Le Climate Chance, le sommet mondial des acteurs non-étatiques du climat, s’est tenu du 26 au 28 septembre dernier à Nantes. Pierre-Emmanuel Marais, conseiller municipal UDB à la ville de Nantes y a participé et nous livre ici ses impressions.
Vous avez pu participer à une journée de Climate Chance, le mardi 27 septembre 2016. Qu’en avez-vous retenu ?
Pierre-Emmanuel Marais : Le premier débat auquel j’ai assisté concernait la situation en Afrique. M. Sékoù Sarr du Sénégal pointait le coût économique et social du changement climatique. Selon lui, il faut repenser l’accès à l’énergie en Afrique, relancer un processus de décentralisation via des plans de développement pour l’Afrique de l’Ouest, car les collectivités locales et les villes connaissent les niches d’opportunités des territoires. A ses côtés, M. Sakari Oksanen d’Irena a évoqué les enjeux de l’électrification des zones rurales d’Afrique car dans ces zones, la pauvreté y est omniprésente. M. Bruno Léchevin de l’ADEME a abondé. La lutte contre la pauvreté en Afrique passe par l’accès à l’énergie via des systèmes décentralisés. Cet un enjeu de formation et de transfert de compétence pour l’électrification des zones rurales.
Il y avait des personnalités importantes à ce Climate Chance, en tout cas pour la plénière concernant l’Afrique ?
Oui, bien installé dans les fauteuils grenat de la salle 450 de la cité des Congrès, est arrivé le moment « people » de cette plénière. L’intervention de Jean-Louis Borloo a été incisive en situant le débat autour d’une simple question : il faut agir pour que le monde ne sombre pas dans une guerre généralisée sachant que 75% de la population mondiale n’a pas accès à l’énergie. Il n’y a pas d’immigration différenciée selon lui, il s’agit d’une question de redistribution des hommes sur la planète. La transition écologique en Afrique n’est pas bloquée par des limites technologiques ou de liquidités, c’est une question de volonté politique. Il faut des fonds propres gratuits pour l’électrification de l’Afrique, 50 milliards en subvention et 250 milliards en crédits de long terme. Il demande un changement de système, la fin de l’aide au développement comme aide compassionnelle et pointe l’importance à laisser les africains maîtres des choix dans l’affectation des financements. Finalement c’est une dette qui est la nôtre, celle de la colonisation, une dette et une nécessité, nos démocraties ne résisteront pas à un continent en crise qui connaît une explosion démographique, à moins de 14 kms des côtes européennes. Et JL Borloo élude la responsabilités des chefs d’états africains.
Y-a-t-il eu des intervenants africains ?
Oui, je retiens l’intervention de Mme Jenifer Semakula Osisi, de la ville d’Ouganda, Kampala, qui a décrit les problèmes de déforestation dans son pays et la nécessaire décroissance du prix de l’énergie pour rendre accessibles bio-énergies aux populations les plus pauvres. Je pense aussi à la dernière intervenante de cette plénière, Mme Hindu Imaru Ibrahim qui a rebondi sur les propos de JL Borloo et lié la transition climatique en cours avec les questions de sécurité alimentaires tout en ayant un discours très en rupture avec le modèle dominant : « arrêtez de faire du baby-sitting » a-t-elle crié avant d’ajouter « laissez les africains décider pour eux-mêmes ». En effet, je pense qu’il s’agit bien d’une question de gouvernance avec en arrière-plan, le spectre de la colonisation qui guide les esprits encore et encore, comme si résonnaient les mots d’Albert Memmi : « La décolonisation a été un fruit amer ».
Ces journées ont-elles été denses et fructueuses en terme de rencontres ?
Difficile quand on n’est pas du microcosme mais les débats étaient très riches. Par exemple, l’après-midi, après un atelier très technique où l’échange d’expériences et la prise de contact primaient, la seconde plénière de la journée a été l’occasion de revenir au nerf de la guerre, le financement de la transition énergétique. Mme Hakima El Haité, ministre de l’écologie du Royaume du Maroc est intervenue en resituant le bon niveau d’intervention sur le changement climatique, le niveau du territoire, avec à l’esprit sans doute, les premières années de la construction européenne qui avait pour obsession la subsidiarité.
Obsession vaine ?
Je ne crois pas. Il s’agit de revenir à certaines évidences. Pour agir efficacement pour les habitants, quand cela est possible, il est nécessaire d’agir au plus près.
La subsidiarité : L’Alpha et l’Oméga ?
Non, Mme El Haité a aussi insisté sur la question du prix carbone, le marché régulateur comme solution, ce qui n’est pas sans posé question, en tout cas comme solution unique.
Finalement, ce Climate Chance, n’était-ce pas beaucoup de paroles et peu de perspectives ?
Difficile de répondre. La plénière de l’après-midi, entre la responsable de l’AFD, Mme Anne Odic, M. Gerard Mestrallet (M. Parachutre doré) d’Engie et M. Frerot de Veolia, il m’ semblé que nous étions dans l’entre-soi du financement écolo. Ils ont tour à tour partagé ce constat terrible d’un catastrophe à venir sans que la question du financement pour lutter contre, ne soit réellement abordé, si ce n’est via une taxe-carbone qui, aujourd’hui à 4€ la tonne, ne crée pas de marché viable et compétitif face aux industries polluantes. Lors de la COP 21, un fonds vert de 100 milliards d’euros a été prévu mais il n’y a pas le début d’une méthode, d’un comment et ce au grand damne des représentants africains présents sur l’estrade, comme M. JP Elong M’Bassi.
Noir c’est noir…
Une petite lueur dans la nuit est d’abord venue de Mme Claire Ferhenbach représentante d’Oxfam, qui a mis la société Engie devant ses responsabilités en leur posant la question du « pourquoi vendre des centrales à charbon plutôt que de les fermer » s’ils pensent que la production d’énergies fossiles est mortifère pour l’humanité et a proposé une piste de financement que tout le monde semble avoir mise de côté : la taxe sur les transactions financières. En effet, aujourd’hui, le Trend du réchauffement climatique est à 3°, très loin des 1,5 ou 2° annoncés comme excessivement graves pour la planète (sécheresses, inondations, baisse productivité agricole, famine, guerre, migrations climatiques…).
Qu’espérer de la COP 22 ?
On peut dire que l’objectif de la COP 22 de Marrakech devra passer par un réel engagement fort des partenaires privés et publics, des gouvernements et collectivités territoriales. Il faudrait passer à l’action mais il me semble que c’est par l’action publique que des solutions seront trouvées, les acteurs privés ne raisonnant que dans une logique win-win où le profit est la ligne d’horizon.
Et les fondations privées ?
J’ai pu assisté en fin de journée à un atelier organisé par le campus international pour la civilisation écologique, atelier dont Ronan Dantec a souligné l’importance. Il s’agissait de l’étonnante rencontre de fondations européennes et chinoises sous l’égide du campus international pour la civilisation écologique, qui vient de s’installer à Vigneux-de-Bretagne au lieu-dit la « Land-Rohan ». Ma surprise a été surtout la force des fondations européennes présentes et leur capacité à lever des fonds ainsi que la prise de conscience des représentants chinois présents quant aux risques climatiques.