Financement des Régions par Manuel Valls : une autonomie de façade !

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« À compter du 1er janvier 2018, les Régions n’auront plus de Dotation globale de fonctionnement, cette DGF étant remplacée par une fraction de TVA dont l’effet dynamique garantira et pérennisera vos moyens d’action », a déclaré aujourd’hui le Premier Ministre Manuel Valls lors du congrès des régions à Reims.

Avant d’aller plus loin dans cet article, il convient de rappeler dans les grandes lignes la réalité de la fiscalité en France : l’État collecte l’impôt et redistribue. Les collectivités territoriales dépendent donc presqu’entièrement des enveloppes de l’État. Avec le recul, il n’est pas difficile de prouver que les lois successives de « décentralisation » ont surtout permis à l’État de générer des économies en transférant des « compétences » sans les budgets. Ces dernières années, le tarissement de la DGF du fait de l’austérité a été tel que les régions réclament 600 millions de recettes supplémentaires pour faire face aux nouvelles compétences, notamment économiques.

Récemment, il a donc été question de la création d’une nouvelle taxe foncière pour générer des recettes destinées à financer les régions. Ce dispositif, injuste, a été abandonné et il semblerait que ce soit la préconisation d’Hervé Morin, le président de la Région Normandie, qui ait été choisie comme solution. C’était aussi une réclamation de la Collectivité Territoriale de Corse. Nombreux sont les partisans de la décentralisation à voir dans cette annonce un pas vers une meilleure prise en compte des territoires.

Et pourtant, on est encore très loin d’être dans une logique fédérale ! D’abord parce que c’est l’État qui continue de collecter l’impôt, que c’est lui qui fixera le taux et qui pourra, du jour au lendemain, l’adapter selon ses disponibilités financières. En somme, la méfiance envers les Régions demeurent : elles restent encadrées et non autonomes. La fiscalité reste très autoritaire dès lors que les Régions n’ont le pouvoir ni de lever l’impôt, ni d’en fixer le taux.

Autre question épineuse : faire reposer la fiscalité régionale sur la TVA, la taxe la plus injuste qui soit puisqu’elle fait porter l’effort en priorité sur les plus faibles (qui eux, dépensent tout leur salaire contrairement à ceux qui peuvent épargner). Ajoutons à cela que parmi les maigres ressources fiscales directes dont disposent les Régions, on recense la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE). Pour résumer simplement les choses : plus on consomme de pétrole, plus les Régions s’enrichissent. Drôle de paradoxe alors que les Régions disposent, parmi leurs maigres compétences, du développement du TER (train) ! En faisant reposer le budget des Régions sur la TVA, le Premier Ministre espère par la même occasion susciter l’augmentation de la consommation. Plus on consomme, plus les Régions percevront d’argent… et plus l’État en percevra puisqu’il s’agit uniquement d’un taux sur cette TVA ! Opération double donc pour Manuel Valls avec cette fiscalité qui incite à la consommation de masse.

On aurait préféré une remise à plat totale du système fiscal français comme cela avait été promis lors de la campagne présidentielle de 2012. Une fédéralisation de la République suppose de renverser les responsabilités et de laisser faire aux plus petits échelons ce qu’ils peuvent faire eux-mêmes. Ne resterait à l’État que les fonctions régaliennes. Pour être plus clair : que des collectivités qui se soient définies par elles-mêmes (et non découpées dans un bureau parisien) lèvent leur propre impôt et renvoient à l’État ce qu’il lui faut pour assurer ses missions et la péréquation. Ici, inutile d’être devin pour savoir que ce type de financement bénéficiera aux Régions les plus peuplées (puisque l’assiette sera plus large) et aux plus riches (puisque la consommation sera plus forte). On attend donc de savoir ce qu’il en sera de la péréquation, mais à en lire Le Peuple breton de septembre, il semblerait que l’État ait abandonné cette idée…

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]