penser qu’il s’agirait de blanchir de l’argent sale, il n’y a qu’un pas…
Quoiqu’il en soit, les projets de dispensaires médicaux et de hameau pour retraités relayés par l’intéressé dans la presse au cours de l’année 2015, et confirmé lors d’un entretien par téléphone, ne présentent aucune garantie de financement. Des personnes proches de l’association assurent par ailleurs que les caisses de sont vides et qu’il n’y a pas de trésorerie.
Une assemblée générale de Rezore Bretagne est convoquée le samedi 17 décembre à 14h à Cléguérec. Parmi les points à l’ordre du jour, l’élection du conseil d’administration, et par suite l’élection du bureau. Jean-Pierre Chariou est candidat à sa réélection (et sa femme au poste de trésorier…) à la tête de l’association.