Ici, seul le xénophobe est un étranger

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Le centre EDF à Trégastel.

Je découvre avec dégoût dans Le Trégor, les propos ostracistes d’un certain Philippe Cayrel, affirmant parler au nom d’un « Collectif citoyen du Trégor». Sa cible : les personnes qu’il désigne sous le terme très tendance de « migrants »… comme s’il s’agissait de voyageurs indélicats ayant unilatéralement décidé de s’installer « chez nous », alors qu’il s’agit de réfugiés qui n’ont de salut que dans la fuite des persécutions, des guerres et de la misère… dont nos « démocraties » occidentales, alliées des pires dictatures, portent une bonne part de responsabilité.

Ceux que M. Cayrel rejette précisément, ce sont les quelque 30 réfugiés qui pourraient être accueillis dans des conditions décentes, à Trégastel et à Trébeurden, plutôt que d’être entassés dans une de ces zones de non-droit, ghetto, « jungle » ou centre de rétention dont l’existence est une insulte à la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) à laquelle l’État français est supposé adhérer.

Selon M. Cayrel : ces personnes – dont il avoue ne rien savoir – seraient susceptibles de troubler la tranquillité du résident, fût-il secondaire… aux prétextes qu’elles se trouvent déracinées et sans ressources et que « pourraient » se trouver parmi elles des « personnes mal intentionnées » dont le très accueillant M. Cayrel se demande si on a bien vérifié l’identité… On pourrait s’étonner que les exigences sécuritaires de l’ancien étudiant de l’université de la rue d’Assas ne se soient pas déjà manifestées à l’encontre des milliers de touristes qui déferlent sur la Bretagne, sans contrôle aucun, dès que la douceur de l’hiver y laisse place à celle de l’été. Mais non : ceux-là sont majoritairement européens, blancs… et pas trop démunis. Les craintes que M. Cayrel instille par ses supputations sont d’une autre nature : c’est la peur et le rejet de l’étranger qu’il aiguillonne, surtout si son « origine » est plutôt subméditerranéenne ; et plus encore si l’étranger en question est pauvre : a-t-on vérifié si leur « statut social » est convenable ? s’inquiète le cadre financier… dont la pose ingénue de gardien de la paix publique s’estompe aussitôt sous les traits du pompier pyromane qui annonce qu’elle pourrait être troublée par des réactions hostiles à cet accueil… comme la pétition et la réunion publique qu’il a décidé d’organiser.

Cette rhétorique de la peur et du rejet de l’autre n’est pas celle de « simples citoyens » : c’est celle de la peste brune, nationaliste et xénophobe , qui se répand en Europe et qui renvoie vers l’horreur, les réfugiés qui en appellent à notre humanité.

Des réfugiés en effet : ceux auxquels les Bretons ont toujours ouvert les bras à chaque fois que l’histoire nous a mis au défi de prouver la sincérité de nos références culturelles, aussi bien la charité chrétienne pour certains que la solidarité internationale pour d’autres, la première n’excluant d’ailleurs pas la seconde. Des Italiens fuyant Mussolini aux Kurdes fuyant Daesh ou Al-Assad, en passant par les réfugiés espagnols et basques fuyant la dictature franquiste, ou ceux, français, fuyant les bombardements de l’armée nazie en 1940.

De même accueillons-nous, sans être consultés, des migrants saisonniers qui, comme M. Cayrel lui-même, séjournent librement entre les pavillons de la riante vallée de Chevreuse et leurs résidences secondaires dans notre pays : une Bretagne réputée pour la qualité de vie que notre peuple a jusqu’à présent préservée en se gardant de céder aux chants funestes de la xénophobie. Une Bretagne réputée pour la tradition d’hospitalité dont M. Cayrel lui-même est un heureux bénéficiaire et qu’il prétend aujourd’hui, fort impudemment, refuser aux autres !

> Jean-Do Robin

Jean-Do Robin a été enseignant et conseiller pédagogique. Il est de tous les combats, particulièrement ceux qui concerne les Droits de l'Homme, en Bretagne comme en Palestine.